Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite de rejet par laquelle le maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer a refusé de retirer l'arrêté du 11 avril 2019 délivrant un permis de construire à la société par actions simplifiée Les Comptoirs de la transaction, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux du 8 avril 2020 ;
Par un jugement n° 2001115 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2023, Mme D... A..., Mme C... F... veuve A... et Mme E... A..., représentées par Me Martinez, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Saint-Cyr-sur-Mer du 11 avril 2019 ainsi que les décisions implicites rejetant leurs recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Cyr-sur-Mer de retirer cet arrêté dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de prendre tout arrêté interruptif de travaux ;
4°) subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente du jugement à intervenir du tribunal judiciaire de Toulon ;
5°) de mettre à la charge de société par actions simplifiée (SAS) Les Comptoirs de la transaction la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- en ne procédant pas à la comparaison des pièces produites en première instance et en se fondant uniquement sur celles produites par la société Les Comptoirs de la transaction pétitionnaire, le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les requérants n'avaient pas connaissance des travaux envisagés et a entaché son jugement d'une inexactitude matérielle et d'une dénaturation des faits de l'espèce ;
- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article R. 633-1 du code de justice administrative qui lui imposaient de surseoir à statuer jusqu'à ce que les juridictions judiciaires se soient prononcées sur l'existence d'un faux ;
- la demande de permis de construire a été déposée par la société Les Comptoirs de la transaction en méconnaissance des articles R. 423-1 et R. 431-5 du code de l'urbanisme, en mentionnant frauduleusement que cette société disposait d'une autorisation à cette fin alors que M. G... A... et Mme D... A... n'ont jamais signé le renouvellement du bail commercial intervenu le 24 mai 2017 ; elle ne comportait aucune signature de M. G... A... ; la première page du mandat signé le 5 octobre 2017 qui ne décrit pas le détail des constructions à entreprendre, ne comporte pas leur signature et n'a été accordé qu'à Mme B... et non à M. Sauvat, président de la société ; la destination de bureaux n'a jamais été autorisée par le bail commercial conclu le 20 avril 1999 ;
- la société Les Comptoirs de la transaction et M. Sauvat ont frauduleusement renseigné le dossier de permis de construire et délibérément induit en erreur l'administration en déclarant avoir l'autorisation d'édifier des constructions sur une surface bien supérieure à celle figurant dans le bail commercial conclu le 20 avril 1999, la demande de permis de construire faisant état du lot n° 5 d'une surface de 1468 m² alors que seul le lot 4 d'une surface de 315 m² a été donné à bail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2024, la société par actions simplifiée (SAS) Les Comptoirs de la transaction, représentée par la SCP Bérenger-Blanc-Burtez-Doucède et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des appelantes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors que le rejet implicite du recours gracieux du 8 avril 2020 présente un caractère confirmatif du rejet implicite du recours gracieux du 9 décembre 2019 ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La requête a été communiquée à la commune de Saint-Cyr-sur-Mer, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Martinez, représentant les appelantes.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 11 avril 2019, le maire de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Vendanges Café - Les Comptoirs de la transaction un permis de construire deux établissements recevant du public (ERP) d'une surface de plancher respective de 119 m² et de 57 m² attenant à un ERP existant, à laquelle s'ajoute une surface de bureaux de 33 m², ainsi que 13 places de stationnement non couvertes supplémentaires sur une parcelle cadastrée section CH n° 106, située avenue du Maréchal Juin, Carrefour de la Banette, sur la route départementale 559. M. G... A... et Mme D... A..., propriétaires de cette parcelle et du bâtiment existant, ont demandé au maire de Saint-Cyr-sur-Mer de retirer cet arrêté par deux lettres en date du 9 décembre 2019 et du 8 avril 2020. Mme C... F... veuve A... et Mme E... A..., venant aux droits de M. G... A..., et Mme D... A... relèvent appel du jugement du 13 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur requête tendant à l'annulation des décisions par lesquelles ces demandes ont été implicitement rejetées.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Si les appelantes soutiennent qu'en ne procédant pas à la comparaison des pièces produites en première instance et en se fondant uniquement sur celles produites par la société Les Comptoirs de la transaction pétitionnaire, le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les requérants n'avaient pas connaissance des travaux envisagés, et que le jugement est entaché d'inexactitude matérielle et d'une dénaturation des faits de l'espèce, ces moyens, qui tendent en réalité à remettre en cause l'appréciation des premiers juges, ne peuvent être utilement soulevés à l'appui d'une contestation de l'irrégularité du jugement.
3. Aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. ".
4. Si les appelantes soutiennent que le tribunal aurait méconnu ces dispositions, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance que la mise en œuvre en aurait été demandée.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. D'une part, un permis de construire ne peut faire l'objet d'un retrait, une fois devenu définitif, qu'au vu d'éléments, dont l'administration a connaissance postérieurement à la délivrance du permis, établissant l'existence d'une fraude à la date où il a été délivré. Cependant, si, ainsi que le prévoit désormais l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration, la circonstance qu'un acte administratif a été obtenu par fraude permet à l'autorité administrative compétente de l'abroger ou de le retirer à tout moment, elle ne saurait, en revanche, proroger le délai du recours contentieux contre cette décision. Toutefois, un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme.
6. D'autre part, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs / (...) La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction de la demande de permis, la validité de l'attestation établie par le pétitionnaire. Toutefois, dans le cas où, en attestant remplir les conditions définies à l'article R. 423-1, le pétitionnaire procède à une manœuvre de nature à induire l'administration en erreur, le permis qui lui est délivré doit être regardé comme ayant été frauduleusement obtenu.
7. Enfin, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 (...) " Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " la demande de permis précise : / f) la surface de plancher des constructions projetées (...) ". L'autorité administrative saisie d'une demande de permis de construire peut relever les inexactitudes entachant les éléments du dossier de demande relatifs au terrain d'assiette du projet, notamment sa surface ou l'emplacement de ses limites séparatives, et, de façon plus générale, relatifs à l'environnement du projet de construction, pour apprécier si ce dernier respecte les règles d'urbanisme qui s'imposent à lui. En revanche, le permis de construire n'ayant d'autre objet que d'autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, elle n'a à vérifier ni l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joints à la demande tels que limitativement définis par les dispositions des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme, ni l'intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation.
8. En premier lieu, les appelantes ne sauraient sérieusement soutenir que M. G... A... et Mme D... A... n'ont jamais signé le renouvellement, le 24 mai 2017, du bail commercial portant sur l'ERP existant et ne se sont jamais présentés en l'étude du notaire en charge de l'établissement de cet acte authentique, en alléguant, sans l'établir, que Mme B..., avec laquelle leur père aujourd'hui décédé a signé ce bail qui a ensuite été apporté à la SAS Les Comptoirs de la transaction, leur a apporté cet acte pour signature à leur domicile, au seul motif que leur signature n'apparaît pas sur le verso des pages de l'acte de renouvellement, alors que ce notaire a établi, le 20 janvier 2020, une attestation suivant laquelle ceux-ci étaient présents lors de la signature de cet acte, lequel respecte l'ensemble des conditions de forme et de fond applicables aux actes authentiques. Au demeurant, M. A... a signé le 5 octobre de la même année, en son nom et en celui de Mme A..., en qualité de représentant légal de l'indivision qu'il formait avec sa sœur, un mandat permettant à Mme B... et à la SAS Les Comptoirs de la transaction d'effectuer toute démarche auprès de la commune de Saint-Cyr-sur-Mer pour déposer et retirer toutes pièces administratives visant à obtenir un permis de construire sur la parcelle occupée par le commerce " Vendanges Café ". A cet égard, les appelantes ne peuvent davantage sérieusement soutenir que cette autorisation de déposer un permis de construire a été délivrée uniquement à Mme B... alors qu'il mentionne clairement qu'elle est donnée également à la SAS, qui réalise son activité sous cette enseigne, ni, par ailleurs, que la destination de l'établissement aurait été modifiée frauduleusement par l'ajout d'une surface de 33 m² de bureaux, laquelle est accessoire à la surface commerciale. Enfin, les appelantes ne peuvent non plus sérieusement soutenir l'existence d'une manœuvre frauduleuse au motif que la demande de permis de construire, ainsi que cela ressort seulement d'un procès-verbal d'un huissier établi le 29 juin 2021, ne comporterait pas la signature de M. A..., cette signature n'étant pas requise dès lors qu'il n'était pas pétitionnaire, et que la SAS était bénéficiaire, ainsi qu'il vient d'être dit, d'une autorisation à cette fin. Au demeurant, la signature de M. A... apparaît bien sur les plans joints à la demande de permis de construire de la SAS et il ne ressort par ailleurs nullement de ce procès-verbal que ladite société n'aurait pas joint à sa demande ces plans nécessaires à l'appréciation de sa demande. Ainsi, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du tribunal judiciaire de Toulon sur la validité de l'acte authentique du 24 mai 2017, le moyen tiré de ce que la SAS Les Comptoirs de la transaction aurait procédé à une manœuvre frauduleuse en déclarant être habilitée à déposer la demande de permis litigieuse doit être écartée.
9. En second lieu, à supposer que les appelantes entendent alléguer l'existence d'une fraude distincte résultant selon eux de la présentation trompeuse de la surface sur laquelle la SAS Les Comptoirs de la Transaction était habilitée à construire, et du nombre de places de stationnement dont elle disposait, elles ne précisent pas la règle d'urbanisme à laquelle cette présentation, à la supposer établie, était destinée à échapper. Ce moyen ne peut donc dès lors, en tout état de cause, qu'être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, ni, ainsi qu'il a été dit au point 8, de surseoir à statuer, que les consorts A... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Vendanges Café - Les Comptoirs de la transaction, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les appelantes sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de ces dernières une somme globale de 3 000 euros à verser à la SAS Vendanges Café - Les Comptoirs de la transaction en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête des consorts A... est rejetée.
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Article 2 : Les consorts A... verseront ensemble une somme de 3 000 euros à la SAS Vendanges Café - Les Comptoirs de la transaction au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., première dénommée pour l'ensemble des requérantes, à la commune de Saint-Cyr-sur-mer et à la SAS Vendanges Café - Les Comptoirs de la transaction.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente-assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2025.
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N° 23MA02933