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10/01/2025 | FRANCE | N°23MA01401

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 10 janvier 2025, 23MA01401


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 127 031,95 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 30 mars 2017 portant suspension pour une durée de 3 mois du carreau des producteurs du marché d'intérêt national de Marseille, avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2020 et capitalisation des intérêts, d'annuler la

décision implicite par laquelle la société SOMIMAR a refusé de la réintégrer au sein dudit ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 127 031,95 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 30 mars 2017 portant suspension pour une durée de 3 mois du carreau des producteurs du marché d'intérêt national de Marseille, avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2020 et capitalisation des intérêts, d'annuler la décision implicite par laquelle la société SOMIMAR a refusé de la réintégrer au sein dudit carreau et d'enjoindre à ladite société de la réintégrer ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003958 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 juin 2023, régularisée le 20 juin 2023, et des mémoires complémentaires enregistrés les 12 janvier 2024, 31 mai 2024 et 18 décembre 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Capdefosse, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures produites avant la clôture de l'instruction :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la société SOMIMAR a refusé de faire droit à sa demande tendant au bénéfice d'une convention d'occupation temporaire du domaine public sur le carreau des productions du marché d'intérêt national de Marseille ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 507 743 euros en réparation des préjudices matériel, moral et d'image subis du fait de la décision du préfet des Bouches du Rhône en date du 30 mars 2017 par laquelle son activité a été provisoirement suspendue pour une durée de 3 mois, avec intérêts au taux légal depuis la date de sa demande indemnitaire préalable et capitalisation des intérêts ;

4°) d'enjoindre à la SOMIMAR de la réintégrer dans le carreau des producteurs, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SOMIMAR le paiement à son conseil d'une somme de 5 000 euros chacun en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'elle n'avait pas la capacité à agir puisqu'elle avait été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence du 18 mars 2021 ;

- l'Etat et la société SOMIMAR ont commis des fautes de nature à engager leur responsabilité ;

- les fautes commises par l'Etat sont à l'origine de préjudices économique, d'image et moral ;

- elle devait être réintégrée sur le carreau des producteurs.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2023, la société SOMIMAR, représentée par Me Briec, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de Mme B... ;

2°) de mettre à la charge de Mme B... le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors que Mme B... n'a pas la capacité pour agir ;

- les conclusions tendant à la réintégration sur le carreau des producteurs sont irrecevables dès lors qu'elles méconnaissent l'autorité de la chose jugée ; la décision implicite de rejet attaquée est confirmative de la décision du 4 avril 2017 portant refus de renouvellement de la convention d'occupation temporaire dont bénéficiait Mme B..., laquelle ne fait pas grief ;

- les moyens de la requête sont infondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête de Mme B....

Il entend se référer aux écritures produites en première instance par le préfet des Bouches-du-Rhône.

Par une décision du 30 septembre 2022, modifiée les 23 mars 2023 et 4 avril 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de commerce ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Capdefosse pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agricultrice, était bénéficiaire de conventions d'occupation du domaine public pour une durée d'un an à compter du 1er avril 2016 et jouissait, à ce titre, de trois emplacements au sein du carreau des producteurs du marché d'intérêt national de Marseille. A l'occasion d'un contrôle exercé le 16 septembre 2016, les agents de la direction départementale de la protection des populations ont dressé un procès-verbal d'infraction du fait de la présence, sur un emplacement de Mme B..., de 102 colis de tomates non étiquetés. A l'issue d'un conseil de discipline qui s'est déroulé le 11 janvier 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a, par un arrêté en date du 30 mars 2017, notifié le 4 avril 2017, infligé à Mme B... une sanction de suspension sur le carreau des producteurs d'une durée de 3 mois. Par une décision du 4 avril 2017, la société SOMIMAR, gestionnaire du marché d'intérêt national de Marseille, a refusé de renouveler, après le 31 mars 2017, les conventions d'occupation du domaine public dont bénéficiait Mme B.... Par un jugement n° 1703506 du 17 juin 2019 devenu définitif, la décision précitée en date du 30 mars 2017 a été annulée au motif, d'une part, d'irrégularités procédurales et, d'autre part, du caractère disproportionné de la sanction. Par un jugement n° 1703504 du 17 juin 2019, confirmé par la Cour par arrêt n° 19MA03926 en date du 13 mai 2022, il a, en revanche, rejeté les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre la décision de refus de renouvellement du 4 avril 2017. Par lettres en date du 28 janvier 2020, Mme B... a, d'une part, adressé à l'Etat une réclamation indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la sanction du 30 mars 2017 et, d'autre part, demandé à la société SOMIMAR de la réintégrer au sein du carreau des producteurs. Mme B... interjette appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires ainsi que ses conclusions aux fins d'annulation de la décision de refus de réintégration et d'injonction.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce rendu applicable aux exploitations agricoles par l'article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. "

3. Ces dispositions prévoient que la liquidation judiciaire emporte de plein droit le dessaisissement pour le débiteur, au profit du liquidateur, de l'administration et de la disposition de ses biens. Ces règles n'étant instituées que dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur peut s'en prévaloir pour s'opposer, notamment, à une action contentieuse diligentée par le débiteur. Par suite, faute pour le liquidateur judiciaire désigné par jugement du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en date du 18 mars 2021, d'avoir, en première instance, contesté la recevabilité de l'action contentieuse engagée par Mme B..., cette dernière, qui n'y a au demeurant pas intérêt, n'est pas fondée à soulever, pour ce motif, l'irrégularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat :

4. Mme B... fait valoir que l'Etat, en lui infligeant, par la décision du 30 mars 2017, une suspension de 3 mois du carreau des producteurs du marché d'intérêt national de Marseille, laquelle est, selon elle, à l'origine de la décision par la société SOMIMAR de refus de renouvellement de ses conventions d'occupation temporaire du domaine public, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'origine de préjudices tant économique que d'image et moral.

5. Il est constant que, par un jugement du 17 juin 2019 devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a annulé la sanction précitée aux motifs, d'une part, qu'elle présentait un caractère disproportionné eu égard aux faits reprochés et à la circonstance que Mme B... travaillait sur le marché d'intérêt national depuis plus de quinze ans et n'avait fait l'objet que d'un seul avertissement précédent en 2014 et, d'autre part, que la citation devant le conseil de discipline ne mentionnait pas la mise à disposition du dossier sept jours à l'avance ni la possibilité de présenter des observations et de se faire assister par un conseil. Le caractère disproportionné de la sanction constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat sans qu'il soit besoin, en tout état de cause, de se prononcer sur les autres fautes alléguées par l'intéressée tirées d'autres irrégularités procédurales tenant à la convocation devant le conseil de discipline, de ce que la commission de contrôle de la provenance des produits aurait dû être saisie et de ce que les conventions d'occupation dont elle bénéficiait auraient été tacitement renouvelées.

6. Toutefois, il résulte de l'instruction que la sanction du 30 mars 2017, notifiée le 4 avril 2017, n'a produit aucun effet dès lors que, par une décision du 4 avril 2017, la société SOMIMAR a refusé de renouveler à terme, soit après le 31 mars 2017, les conventions d'occupation dont bénéficiait Mme B... au sein du carreau des producteurs. Par suite, sa cessation d'activité à compter du 4 avril 2017 est exclusivement liée au refus de renouvellement précité et non à la sanction qui lui a été infligée par le préfet des Bouches-du-Rhône. En outre, si la requérante fait valoir que la décision de refus de renouvellement qui lui a été opposée n'est que la conséquence de la décision de sanction, il résulte de l'instruction qu'elle est liée non pas à la sanction infligée, laquelle était seulement disproportionnée, mais aux faits au demeurant non contestés par Mme B... tant dans le cadre du contrôle opéré le 16 septembre 2016 que devant le conseil de discipline consistant à ne pas avoir étiqueté, alors que de tels faits lui avaient déjà été reprochés par le passé, 102 colis de tomates, ce qui ne permettait pas de s'assurer de la provenance du produit alors que tout article vendu sur le carreau des producteurs devait obligatoirement avoir été produit par le titulaire de l'emplacement, cette obligation étant substantielle, ainsi que cela résultait de l'article VI de la convention d'occupation du domaine public. Par suite, en l'absence de lien de causalité entre, d'une part, la sanction du 30 mars 2017 et, d'autre part, l'ensemble des préjudices invoqués par Mme B..., cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction dirigées contre la société SOMIMAR :

7. Aux termes de l'article R. 761-17 du code de commerce : " Chaque marché dispose d'un règlement intérieur établi par le gestionnaire et approuvé par le préfet chargé de la police du marché. / Le règlement intérieur prévoit notamment : (...) 6° Les conditions dans lesquelles les autorisations et titres d'occupation sont attribués et, le cas échéant, retirés ou abrogés (...) ". Par ailleurs, l'article R 761-16 du même code dispose que : " Les usagers du marché sont notamment tenus aux obligations suivantes : 1° Se conformer aux dispositions du règlement intérieur du marché ainsi qu'aux textes législatifs et réglementaires applicables à leurs activités ; 2° Ne pas nuire à l'image et à la notoriété du marché ; 3° Respecter leurs obligations contractuelles envers le gestionnaire ; 4° Acquitter les redevances et contributions de toute nature perçues par le gestionnaire ". Le règlement intérieur du marché fixe, en son article 6, les conditions d'admission des usagers du marché et prévoit notamment que ceux-ci doivent faire la preuve de leur immatriculation en France au registre du commerce et des sociétés, de leur inscription à la mutualité sociale agricole, doivent justifier d'un relevé parcellaire ainsi que, le cas échéant, du personnel employé.

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du jugement précité du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en date du 18 mars 2021 plaçant l'activité agricole exercée en son nom personnel par Mme B... en liquidation judiciaire que, par un jugement en date du 24 janvier 2011, une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte au bénéfice de Mme B..., avec plan de redressement par voie de continuation arrêté par jugement du 6 février 2012. Par ailleurs, la société TGR Primeurs, SARL dont l'unique associée et gérante était Mme B... et qui avait bénéficié, à compter du 11 avril 2017, d'une convention d'occupation du domaine public sur un emplacement de 288 m² de surface commerciale et 42 m² de bureaux situé au sein du secteur des grossistes, ne réglait plus, depuis le 1er février 2018, ses redevances d'occupation domaniale. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société SOMIMAR qui, en tout état de cause, n'était pas tenue d'accorder une autorisation d'occupation du domaine public, a pu estimer que Mme B..., qui, en outre, avait été sanctionnée à plusieurs reprises pour des faits de défaut d'étiquetage des produits, ne présentait pas les garanties financières qui lui permettraient de s'acquitter du paiement de ses redevances. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes d'appel et de première instance, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de réintégration au sein du carreau des producteurs née sur sa demande du 28 janvier 2020 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais d'instance :

9. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme B... doivent, dès lors, être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société SOMIMAR en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société SOMIMAR en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la société SOMIMAR, au ministre de l'intérieur et à Me Capdefosse.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2025.

N° 23MA01401 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01401
Date de la décision : 10/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Contrats et concessions.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CAPDEFOSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-10;23ma01401 ?
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