Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre audit préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2306280 du 20 février 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2024, M. A..., représenté par Me Zohar, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 février 2024 ;
2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 27 novembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour renouvelable, valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle en application des dispositions du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien, dans un délai de quinze jours suivant notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai, en application de l'article L. 911-3 du même code, ou, à défaut, et sur le fondement de l'article L. 911-2 dudit code, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête n'est pas tardive et est recevable ;
- en rejetant sa demande au motif qu'il ne justifiait pas résider sur le territoire français depuis plus de dix ans et qu'il n'établissait pas l'ancienneté de son séjour lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du d) du ter de l'article 7 de l'accord franco-tunisien, le tribunal administratif de Nice a commis une erreur manifeste d'appréciation ainsi qu'une erreur de droit ;
- sur la décision portant refus de séjour :
. cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ; elle ne comporte pas, dans ses visas et motifs, toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle aurait dû se fonder ; l'administration préfectorale, qui n'a examiné sa demande que sur le fondement des dispositions de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008, sans se référer au d) de l'article 7 ter du même accord, n'a pas procédé à un examen de sa situation particulière ;
. cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
. l'illégalité de la décision portant refus de séjour la prive de base légale :
. cette décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
. elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- sur la décision fixant le pays de renvoi :
. cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
. elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 17 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 novembre 2024, à 12 heures.
En dépit d'une lettre du 23 décembre 2024 par laquelle la Cour a informé Me Zohar que la formation de jugement souhaitait recueillir, outre ses observations, celles de M. A..., lors de l'audience publique, ce dernier n'était pas présent le 7 janvier 2025, et n'a pas présenté de demande de report de l'audience.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- et les observations de Me Zohar, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Né le 6 octobre 1973 et de nationalité tunisienne, M. A... est entré sur le territoire français le 6 octobre 2008, sous couvert d'un visa D " salarié ". Il s'est consécutivement vu délivrer par le préfet des Alpes-Maritimes un titre de séjour portant la mention " salarié ", valable du 13 octobre 2008 au 12 octobre 2009, qui a été renouvelé du 13 octobre 2009 au 12 octobre 2010. Puis, M. A... s'est maintenu sur le territoire français. Après son interpellation par les services de police, le préfet des Alpes-Maritimes lui a, par un arrêté du 14 décembre 2019, fait obligation de quitter le territoire français. Mais cet arrêté a été annulé par un jugement n° 2000153 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice du 25 mars 2020, devenu définitif, lequel a également enjoint au représentant de l'Etat de réexaminer la situation de M. A.... Par un arrêté du 27 novembre 2023, le préfet a refusé de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale, et du travail. Il a également fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 20 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité de l'arrêté préfectoral contesté :
En ce qui concerne la légalité de cet arrêté en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision préfectorale litigieuse vise les textes dont elle fait application et mentionne les faits qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, si M. A... reproche au préfet des Alpes-Maritimes de ne pas avoir examiné sa demande au regard du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien susvisé, qui prévoit la délivrance de plein droit d'une carte de séjour au ressortissant tunisien justifiant d'une résidence habituelle en France de plus de dix ans au 1er juillet 2009, il ressort des termes de son arrêté contesté que le représentant de l'Etat s'est notamment référé à l'ancienneté de séjour alléguée par l'intéressé. Il s'ensuit que le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier de la demande présentée par l'appelant doit être écarté.
4. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen soulevé par M. A... tiré de la méconnaissance des stipulations du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien susvisé, par adoption des motifs retenus à bon droit et avec suffisamment de précision par les premiers juges au point 3 de leur jugement.
5. En quatrième et dernier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1 ci-dessus du présent arrêt, après son entrée, le 6 octobre 2008, sur le territoire français, sous couvert d'un visa D " salarié ", M. A... s'est vu délivrer par le préfet des Alpes-Maritimes un titre de séjour portant la mention " salarié ", valable du 13 octobre 2008 au 12 octobre 2009 qui a été renouvelé du 13 octobre 2009 au 12 octobre 2010. Il s'est postérieurement maintenu irrégulièrement sur le territoire français et n'a engagé aucune démarche pour régulariser sa situation avant d'être interpellé, en décembre 2019, par les services de police. M. A... est, par ailleurs, célibataire, sans enfant et ne fait état, dans ses écritures, d'aucune relation sentimentale en France, ni d'éléments concrets sur sa situation personnelle dans ce pays. Dans sa demande de titre de séjour du 12 septembre 2023, bien que se prévalant d'une promesse d'embauche, il se présente comme étant sans emploi. Il ne fait état d'aucune intégration à la société française. D'ailleurs, il ne conteste pas l'une des mentions de l'arrêté préfectoral contesté dans lequel il est indiqué que, saisie de sa situation, la commission du titre de séjour a émis un avis défavorable à la délivrance du titre de séjour qu'il demandait au motif d'une absence notable de preuve d'activité professionnelle depuis treize ans. Enfin, si l'un de ses frères réside régulièrement en France, deux autres vivent respectivement en Suisse et en Italie. Malgré le décès de ses parents, et en l'absence notamment de production d'un livret de famille, l'appelant n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et en l'absence de tout récit de vie sur cette période, la seule circonstance que M. A... se soit maintenu sur le territoire français depuis 2008, dont neuf années en situation irrégulière, n'est pas suffisante pour établir qu'il y aurait établi le centre de sa vie privée et familiale. Le préfet des Alpes-Maritimes n'a dès lors pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris sa décision en litige. Le représentant de l'Etat n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché son arrêté d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'appelant. L'ensemble de ces moyens doit donc être écarté.
7. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 novembre 2023 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour.
En ce qui concerne la légalité de cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :
8. D'une part, compte tenu de ce qui vient d'être dit, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il suit de là que ce moyen ne peut qu'être écarté.
9. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt, et eu égard à la nature et aux effets propres de la mesure d'éloignement en litige, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que cette mesure aurait été prise en méconnaissance des stipulations de
l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout comme celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
10. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 novembre 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la légalité de cet arrêté en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement :
11. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus au point 6, M. A... n'est pas fondé à invoquer, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et à soutenir que cette mesure porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, ni qu'elle serait, à ce titre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Ces deux moyens doivent par conséquent être écartés.
12. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 novembre 2023 en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
14. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.
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No 24MA00527