Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 février 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2402113 du 24 juin 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour
I. Par une requête, enregistrée le 1er août 2024 sous le n° 24MA02051, M. A..., représenté par Me Gilbert, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 2 février 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation, de l'admettre au séjour et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette décision est manifestement disproportionnée et méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 9 août 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 1er août 2024 sous le n° 24MA02052, M. A..., représenté par Me Gilbert, demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 24 juin 2024 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens présentés dans sa requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire, enregistré le 9 août 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans les deux instances par des décisions du 27 septembre 2024.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant comorien né le 28 janvier 1999, est entré en France en août 2017 selon ses déclarations. Il a fait l'objet, le 29 septembre 2021, d'une décision de refus de séjour assortie d'une mesure d'éloignement. Le 26 septembre 2023, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 2 février 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 24 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et demande également qu'il soit sursis à son exécution.
2. Les affaires enregistrées sous les n°s 24MA02051 et 24MA02052 concernent un même ressortissant étranger et sont dirigées contre le même jugement et les mêmes décisions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de cet article, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient en effet à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui indique être arrivé en France dans le courant de l'année 2017, n'établit résider de manière habituelle sur le territoire national, où il est dépourvu de toute attache familiale, que depuis la fin de l'année 2018. S'il justifie s'être inscrit, pour les années scolaires 2019/2020, 2020/2021 et 2021/2022 en CAP " maintenance des véhicules " et avoir réalisé plusieurs stages à ce titre, il n'a pas validé son diplôme, avant de se réorienter, à compter de l'année scolaire 2022/2023, en CAP " opérateur logistique ". La promesse d'embauche qu'il produit, datée du 14 mars 2023, pour un contrat d'apprentissage d'une durée de 14 mois, ne saurait, à elle seule, constituer un motif exceptionnel de nature à lui ouvrir un droit au séjour, alors qu'il ne justifie, à la date de la décision attaquée, d'aucun diplôme, ni d'aucune expérience professionnelle significative. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Bouches-du-Rhône a pu refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A..., qui n'a aucune famille en France, ne justifie pas de liens personnels anciens, stables et intenses sur le territoire national et ne démontre pas être dépourvu d'attaches aux Comores, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de de 18 ans et où réside toujours son père. Il ne justifie pas davantage d'une insertion socio-professionnelle notable, en dépit des formations et stages réalisés en France. Dans ces conditions, eu égard notamment aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
10. Pour la mise en œuvre de ces dispositions, il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve la personne étrangère concernée. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressée au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de cette personne sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont elle a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de la personne intéressée sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
11. Le préfet des Bouches-du-Rhône, après avoir énoncé les éléments caractérisant la situation administrative de M. A..., s'est fondé, pour prendre à son encontre une interdiction de retour, sur les circonstances que l'intéressé n'établit pas son maintien en France depuis la date déclarée de son arrivée le 28 août 2017, qu'il ne justifie ni d'une insertion socio-professionnelle notable, ni d'attaches familiales fortes par rapport à celles dont il dispose dans son pays d'origine et, enfin, qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 29 septembre 2021. Ce faisant, et alors qu'en l'absence de menace à l'ordre public, il n'était pas tenu d'en faire état expressément, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris en compte l'ensemble des critères énoncés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'interdiction de retour doit être écarté.
12. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A..., qui n'établit résider en France que depuis la fin de l'année 2018, n'y dispose d'aucune attache familiale et ne justifie pas d'une insertion socio-professionnelle particulière, en dépit des différents cursus de formation qu'il a suivis. Il a, par ailleurs, fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2021, à laquelle il n'a pas déféré. Dans ces conditions, et alors même qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet des Bouches-du-Rhône, en prononçant à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans, n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
13. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
15. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement contesté sont devenues sans objet.
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais liés au litige exposés par l'intéressé.
DÉCIDE:
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24MA02052 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 juin 2024.
Article 2 : La requête n° 24MA02051 de M. A... et le surplus des conclusions de la requête n° 24MA02052 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Gilbert.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2024.
N° 24MA02051-24MA02052