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24/01/2025 | FRANCE | N°23MA01425

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 24 janvier 2025, 23MA01425


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du maire de la commune de Fayence du 29 octobre 2019 refusant de procéder à l'enlèvement de deux rochers sur le chemin intercommunal des Clots et de procéder à des travaux d'entretien de cette voie, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux daté du 4 novembre 2019, d'enjoindre à la commune de Fayence de procéder à l'enlèvement desdits rochers qui obstruent l

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du maire de la commune de Fayence du 29 octobre 2019 refusant de procéder à l'enlèvement de deux rochers sur le chemin intercommunal des Clots et de procéder à des travaux d'entretien de cette voie, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux daté du 4 novembre 2019, d'enjoindre à la commune de Fayence de procéder à l'enlèvement desdits rochers qui obstruent la circulation sur ce chemin et d'exécuter les travaux de remise en état de ce chemin bi-communal, en lien avec la commune de Tourrettes pour tout ou partie de ces travaux.

Par un jugement n° 1904517 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 29 octobre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé par M. A... en tant qu'elles refusaient de faire droit à la demande d'enlèvement des deux rochers obstruant le chemin intercommunal des Clots, a enjoint à la commune de Fayence d'enlever ceux-ci dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 7 juin 2023 et 1er mars 2024, la commune de Fayence, représentée par Me Jacquemin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a annulé la décision du 29 octobre 2019 et la décision implicite de rejet née sur le recours gracieux exercé le 4 novembre 2019 refusant de procéder à l'enlèvement de deux rochers situés sur le chemin des Clots et lui a enjoint de procéder audit enlèvement ;

2°) de mettre à la charge de M. A... le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal s'est mépris sur le nom du chemin ;

- les blocs de pierre litigieux appartiennent à la commune de Tourrettes ;

- le chemin doit être qualifié de chemin rural et ne constitue pas une voie publique ;

- il s'agit d'un chemin pédestre qui ne peut être ouvert à la circulation automobile au regard de sa largeur et de sa dangerosité. Le positionnement des blocs de pierre litigieux est donc fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2024, M. B... A..., représenté par Me Dagot, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Fayence ;

2°) d'enjoindre à la commune de Fayence de retirer les deux blocs situés sur le chemin des Clots, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fayence le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés et que le jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 avril 2023 a été exécuté de manière incomplète, les rochers ayant été simplement déplacés sur le côté du chemin et non enlevés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la voirie routière ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Bessis-Osty pour la commune de Fayence et de Me Dagot pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a déposé, le 31 juillet 2019, auprès des services de la commune de Tourrettes, deux demandes de permis de construire des bâtiments artisanaux et de service avec annexes commerciales sur les parcelles cadastrées sections I n° 14 et I n° 416. L'accès aux deux parcelles précitées n'étant possible que par le chemin situé entre, d'une part, le boulevard des Claux et, d'autre part, la route départementale (RD) 562, qui, à la limite entre la commune de Tourrettes et celle de Fayence a le caractère d'un chemin intercommunal, la commune de Tourrettes a demandé à M. A... de compléter son dossier de demande de permis de construire par un accord de la commune de Fayence pour procéder aux travaux nécessaires sur ledit chemin afin de permettre l'accès aux parcelles. Par une lettre en date du 27 septembre 2019, M. A... a demandé à la commune de Fayence, d'une part, de procéder à l'enlèvement de deux blocs rocheux obstruant l'accès au chemin et, d'autre part, de réaliser les travaux d'entretien nécessaires. Par une décision du 29 octobre 2019, confirmée par une décision implicite de rejet née à la suite d'un recours gracieux exercé le 4 novembre 2019, la commune de Fayence a rejeté la demande de M. A.... Par un jugement du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé ces deux dernières décisions en tant qu'elles refusaient de faire droit à la demande d'enlèvement des deux rochers obstruant le chemin intercommunal précité, a enjoint à la commune de Fayence d'enlever ceux-ci dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. La commune de Fayence interjette appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit, pour partie, aux conclusions présentées par M. A....

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les caractéristiques du chemin litigieux :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et, notamment, du panneau de signalisation apposé à son entrée à l'angle du boulevard des Claux, d'une part, que les premiers juges ne se sont pas mépris quant au chemin litigieux et, d'autre part et en tout état de cause sa dénomination n'ayant aucune incidence sur sa nature juridique, que celui-ci, situé entre le boulevard des Claux et la RD 562, anciennement dénommé chemin de belle dame, est actuellement dénommé " chemin des Clots ".

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / Lorsqu'elle est ainsi présumée, cette affectation à l'usage du public ne peut être remise en cause par une décision administrative. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le chemin objet du présent litige appartient dans sa globalité, sans qu'il faille, par suite, apprécier de quel côté de celui-ci ont été positionnés les rochers en obstruant le passage, aux communes de Tourrettes et de Fayence dont il constitue la limite séparative. Il ressort également des pièces du dossier que ce chemin, qui constitue une voie de passage, est affecté à l'usage du public et qu'il n'a pas été classé comme voie communale. Il suit de là et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que ce chemin présente le caractère d'un chemin rural relevant du pouvoir de police administrative municipale et, par suite, de la compétence des juridictions de l'ordre administratif.

En ce qui concerne l'obstruction du chemin :

5. Aux termes de l'article L. 161-1 du code de la voirie routière : " Les chemins ruraux appartiennent au domaine privé de la commune. Ils sont affectés à la circulation publique et soumis aux dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code rural et de la pêche maritime ". L'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. "

6. La commune requérante fait valoir que le chemin litigieux est pédestre et présente une largeur, un accès et des caractéristiques incompatibles avec le passage de véhicules. Il ressort toutefois d'un relevé topographique établi par un géomètre le 20 juillet 2018 que ce chemin présente une largeur de 5 m à 7,74 m dans son extrémité à l'angle du boulevard des Claux, une telle largeur étant suffisante pour permettre le passage des véhicules. Il ressort, par ailleurs, d'un constat d'huissier en date du 6 décembre 2019 produit par M. A..., qui n'est pas sérieusement contredit par le rapport de constatation établi le 11 mai 2023 par un agent de police municipale, d'une part, que ce chemin présente un caractère carrossable et, d'autre part, qu'il ne présente, à sa sortie donnant sur le boulevard des Claux, aucune dangerosité au regard de la configuration des lieux en ligne droite de part et d'autre. Par ailleurs, la circonstance que l'accès soit impossible au niveau de la route départementale 562 n'est pas, non plus, de nature à constituer un danger. Par suite, au regard de l'ensemble de ces éléments, le maire de la commune de Fayence n'est pas fondé à soutenir que ce chemin présenterait un danger pour la circulation de véhicules.

7. Aux termes de l'article D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence ". Il résulte de la lettre même de ces dispositions que le maire a l'obligation de remédier à l'obstacle qui s'oppose à la circulation sur un chemin rural. Il suit de là que le maire de la commune de Fayence, qui ne justifie ainsi qu'il a été dit précédemment, d'aucun danger, était tenu de procéder à l'enlèvement des deux rochers faisant obstacle à la circulation des véhicules sur le chemin litigieux qui, au demeurant, constitue l'unique voie de desserte des parcelles de M. A... du fait de l'absence d'accès par la RD 562.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Fayence n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 29 octobre 2019, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux exercé par M. A... et a enjoint à la commune de Fayence de procéder au retrait des deux blocs de rochers. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

9. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de Fayence doivent, dès lors, être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fayence le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Fayence est rejetée.

Article 2 : La commune de Fayence versera à M. A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fayence et à M. B... A....

Copie en sera adressée à la commune de Tourrettes.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2025.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01425
Date de la décision : 24/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-01-006 Voirie. - Composition et consistance. - Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : DÉMÈS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-24;23ma01425 ?
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