La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/01/2025 | FRANCE | N°23MA03024

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 08 janvier 2025, 23MA03024


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Nova E Properties a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par laquelle le maire de Saint-Paul-de-Vence a constaté la caducité du permis de construire délivré le 18 août 2014 en vue de la construction d'un ensemble immobilier de 22 logements sur un terrain situé 833 chemin du Malvan, ensemble la décision du 3 janvier 2020 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, de condamner la commune à l'indemniser d

u préjudice subi en raison de l'illégalité de ces décisions.



Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nova E Properties a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par laquelle le maire de Saint-Paul-de-Vence a constaté la caducité du permis de construire délivré le 18 août 2014 en vue de la construction d'un ensemble immobilier de 22 logements sur un terrain situé 833 chemin du Malvan, ensemble la décision du 3 janvier 2020 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, de condamner la commune à l'indemniser du préjudice subi en raison de l'illégalité de ces décisions.

Par un jugement n° 2000903, 2004266 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 décembre 2023 et 19 juillet 2024, la société Nova E Properties, représentée par Me Deldique, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le maire de Saint-Paul-de-Vence a constaté la caducité du permis de construire du 18 août 2014, ensemble la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Saint-Paul-de-Vence a rejeté sa demande indemnitaire préalable ;

4°) de condamner la commune de Saint-Paul-de-Vence à lui verser une indemnité de 1 021 692,11 euros, ou à défaut de 926 667,11 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice subi en raison de l'illégalité de ces décisions ;

5°) si nécessaire, de désigner un expert afin d'évaluer la perte de valeur de son terrain et par voie de conséquence, le préjudice financier qu'elle subit ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul-de-Vence la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté du 25 octobre 2019 a été signé par une autorité incompétente ;

- le permis de construire du 18 août 2014, d'une validité de deux ans, a bénéficié d'une première prorogation d'un an en application de l'article 2 du décret du décret n° 2014-1661 du 29 décembre 2014, puis d'une nouvelle prorogation d'un an en application de l'article 7 du décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016, portant sa validité jusqu'au 18 août 2018 ; il a ensuite été prorogé d'un an par un arrêté du 25 juillet 2017 du maire de Saint-Paul-de-Vence, puis une seconde fois pour un an par un arrêté du 11 juin 2018 ; le permis était ainsi valide jusqu'au 18 août 2020 ;

- des travaux significatifs ont été réalisés en juillet 2019, ainsi qu'en attestent le compte-rendu de chantier du 1er août 2019 et un constat d'huissier, de nature à interrompre le délai de péremption ; ils ont ensuite été arrêtés en raison de la nécessité de réaliser une nouvelle étude des fondations du pont ;

- les décisions du 25 octobre 2019 et du 3 janvier 2020 étant illégales, la commune a commis une faute engageant sa responsabilité ;

- cette faute lui a causé un préjudice financier, lié soit à la perte de valeur vénale de son terrain, en cas de vente de celui-ci, soit à la perte de chance d'y réaliser son projet immobilier, si elle en reste propriétaire et un préjudice de réputation ; les éléments qu'elles produit permettent de justifier du montant du préjudice subi.

Par des mémoires, enregistrés les 23 juin et 9 août 2024, la commune de Saint-Paul-de-Vence, représentée par Me Euvrard, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Nova E Properties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2014-1661 du 29 décembre 2014 prolongeant le délai de validité des permis de construire, des permis d'aménager, des permis de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable ;

- le décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 relatif à la durée de validité des autorisations d'urbanisme et portant diverses dispositions relatives à l'application du droit des sols et à la fiscalité associée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Gandet, représentant la société Nova E Properties.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 août 2014, le maire de Saint-Paul-de-Vence a délivré à M. B... un permis de construire un ensemble immobilier de dix logements sur un terrain situé Chemin du Malvan. Ce permis a été transféré le 16 décembre 2014 à la SCI Joseph P. Un permis de construire modificatif, portant à 22 le nombre de logements autorisés, a été délivré à cette société le 22 mai 2016. Le permis de construire a été transféré le 30 aout 2016 à la société Nova E Properties, qui a obtenu, par des arrêtés des 25 juillet 2017 et 19 juin 2018 deux prorogations successives de la durée de validité de celui-ci. Par un arrêté du 25 octobre 2019, le maire de Saint-Paul-de-Vence a constaté la caducité du permis de construire délivré le 18 août 2014. La société Nova E Properties a formé un recours gracieux contre cet arrêté, rejeté par une décision du 3 janvier 2020. Par un courrier reçu le 12 mars 2020, la société a demandé à la commune de l'indemniser du préjudice subi du fait de l'illégalité de l'arrêté du 25 octobre 2019 et de la décision du 3 janvier 2020, demande qui a été implicitement rejetée. La société Nova E Properties relève appel du jugement du 18 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2019, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux, et sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser une indemnité de 1 021 692,11 euros, ou, à défaut de 926 667,11 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice subi en raison de l'illégalité de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement à ce que soutient la société Nova E Properties, les premiers juges ont répondu, de manière suffisamment circonstanciée, au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 25 octobre 2019, au point 4 de leur décision, et au moyen tiré de ce que la durée de validité du permis de construire a été prorogée de deux ans en application des dispositions de l'article 2 du décret du 29 décembre 2014 et de l'article 7 du décret du 5 janvier 2016, au point 8. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...). ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) / Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. / (...) / La publication ou l'affichage des actes mentionnés au premier alinéa sont assurés sous forme papier. La publication peut également être assurée, le même jour, sous forme électronique, dans des conditions, fixées par un décret en Conseil d'Etat, de nature à garantir leur authenticité. (...)".

5. L'arrêté du 25 octobre 2019 a été signé par M. D... C..., alors adjoint au maire, qui a reçu une délégation pour signer tout acte administratif courant du service d'urbanisme par un arrêté du 17 mars 2016, reçu en préfecture le 29 mars 2016. Il ressort de l'attestation établie le 20 juin 2023 par M. C..., désormais maire de Saint-Paul-de-Vence, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas rapportée en l'espèce, que cet arrêté de délégation de signature a été publié au registre papier des arrêtés municipaux des années 2015-2016, mis à la disposition du public. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 25 octobre 2019 doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de délivrance du permis de construire du 18 août 2014, d'une part : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue ".

7. L'article 1er du décret n° 2014-1661 du 29 décembre 2014 a, pour les autorisations intervenues au plus tard le 31 décembre 2015, porté à trois ans, à titre transitoire, le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Le présent décret s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication. / Lorsque ces autorisations ont fait l'objet, avant cette date, d'une prorogation dans les conditions définies aux articles R. * 424-21 à R. * 424-23, le délai de validité résultant de cette prorogation est majoré d'un an ". Le délai de validité des autorisations d'urbanisme a ensuite été porté à trois ans, de façon pérenne, par l'article 3 du décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016, lequel a modifié l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. L'article 6 de ce décret a abrogé le décret du 29 décembre 2014 et son article 7 prévoit que " Les dispositions prévues aux articles 3 et 6 du présent décret s'appliquent aux autorisations en cours de validité à la date de publication du présent décret. Lorsque ces autorisations relèvent du 1° ou du 2° de l'article 3, si elles ont fait l'objet avant la date de publication du présent décret d'une prorogation dans les conditions définies aux articles R.* 424-21 à R.* 424-23 du code de l'urbanisme ou de la majoration prévue à l'article 2 du décret n° 2014-1661 du 29 décembre 2014 susvisé, le délai de validité résultant de cette prorogation ou de cette majoration est majoré d'un an. ".

8. D'autre part, aux termes de l'article R. 424-21 du même code, dans sa version issue du décret du 5 janvier 2016, applicable aux autorisation en cours de validité à la date de sa publication : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé deux fois pour une durée d'un an, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard. (...) ".

9. Le permis de construire du 18 août 2014, notifié le 19 août 2014, était initialement valable jusqu'au 19 août 2016. Etant en cours de validité à la date de publication du décret du 5 janvier 2016, il a bénéficié de la prolongation d'un an de sa durée de validité prévue par son article 3, soit jusqu'au 19 août 2017. Si la société Nova E Properties se prévaut des dispositions de l'article 7 de ce décret, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de publication de celui-ci, le permis dont elle était titulaire n'avait pas fait l'objet d'une prorogation en application des dispositions de l'article R. 424-21 du code de l'urbanisme et n'avait pas davantage bénéficié de la prorogation de sa durée de validité en application de l'article 2 du décret du 29 décembre 2014. Ainsi la société Nova E Properties n'est pas fondée à soutenir que la durée de validité de son permis de construire a été prorogée de deux ans, soit jusqu'au 19 août 2018, en application des dispositions combinées des décrets des 29 décembre 2014 et 5 janvier 2016. Il s'ensuit que son permis de construire, qui expirait le 19 août 2017, et qui a, en application de l'article R. 424-21 du code de l'urbanisme, été prorogé à deux reprises pour un an par des arrêtés des 25 juillet 2017 et 11 juin 2018 du maire de Saint-Paul-de-Vence, expirait le 19 août 2019, et non, comme elle le soutient, le 18 août 2020.

10. En troisième lieu, la société Nova E Properties fait valoir que les travaux en vue de la construction de l'ensemble immobilier objet du permis de construire du 18 août 2014 ont débuté au cours du mois de juillet 2019, soit, en tout état de cause, avant le 19 août 2019. Toutefois, le compte-rendu de chantier du 1er août 2019 qu'elle produit et les photos qui l'accompagnent ne font état, à cette date, que de l'implantation, au sol, de quatre micropieux de fondation d'un pont prévu par le projet pour enjamber un vallon, tout comme le constat d'huissier du 5 novembre 2019. De tels travaux, entrepris quelques jours avant la péremption du permis de construire délivré cinq ans plus tôt, sont très limités au regard des 22 logements autorisés par le permis de construire, la société Nova E Properties ne pouvant, à cet égard, utilement se prévaloir de l'interruption des travaux intervenue en raison du constat, par le maître d'œuvre, lors de la réunion de chantier du 5 septembre 2019, du non-alignement des micropieux et de sa demande d'une nouvelle étude des fondations du pont préalablement à la poursuite des travaux, dès lors, en tout état de cause, que cette interruption est postérieure à l'expiration du délai de validité du permis de construire. Par suite, en l'absence de tout commencement significatif des travaux dans le délai de validité du permis, le maire de Saint-Paul-de-Vence n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme en opposant à la société Nova E Properties, par l'arrêté en litige, la caducité du permis de construire du 18 août 2014.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté du 25 octobre 2019 et la décision du 3 janvier 2020 ne sont pas illégaux, de telle sorte que la commune de Saint-Paul-de-Vence n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité. Par suite, et sans qu'il soit besoin de prescrire l'expertise sollicitée, les conclusions indemnitaires présentées par la société Nova E Properties ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Nova E Properties n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le maire de Saint-Paul-de-Vence a constaté la caducité du permis de construire du 18 août 2014, ensemble la décision du 3 janvier 2020 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Saint-Paul-de-Vence à l'indemniser du préjudice subi en raison de l'illégalité de ces décisions.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Paul-de-Vence, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Nova E Properties au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Nova E Properties une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la commune de Saint-Paul-de-Vence.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Nova E Properties est rejetée.

Article 2 : La société Nova E Properties versera à la commune de Saint-Paul-de-Vence une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nova E Properties et à la commune de Saint-Paul-de-Vence.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. A... udé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2025.

N° 23MA03024

2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA03024
Date de la décision : 08/01/2025

Analyses

68-03-04-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Régime d'utilisation du permis. - Péremption.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : AARPI LEXION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-08;23ma03024 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award