Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... G..., Mme H... C... épouse G..., la société civile immobilière (SCI) La Monède, M. F... A... et Mme D... E... épouse A... ont principalement demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement le département des Bouches-du-Rhône et l'association syndicale autorisée (ASA) de l'œuvre générale du canal des quatre communes à réparer le préjudice résultant des dysfonctionnements du canal des quatre communes, et, à cet égard, d'enjoindre au département des Bouches-du-Rhône et à l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes de réaliser ou faire réaliser les travaux préconisés par l'expert, et de les condamner au paiement des sommes de 14 064,91 euros correspondant à la dépose, la fourniture et la pose d'une clôture de remplacement, et de 10 000 euros en réparation du dommage résultant de leur résistance abusive et manifestement injustifiée.
Par un jugement n° 2008809 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille, après avoir admis l'intervention de la société Groupama, a condamné l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes à verser aux requérants une somme globale de 11 450 euros au titre du remplacement de la clôture endommagée par ce canal, et mis à sa charge définitive les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés, taxés et liquidés au montant de 11 379,60 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 novembre 2023, 5 septembre et 27 septembre 2024, M. G..., Mme C... épouse G..., la SCI La Monède, M. A... et Mme E... épouse A..., représentés par Me Fortunet, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de réformer le jugement n° 2008809 du 28 septembre 2023 du tribunal administratif de Marseille et d'annuler les décisions par lesquelles le département des
Bouches-du-Rhône et l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes ont refusé de procéder ou faire procéder aux travaux préconisés par l'expert judiciaire ainsi que de les indemniser des préjudices subis ;
2°) de condamner solidairement le département des Bouches-du-Rhône et l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes à réparer les préjudices résultant des dysfonctionnements du canal identifiés par l'expertise du 6 février 2020 et à leur verser les sommes de 14 064,91 euros correspondant à la dépose, la fourniture, et la pose d'une clôture de remplacement, et de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de condamner et à défaut d'enjoindre au département des Bouches-du-Rhône et à l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert ;
4°) de déterminer les délais de réalisation au-delà desquels la juridiction fixera une astreinte ;
5°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône et l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes au paiement des entiers dépens en ce compris les frais d'expertise taxés pour 11 379,60 euros ;
6°) de mettre à la charge solidaire du département des Bouches-du-Rhône et de l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes le versement de la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande indemnitaire est recevable ;
- la responsabilité solidaire du département et de l'ASA doit être retenue dès lors que le canal est un ouvrage public départemental dont la gestion et l'entretien ont été délégués à l'ASA ;
- l'expertise a permis de conclure à l'existence de dommages du fait de l'érosion substantielle des berges en rive gauche du canal sur leurs propriétés ;
- ces désordres sont la conséquence directe du dysfonctionnement du canal dont le lit a été modifié par élargissement sous l'effet d'une érosion incontrôlée ;
- ce dysfonctionnement du fossé a pour cause la faute de l'ASA ;
- si le tribunal administratif de Marseille a, à bon droit, retenu la responsabilité de l'ASA, il a toutefois commis une erreur de droit en ne retenant pas la responsabilité solidaire du département des Bouches-du-Rhône ;
- aucune faute exonératoire de responsabilité ne peut leur être reprochée ;
- les dommages perdurent et la berge n'a nullement été rétablie ; la demande d'exécution de travaux est à la fois une mesure permettant de mettre fin au dommage,
c'est-à-dire au phénomène d'érosion qui perdure, et une mesure de réparation du préjudice subi.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 août et 27 septembre 2024, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me Phelip, demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de ramener à de plus juste proportion les prétentions des requérants ;
3°) à titre très subsidiaire, de condamner l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes à le garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
4°) de rejeter les conclusions d'appel en garantie de l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes ;
5°) de mettre à la charge solidaire des requérants la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Marseille l'a mis hors de cause ;
- les moyens tendant à ce que sa responsabilité soit engagée ne sont pas fondés et doivent être écartés ;
- en tout état de cause, l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes sera condamnée à le garantir de toute condamnation pécuniaire qui serait prononcée contre lui.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 13 septembre 2024, la société Groupama Méditerranée, représentée par Me Martinez, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes et l'a condamnée à verser la somme de 11 450 euros au titre du remplacement de la clôture endommagée ;
3°) de rejeter l'appel en garantie formé par le département des Bouches-du-Rhône à l'encontre de l'ASA ;
4°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande indemnitaire est irrecevable ;
- son intervention est recevable ;
- aucun manquement n'est imputable à l'ASA ;
- en tout état de cause, seule la responsabilité du département est susceptible d'être engagée à raison de sa qualité de propriétaire de l'ouvrage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2024, l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes, représentée par Me Gouard-Robert, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner le département des Bouches-du-Rhône à la relever et la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge des requérants la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- c'est à tort que le jugement a considéré qu'elle était concessionnaire du canal pour le département et seule gestionnaire de l'ouvrage ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Un courrier du 6 septembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 17 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de concession du 20 février 1893 entre le ministère de l'agriculture et le syndicat constitué par décret du 23 avril 1892 composé des Communes de Cabannes,
Saint-Andiol, Verquières et Noves ;
- le cahier des charges du Canal des quatre communes du 26 mars 1889 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Fortunet, représentant M. G... et autres,
- les observations de Me Gouard-Robert, représentant l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes,
- et les observations de Me Martinez, représentant la société Groupama Méditerranée.
Une note en délibéré présentée par Me Fortunet, pour M. G... et autres, a été enregistrée le 16 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme G... sont propriétaires, à Saint-Andiol, de parcelles cadastrées section D n° 393 et n° 394 et section B n° 108 et n° 126. Par ailleurs, d'une part, M. A... et Mme E... épouse A..., et, d'autre part, la SCI La Monède, sont respectivement propriétaires, à Verquières, des parcelles cadastrées section B n°s 124 et 123. Ces terrains sont situés le long du canal de l'œuvre des quatre communes, en bordure de la route départementale (RD) 7, dont la gestion est assurée par l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes. A la suite du constat de l'érosion de leurs parcelles et de l'effondrement de leurs clôtures, le tribunal administratif de Marseille a ordonné, sur leur demande, une expertise, dont le rapport a été remis le 6 février 2020. Au vu des conclusions de l'expert, M. G... et autres ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à obtenir, outre l'annulation des décisions par lesquelles l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes et le département des Bouches-du-Rhône ont refusé de procéder à des travaux de renforcement des berges du canal, la condamnation solidaire du département et de l'ASA à réparer les préjudices qu'ils ont subis, en leur faisant injonction de procéder aux travaux préconisés par l'expert, ou à défaut, de les condamner à leur verser la somme globale de 114 610, 05 euros au titre de ces travaux. Par la présente requête, ils relèvent appel du jugement du 28 septembre 2023 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Marseille n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes.
Sur l'appel principal de M. G... et autres :
2. Il résulte de l'instruction que la demande de M. G... et autres tendait à obtenir, outre la réparation des dommages résultant de l'érosion de la berge du canal géré par l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes, la réalisation de travaux de confortement de cette berge. En formulant de telles conclusions, les intéressés doivent être regardés comme ayant donné à l'ensemble de leur requête le caractère d'un recours de plein contentieux.
En ce qui concerne l'exception d'incompétence du juge administratif :
3. Les appelants ne présentent pas de conclusions tendant à la désignation d'un expert aux fins de détermination des limites divisoires des parcelles jouxtant le côté ouest du canal. Par suite, l'exception d'incompétence de la juridiction administrative réitérée en cause d'appel par la société Groupama Méditerranée ne peut qu'être écartée.
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions indemnitaires :
4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".
5. Contrairement à ce que fait valoir la société Groupama Méditerranée, le courrier adressé par les requérants le 21 juillet 2020 à son assuré, l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes, constitue une demande indemnitaire préalable de nature à lier le contentieux. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de réclamation indemnitaire préalable doit être écartée.
En ce qui concerne la responsabilité :
6. Il résulte de l'ensemble des écritures tant de première instance que d'appel que M. G... et autres doivent être regardés comme ayant entendu engager la seule responsabilité sans faute du département et de l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes en leur qualité de tiers à un ouvrage public.
S'agissant du cadre juridique applicable et la personne publique responsable :
7. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers, tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel. Il appartient toutefois aux tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien de causalité entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et lesdits préjudices. En cas de concession d'un ouvrage public, c'est-à-dire de délégation de sa construction et de son fonctionnement, seule la responsabilité du concessionnaire peut être recherchée par les tiers, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage. La responsabilité de la collectivité concédante ne peut être engagée de ce fait qu'à titre subsidiaire.
8. Pour mettre hors de cause le département des Bouches-du-Rhône, dont il n'est pas contesté qu'il est le propriétaire du canal à l'origine du dommage allégué, le tribunal administratif de Marseille a relevé que les terrains des requérants sont situés le long du canal de l'œuvre des quatre communes, en bordure de la RD 7, créé par l'Etat en 1893 aux fins d'irrigation de terres agricoles, dont la gestion a été concédée à un syndicat constitué par décret du 23 avril 1892, entre les communes de Cabannes, Saint Andéol, Verquières et Noves, au droit duquel vient désormais l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes, en vertu d'un cahier des charges arrêté par le ministre de l'agriculture le 26 mars 1889, de telle sorte que le département des Bouches-du-Rhône, qui est lui-même venu aux droits de l'Etat en sa qualité de propriétaire de la RD 7, doit être regardé comme concédant du canal des quatre communes. Enfin, le tribunal administratif de Marseille a relevé qu'il n'est pas établi ni même allégué que l'ASA concessionnaire serait en situation d'impécuniosité.
9. Les motifs exposés au point précédent sont confirmés par l'ensemble des pièces versées aux débats, notamment la convention de concession conclue le 20 février 1893 entre le ministre de l'agriculture, agissant au nom de l'Etat, et le syndicat des quatre communes, dont l'article 1er indique que l'objet principal du canal est d'assurer l'irrigation des terres. En outre, si certaines sections de la branche de Saint-Andiol du canal, précisément aux droits des parcelles des requérants, empruntent l'un des fossés de la RD 7, ainsi que l'autorisait
l'article 5 du cahier des charges cité au point précédent, moyennant toutefois l'élargissement du fossé à cet effet ainsi qu'une autorisation préfectorale déterminant les conditions de cet usage, et que ledit fossé servirait d'exutoire aux eaux de ruissellement pluvial du bassin versant de la route, il n'est toutefois pas établi qu'il serait intégré à un réseau d'évacuation des eaux pluviales dont il constituerait l'un des éléments. Par ailleurs, alors que l'ASA, pas plus que son assureur, n'ont été en mesure de produire, tant en première instance qu'en appel, l'autorisation préfectorale exigée par l'article 5 du cahier des charges, de sorte que, contrairement à ce que fait valoir l'ASA, il n'est nullement établi que l'élargissement du fossé aurait été mis à la charge de l'Etat en sa qualité de gestionnaire de ce qui était alors une route nationale, il résulte de l'article 3 de ses statuts, tels que modifiés, en dernier lieu, par arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 août 2011, qu'elle est seule tenue d'assurer les travaux d'entretien, de curage et de restauration du canal et plus généralement de tous ses ouvrages. Par conséquent, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que seule la responsabilité de l'ASA était susceptible d'être engagée à l'égard des requérants, en sa qualité de concessionnaire chargée de l'administration, la gestion et l'exploitation du canal et des ouvrages qui y sont liés, et ce, en dépit de la circonstance qu'aux termes de l'article 10 du cahier des charges précité, le concessionnaire exploite et entretient le canal sous le contrôle et la surveillance du département. C'est également à bon droit que les appelants ont été regardés comme ayant la qualité de tiers à cet ouvrage, en dépit de la circonstance que les eaux pluviales provenant de leurs propriétés seraient dirigées vers le canal.
S'agissant du dommage :
10. Selon le rapport d'expertise, le dommage, constitué de l'érosion de la berge en rive gauche du canal au droit des parcelles des requérants, est révélé par la circonstance que la limite entre la berge et le lit du canal est aujourd'hui confondue avec la limite de leurs propriétés, que les poteaux en béton des clôtures implantés à la création du lotissement ont été dénoyés, qu'un linéaire important des clôtures est tombé, et que cette érosion donne une légère courbure au canal, qui a perdu sa rectitude. En dépit de l'absence des cotes d'origine de positionnement des berges par rapport aux parcelles lorsqu'elles ont perdu leur caractère agricole au début des années 1980, l'expert a été en mesure d'établir que l'érosion est comprise entre un mètre et 1,50 mètre au droit des parcelles des intéressés. La circonstance que l'expert n'aurait pas daté avec précision l'apparition de l'érosion est, à cet égard, sans incidence sur l'existence même du dommage, s'agissant au demeurant d'un phénomène évolutif dont les premières constatations, réalisées par les propriétaires, ont été portées à la connaissance de l'ASA par courrier du 12 novembre 2015. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré comme étant établie la matérialité du dommage.
S'agissant du lien de causalité entre la présence ou le fonctionnement du canal et les préjudices allégués :
11. Il résulte sans aucune ambiguïté du rapport d'expertise remis le 6 février 2020 que la cause principale de l'érosion de la berge au droit des parcelles des requérants résulte de la pression de frottement de l'eau sur la terre des berges due à la vitesse d'écoulement, particulièrement à l'occasion d'orages, et qu'elle est aggravée par l'absence de végétation pour stabiliser les berges, la présence d'obstacles latéraux dans le canal orientant les flux, et un curage mécanique, réalisé par l'ASA, inadapté car participant à la destruction du système racinaire en place. Par suite, le lien de causalité entre le fonctionnement de l'ouvrage et les dommages subis par les requérants est établi.
S'agissant des causes exonératoires de responsabilité :
12. En premier lieu, si les pluies d'orage ont été considérées par l'expert comme de nature à avoir aggravé la pression de frottement de l'eau à l'origine du phénomène d'érosion, l'ASA n'établit pas ni même n'allègue que de tels évènements seraient constitutifs de cas de force majeure de nature à l'exonérer de sa responsabilité.
13. En deuxième lieu, à supposer même que lors de la création de la zone d'activité au début des années 1980, les berges du canal au droit la propriété des requérants étaient dotées d'une végétation assurant leur stabilité, il ne résulte pas de l'instruction ni n'est établi par l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes que l'éventuelle suppression de cette végétation aurait été réalisée par les requérants eux-mêmes, ni, ce faisant, qu'ils auraient commis une faute exonératoire de responsabilité.
14. En troisième lieu, l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes n'est pas davantage fondée à soutenir que les requérants auraient méconnu les stipulations de
l'article 16 de ses statuts, qui imposent notamment des règles de prospect entre le canal et des ouvrages telles que des clôtures, dès lors que cet article, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, ne fixe des obligations applicables qu'aux seuls membres de l'association dont les requérants ne font pas partie. En tout état de cause, l'ASA n'explique pas précisément en quoi une telle méconnaissance de ces règles par les intéressés serait à l'origine des désordres, dès lors, notamment, qu'elle n'a pas été empêchée de procéder à des opérations de curage du canal chaque année. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les requérants auraient commis des fautes, tenant à la violation des dispositions du règlement du lotissement ou de documents d'urbanisme, ayant eu un lien causal avec le dommage, notamment s'agissant du positionnement des clôtures, dès lors que ce positionnement n'a pas été retenu par l'expert comme ayant été à l'origine, en tout ou partie, du phénomène d'érosion.
15. Enfin, en quatrième et dernier lieu, l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes ne peut utilement faire valoir le fait du tiers, en l'occurrence le département des Bouches-du-Rhône, à titre de cause exonératoire de responsabilité.
S'agissant des préjudices :
16. En premier lieu, il résulte du rapport d'expertise que l'érosion de la berge a eu pour conséquence de dénoyer les poteaux de clôture en béton implantés à la création du lotissement, au début des années 80, de sorte qu'un linéaire important des clôtures est tombé, et que ce qu'il en reste devrait subir le même sort. Pour octroyer aux requérants, au titre des frais de dépose et de remplacement de l'ensemble de la clôture, la somme globale de 11 450 euros, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur l'évaluation de l'expert, réalisée à partir de deux devis produits pendant les opérations d'expertise, à hauteur d'un montant total de 14 064,91 euros, et a appliqué un coefficient de 80 % sur la partie de ce montant affecté au seul remplacement du grillage, motif pris de ce que la durée de vie de ce type de matériel n'excède pas dix ans. En se bornant à soutenir que la future clôture devra être implantée avec un recul de quatre mètres, l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes ne conteste pas utilement les modalités de calcul de la somme telle que fixée par les premiers juges. De même, les requérants ne contestent pas plus en cause d'appel qu'en première instance le coefficient de 80 % appliqué par le tribunal administratif en se bornant à soutenir que le chiffrage a été réalisé antérieurement à l'inflation connu par ce genre de prestations. Enfin, si le département conteste ce montant au regard du prix moyen du changement d'une clôture selon les informations collectées sur un site internet, il ne produit pas de devis précis permettant de contredire l'évaluation à laquelle a procédé l'expert. Le département n'établit pas davantage que le montant correspondant aux travaux de dépose de l'existant devrait être déduit de l'indemnisation octroyée aux requérants, la seule photographie produite ne permettant pas d'établir que l'ancien matériel aurait
d'ores-et-déjà été entièrement retiré. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé à 11 450 euros le montant devant être mis à la charge de l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes au titre des frais de remplacement de la clôture.
17. En second lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 22 du jugement attaqué, la demande présentée par les appelants à hauteur de 10 000 euros au titre d'un préjudice subi dans le temps du fait de la non prise en compte de la situation dommageable.
S'agissant des conclusions à fin d'injonction de réaliser des travaux sous astreinte :
18. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
19. S'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas du rapport d'expertise, que le curage opéré par l'ASA en mars 2019 aurait mis un terme au phénomène d'érosion des berges au droit des propriétés des appelants, ni, à plus forte raison, que le dommage allégué ne perdurerait pas à la date du présent arrêt, le coût des travaux préconisés par l'expert, évalué à un montant de 90 545,14 euros, pour mettre un terme à ce dommage, apparaît manifestement disproportionné par rapport au préjudice subi par les requérants, en l'absence de tout élément de nature à établir l'existence d'un préjudice autre que celui lié au coût du remplacement de la clôture endommagée, intégralement réparé par l'indemnité accordée par le Tribunal. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions des requérants aux fins de réalisation des travaux.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. G..., Mme C... épouse G..., la société civile immobilière La Monède, M. A... et Mme E... épouse A..., ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a fixé à 11 450 euros le montant que l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes a été condamnée à leur verser, et a rejeté leurs conclusions aux fins d'injonction. Par suite, leurs conclusions tendant à la réformation de ce jugement doivent être rejetées.
De même, les conclusions à fin d'annulation de ce jugement présentées par la société Groupama Méditerranée doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
21. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.
22. D'autre part, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Marseille, les frais et honoraires de l'expertise, taxés à la somme de 11 379,60 euros par ordonnance du 1er avril 2020, sont mis à la charge définitive de l'ASA de l'œuvre générale du canal des quatre communes.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. G..., Mme C... épouse G..., la SCI La Monède, M. A... et Mme E... épouse A..., est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions des autres parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G..., Mme H... C... épouse G..., la société civile immobilière La Monède, M. F... A..., Mme D... E... épouse A..., à l'association syndicale autorisée de l'œuvre du canal des quatre communes, au département des Bouches-du-Rhône et à la société Groupama Méditerranée.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 17 décembre 2024.
N° 23MA02845 2