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31/12/2024 | FRANCE | N°24MA01097

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 31 décembre 2024, 24MA01097


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler la décision du 22 mars 2021 par laquelle la présidente de la métropole

Aix-Marseille-Provence a refusé de renouveler son contrat de travail, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux, en deuxième lieu, d'enjoindre à la métropole

Aix-Marseille-Provence de la réintégrer, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée,

à compter du 16 décembre 202

0, en troisième lieu, de condamner cette métropole à lui verser la somme de 30 000 euros en répar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler la décision du 22 mars 2021 par laquelle la présidente de la métropole

Aix-Marseille-Provence a refusé de renouveler son contrat de travail, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux, en deuxième lieu, d'enjoindre à la métropole

Aix-Marseille-Provence de la réintégrer, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée,

à compter du 16 décembre 2020, en troisième lieu, de condamner cette métropole à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutivement au non-renouvellement de son contrat et, en dernier lieu, de mettre à la charge de la métropole une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2107459 du 13 mars 2024, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné la métropole Aix-Marseille-Provence à verser à Mme A... la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant du non-respect du délai de prévenance de trois mois et de l'absence d'entretien, en méconnaissance des dispositions de l'article 38-1 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, a, d'autre part, mis à la charge de cette même métropole la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a, enfin, rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 avril et 17 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Journault, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 mars 2024 ;

2°) d'annuler cette décision de la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence du 22 mars 2021, ensemble cette décision implicite portant rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la métropole Aix-Marseille-Provence de procéder à sa réintégration effective et théorique, dans les fonctions qu'elle exerçait et sous contrat à durée indéterminée, à compter du 16 décembre 2020, ou, à défaut, de la condamner à lui verser la somme de 6 397 euros, à titre d'indemnité de licenciement ;

4°) de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser cette somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

5°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

A titre principal :

- contrairement à ce que persiste à faire valoir la métropole Aix-Marseille-Provence, elle a été engagée sur un emploi permanent pour une période de six années et quatre mois ;

- la métropole Aix-Marseille-Provence lui a proposé la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée à compter du 16 décembre 2020 et elle a formalisé son accord par un courriel du 3 février 2021 ; c'est donc à tort que le tribunal administratif de Marseille a considéré qu'en l'absence d'accord commun formalisé par la signature d'un nouveau contrat, elle ne pouvait pas se prévaloir d'un renouvellement tacite ; par conséquent, son contrat d'engagement doit être requalifié en contrat à durée indéterminée, à compter du 16 décembre 2020 ;

- la décision de rupture de son contrat à durée indéterminée constitue un licenciement ; intervenue en méconnaissance des garanties accordées aux agents publics par les articles 39-2 et suivants du décret n° 88-145 du 15 février 1988, cette décision est illégale ;

- la faute constituée par cette illégalité a pour conséquence directe de la priver de l'emploi sur lequel elle était affectée et seule sa réintégration sur ce poste réparera intégralement son préjudice ; il appartiendra à la Cour d'enjoindre à la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence d'y procéder, sous contrat à durée indéterminée et dans les fonctions dont elle a été illégalement évincée ; à défaut, la métropole devra être condamnée à lui verser la somme de 6 397 euros, à titre d'indemnité de licenciement ;

A titre subsidiaire, et si, par extraordinaire, la Cour devait considérer que son contrat ne peut pas être requalifié en contrat à durée indéterminée :

- la décision de non-renouvellement de son contrat est étrangère à l'intérêt du service et est entachée d'un détournement de pouvoir ; cette illégalité engage la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'interdiction de recourir de manière abusive aux contrats à durée déterminée qui découle des dispositions de la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne ; en cas d'un recours abusif à des contrats à durée déterminée, l'agent concerné a droit a minima à ce qu'il aurait perçu en cas de licenciement ;

- elle a été prise en méconnaissance du délai de prévenance prévu à l'article 38 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 et cette illégalité constitue également une faute de nature à engager la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence ;

Sur ses préjudices :

- la décision de rupture illégale du contrat et la promesse non tenue de transformation du contrat en contrat à durée indéterminée à compter du 16 décembre 2020 sont des fautes qui lui ont fait perdre une chance certaine et durable de voir son emploi pérennisé ;

- elle subit un préjudice professionnel certain qui perdure tant qu'elle n'a pas été réintégrée dans ses fonctions ;

- la faute commise par la métropole Aix-Marseille-Provence en méconnaissance du délai de prévenance lui a causé un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

- l'ensemble de ces préjudices sera indemnité à hauteur de 30 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2024, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Sindres, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnisation accordée à Mme A... n'excède pas la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral que cette dernière allègue et au rejet du surplus de ses prétentions indemnitaires, et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- si Mme A... relève appel de l'intégralité du jugement attaqué, elle n'est pas recevable à remettre en cause son article 1er qui lui donne satisfaction ;

- le jugement attaqué devra être confirmé dès lors que les moyens de la requête ne sont pas fondés, qu'elle n'a commis aucune illégalité fautive et que les prétentions indemnitaires de la Mme A... ne sont pas justifiées ; à tout le moins, si la Cour devait entrer en voie de condamnation, ces prétentions sont disproportionnées ;

- seule la méconnaissance du délai de prévenance a donné lieu à réparation et elle n'en conteste pas le quantum en cause d'appel.

Un courrier du 30 septembre 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 4 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Journault, représentant Mme A..., et celles de Me Chavalarias, substituant Me Sindres, représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat signé le 9 janvier 2015, Mme A... a été recrutée par le président de la communauté urbaine Marseille-Provence en qualité d'agent contractuel, pour exercer les fonctions, relevant de la catégorie A, d'auditeur, au sein de l'inspection générale des services de la direction de pôle gestion externalisée, du 15 décembre 2014 au 14 avril 2015. Elle a été reconduite dans ces mêmes fonctions, du 15 avril 2015 au 14 avril 2018, par un nouveau contrat à durée déterminée qui a été signé le 17 avril 2015 et qui a été renouvelé par le président de la métropole Aix-Marseille-Provence, venue aux droits de la communauté urbaine, le 20 mars 2018, pour la période du 15 avril 2018 au 14 avril 2021. Cependant, par un courrier du 22 mars 2021, la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence a informé Mme A... que ce dernier contrat de travail ne serait pas renouvelé. Mme A... a alors formé, le 20 avril 2021, un recours gracieux contre cette décision et a sollicité le versement d'une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutivement à cette décision. Par un jugement du 13 mars 2024, le tribunal administratif de Marseille a condamné la métropole

Aix-Marseille-Provence à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant du non-respect du délai de prévenance de trois mois et de l'absence d'entretien, en méconnaissance des dispositions de l'article 38-1 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, mais a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus de renouveler son contrat de travail et du rejet tacite de son recours gracieux contre cette décision, ses prétentions tendant à ce qu'il soit enjoint à la métropole de la réintégrer sur un contrat à durée indéterminée ainsi que le surplus de ses conclusions indemnitaires. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à ses demandes.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la demande, présentée à titre principal par Mme A..., relative à la requalification de son dernier contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

S'agissant des conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date de signature du premier contrat à durée déterminée conclu avec Mme A..., soit

le 9 janvier 2015 : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à : / 1° Un accroissement temporaire d'activité, pour une durée maximale de douze mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de dix-huit mois consécutifs (...) ". A compter du 8 août 2019, l'article 17 de la loi susvisée du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a ajouté un II à cet article dont le premier alinéa est ainsi rédigé : " II.- Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 peuvent également, pour mener à bien un projet ou une opération identifié, recruter un agent par un contrat à durée déterminée dont l'échéance est la réalisation du projet ou de l'opération. "

3. D'autre part, aux termes de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date de signature des deux derniers contrats à durée déterminée conclus avec Mme A..., soit les 17 avril 2015 et 20 mars 2018 : " Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi

n° 83-634 du 13 juillet 1983 (...), des emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : / (...) 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient et sous réserve qu'aucun fonctionnaire n'ait pu être recruté dans les conditions prévues par la présente loi (...) ".

4. Enfin, selon l'article 3-4 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date d'édiction de la décision en litige portant non-renouvellement du dernier contrat à durée déterminée octroyé à

Mme A... : " (...) / II. - Tout contrat conclu ou renouvelé pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics de six ans au moins sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au premier alinéa du présent II est comptabilisée au titre de l'ensemble des services accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement dans des emplois occupés sur le fondement des articles 3 à 3-3, à l'exception de ceux qui le sont au titre du II de l'article 3. / (...) / Lorsqu'un agent remplit les conditions d'ancienneté mentionnées aux deuxième à quatrième alinéas du présent II avant l'échéance de son contrat en cours, les parties peuvent conclure d'un commun accord un nouveau contrat, qui ne peut être qu'à durée indéterminée. (...) ".

5. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de son contrat. Il résulte en revanche des dispositions citées au point précédent que si une collectivité ou un établissement décide de renouveler l'engagement d'un agent territorial recruté par un contrat à durée déterminée, cette collectivité ou cet établissement ne peut le faire que par une décision expresse et pour une durée indéterminée si l'agent justifie d'une durée de services publics de six ans au moins auprès de la même collectivité ou du même établissement sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique.

Dans l'hypothèse où ces conditions d'ancienneté sont remplies par un agent territorial avant l'échéance du contrat, celui-ci ne se trouve pas tacitement transformé en contrat à durée indéterminée. Dans un tel cas, les parties ont la faculté de conclure d'un commun accord un nouveau contrat, à durée indéterminée, sans attendre cette échéance. Elles n'ont en revanche pas l'obligation de procéder à une telle transformation de la nature du contrat, ni de procéder à son renouvellement à son échéance.

6. Au cas particulier, Mme A... a été recrutée par la communauté urbaine Marseille-Provence en qualité d'agent contractuel, pour exercer les fonctions d'auditeur, au sein de l'inspection générale des services de la direction de pôle gestion externalisée, par un contrat signé le 9 janvier 2015, sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale,

c'est-à-dire pour répondre à un accroissement temporaire d'activité, entre le 15 décembre 2014 et le 14 avril 2015. Elle a été reconduite dans les mêmes fonctions, à compter du 15 avril 2015, par un contrat signé le 27 avril 2015, sur le fondement de l'article 3-3 de cette même loi, et qui a été renouvelé, sur le même fondement, par un contrat du 20 mars 2018. Dans ces conditions, il résulte des dispositions précitées de l'article 3-4 de la loi du 26 janvier 1984 que, comme l'ont considéré à bon droit les premiers juges, et contrairement à ce que persiste à soutenir la métropole

Aix-Marseille-Provence devant la Cour, dès lors que le dernier contrat à durée déterminée a été conclu avec Mme A... pour pourvoir un emploi permanent en application de l'article 3-3, son premier contrat signé sur le fondement du 1° de l'article 3 doit être pris en compte pour le calcul de sa durée de services publics. Par suite, ainsi qu'il ressort de l'attestation établie

le 22 mars 2021 par la présidente de la métropole intimée, l'appelante justifiait, dès le 16 décembre 2020, soit avant l'échéance de son dernier contrat en cours, de la durée minimale de six ans prévue par les dispositions précitées du II de l'article 3-4 de la loi du 26 janvier 1984. Néanmoins, et alors que, dans cette hypothèse, ce contrat en cours ne se trouve pas tacitement transformé en contrat à durée indéterminée, il est constant que les parties n'ont pas conclu d'un commun accord un nouveau contrat qui n'aurait pu être qu'à durée indéterminée. Si, pour prétendre le contraire, l'appelante se prévaut d'un courriel du 3 février 2021 par lequel elle déclare " accepter le renouvellement de [s]on contrat en contrat indéterminée ", il ne ressort pas des pièces versées aux débats que la métropole lui aurait proposé la conclusion d'un tel contrat et aucune de ces mêmes pièces ne révèle l'existence d'une décision expresse de l'autorité territoriale d'opérer ce renouvellement. Mme A... n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'elle était bénéficiaire d'un contrat à durée indéterminée depuis le 16 décembre 2020. Par conséquent, la décision en litige doit s'analyser, non pas comme une mesure de licenciement ainsi que le soutient l'appelante, mais comme le refus de renouveler son contrat à durée déterminée. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des articles 39-2 et suivants du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, qui sont relatifs à la procédure de licenciement, doivent être écartés comme inopérants et que les conclusions à fin d'annulation de sa demande principale doivent être rejetées.

S'agissant des conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard à ce qui vient d'être dit, les conclusions présentées par Mme A... tendant à ce que la Cour enjoigne à l'autorité territoriale de procéder à sa réintégration effective et juridique, dans les fonctions qu'elle exerçait et sous contrat à durée indéterminée, ne peuvent qu'être rejetées.

S'agissant des conclusions pécuniaires :

8. Il résulte des motifs énoncés au point 6 que les conclusions pécuniaires de la demande principale de Mme A... tendant à ce que la métropole Aix-Marseille-Provence soit condamnée à lui verser la somme de 6 397 euros, à titre d'indemnité de licenciement, ne peuvent qu'être rejetées.

S'agissant des conclusions indemnitaires :

9. D'une part, eu égard à ce qui a été dit, Mme A... n'établit pas que la métropole Aix-Marseille-Provence aurait commis une faute en ne requalifiant pas son dernier contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 16 décembre 2020.

10. D'autre part, si la responsabilité de l'administration est susceptible d'être retenue en cas de promesse non tenue, il appartient au demandeur de démontrer l'existence d'un engagement ferme et précis qui n'aurait pas été respecté à son égard. Or, Mme A... ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, de l'existence d'un engagement pris par la métropole Aix-Marseille-Provence de conclure avec elle un contrat à durée indéterminée.

11. Il s'ensuit que les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... au titre de l'absence de requalification de son dernier contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée doivent être rejetées.

En ce qui concerne la demande subsidiaire présentée par Mme A... relative au

non-renouvellement de son dernier contrat à durée déterminée :

S'agissant des conclusions à fin d'annulation :

12. En premier lieu, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent.

13. Mme A... soutient que la décision de ne pas renouveler son dernier contrat à durée déterminée n'aurait pas été prise dans l'intérêt du service et constituerait un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a toujours donné entière satisfaction dans sa manière de servir et que la métropole Aix-Marseille-Provence n'aurait pris cette décision que pour ne pas avoir à lui octroyer un contrat à durée indéterminée. L'appelante ajoute que, consécutivement à la fin de son contrat, son poste n'a pas été supprimé mais a été confié à un nouvel agent également recruté par le biais d'un contrat à durée déterminée. Cependant, ainsi que les premiers juges l'ont à juste titre relevé, si les comptes rendus d'entretien professionnel de Mme A... établis au titre des années 2015 à 2018 révèlent des appréciations très élogieuses, ses supérieurs ont indiqué dans le compte rendu d'évaluation établi au titre de l'année 2020 qu'elle a sous-exploité ses qualités et qu'elle devrait se ressaisir, et ont considéré cinq critères de notation comme à améliorer et sa ponctualité comme insuffisante. Si, après avoir pris connaissance de ces appréciations, l'appelante a rédigé, dans ce dernier compte rendu d'entretien professionnel, des observations évoquant une " incompréhension " avec son supérieur hiérarchique, elle n'établit, ni même n'allègue avoir sollicité sa révision. Par ailleurs, ces appréciations de sa hiérarchie, qui ne sont pas remises en cause par les deux attestations favorables rédigées par d'anciens supérieurs de Mme A... en 2014 et 2016, ou par les quelques échanges de courriels dont cette dernière se prévaut, sont corroborées par la synthèse réalisée le 3 mars 2021 pour le recrutement d'un auditeur externe organisé pour pourvoir à son poste et auquel elle a participé. Il ressort en outre de cette synthèse qu'une autre candidate présentait des mérites supérieurs que Mme A... ne remet pas efficacement en cause et qui ont justifié le recrutement de celle-ci en lieu et place de cette dernière. Dans ces conditions, Mme A... n'établit pas que le non-renouvellement de son dernier contrat à durée déterminée, qui se justifie par sa manière de servir au cours de la dernière année de son engagement, aurait été fondé sur des motifs étrangers à l'intérêt du service, et en particulier par la volonté de contourner une obligation légale. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que la décision de ne pas renouveler son contrat n'aurait pas été prise dans l'intérêt du service et constituerait un détournement de pouvoir doivent être écartés.

14. En deuxième lieu, les dispositions des articles 1er et 2 de la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union Européenne du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée et de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, imposent aux Etats membres d'introduire de façon effective et contraignante dans leur ordre juridique interne, s'il ne le prévoit pas déjà, l'une au moins des mesures énoncées aux a) à c) du paragraphe 1 de la

clause 5, afin d'éviter qu'un employeur ne recoure de façon abusive au renouvellement de contrats à durée déterminée. Lorsque l'Etat membre décide de prévenir les renouvellements abusifs en recourant uniquement aux raisons objectives prévues au a), ces raisons doivent tenir à des circonstances précises et concrètes de nature à justifier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Par ailleurs, si l'existence d'une raison objective exclut en principe que le renouvellement des contrats à durée déterminée soit regardé comme abusif, c'est sous réserve qu'un examen global des circonstances dans lesquelles les contrats ont été renouvelés ne révèle pas, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées par l'agent, au type d'organisme qui l'emploie, ainsi qu'au nombre et à la durée cumulée des contrats en cause, un abus. Il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.

15. Il résulte de l'instruction que Mme A... a exercé, au sein des services de la métropole Aix-Marseille-Provence, les fonctions d'auditeur, dans le cadre de trois contrats à durée déterminée, conclus pour les périodes successives, du 15 décembre 2014 au 14 avril 2015,

du 15 avril 2015 au 14 avril 2018 et du 15 avril 2018 au 14 avril 2021, totalisant une durée cumulée de six ans et quatre mois. Eu égard aux motifs de son recrutement et à la nature du besoin auquel répondait son emploi, elle doit être regardée comme ayant occupé un emploi permanent qui, au demeurant, n'a pas été supprimé consécutivement à la fin de son dernier contrat. Toutefois, compte tenu de la nature des fonctions exercées ainsi que du nombre et de la durée cumulée des contrats en cause, l'appelante n'établit pas que ses deux derniers contrats à durée déterminée traduisent un recours abusif à ce type de contrat. En outre, et alors qu'il résulte de l'instruction que la campagne de recrutement engagée pour pourvoir au poste de Mme A... a été ouverte aux titulaires, cette dernière ne saurait utilement faire grief à la métropole Aix-Marseille-Provence d'avoir recruté son successeur par le biais d'un contrat à durée déterminée à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de renouveler son propre contrat de travail, le moyen tiré d'un recours abusif à un tel contrat n'étant invocable que par le titulaire de ce contrat. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la métropole Aix-Marseille-Provence l'aurait illégalement privée d'un emploi permanent et aurait recouru abusivement aux contrats à durée déterminée, en méconnaissance des dispositions de la directive 1999/79/CE susvisée.

Ce moyen doit être écarté.

16. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 38-1 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Lorsqu'un agent contractuel a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être renouvelée en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'autorité territoriale lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : / (...) - trois mois avant le terme de l'engagement pour l'agent dont le contrat est susceptible d'être renouvelé pour une durée indéterminée en application des dispositions législatives ou réglementaires applicables. (...) ".

17. Mme A... n'a présenté devant le tribunal administratif de Marseille, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la présidente de la métropole

Aix-Marseille-Provence du 22 mars 2021, que des moyens mettant en cause la légalité interne de cette décision. Elle n'est donc pas recevable à développer, pour la première fois en appel, un moyen relatif à la régularité procédurale de celle-ci, tiré de la méconnaissance du délai de prévenance prévue à l'article 38-1 du décret précité du 15 février 1988, qui relève d'une cause juridique distincte. Mais, en tout état de cause, la méconnaissance de ce délai, si elle est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration, n'entraîne pas l'illégalité de la décision de

non-renouvellement du contrat. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté.

18. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence du 22 mars 2021 refusant le renouvellement de son dernier contrat de travail à durée déterminée.

S'agissant des conclusions indemnitaires :

19. La décision en litige n'étant ainsi entachée d'aucune des illégalités dénoncées par Mme A..., les conclusions indemnitaires présentées par celle-ci au titre d'illégalités fautives prétendument commises par la métropole ne peuvent qu'être rejetées.

20. En outre, à l'appui de sa contestation du jugement condamnant la métropole

Aix-Marseille-Provence à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant de la méconnaissance du délai de prévenance de trois mois et de l'absence d'entretien prévus par les dispositions de l'article 38-1 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, Mme A... se borne à réitérer devant la Cour ses conclusions tendant à ce que lui soit versée, à titre de réparation, la somme globale de 30 000 euros, sans préciser l'indemnité qu'elle entend obtenir au titre de la méconnaissance des dispositions de cet article 38-1, ni apporter en cause d'appel aucun élément nouveau susceptible de faire regarder comme erronée l'évaluation de ces chefs de préjudices à laquelle ont ainsi procédé les premiers juges. De telles conclusions d'appel ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

22. D'une part, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

23. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la métropole tendant à l'application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la métropole Aix-Marseille-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la métropole Aix-Marseille-Provence.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.

2

No 24MA01097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01097
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Nature du contrat.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SELARL SINDRES - AVOCATS MARSEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-31;24ma01097 ?
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