Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I°) L'association les sacrifiés du plan Rhône a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation sur la commune de Tarascon, ensemble la décision du 8 août 2017 portant rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté.
Par un jugement n° 1708661 du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 20MA01430 du 24 juin 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article L. 191-1 du code de l'environnement, sursis à statuer sur l'appel de l'association les sacrifiés du plan Rhône jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de cet arrêt ou de douze mois en cas de reprise des consultations, en vue de l'édiction des mesures de régularisation mentionnées dans ses motifs.
II°) La SARL Julien a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation sur la commune de Tarascon, ensemble la décision du 8 août 2017 portant rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté.
Par un jugement n° 1708662 du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 20MA01429 du 24 juin 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article L. 191-1 du code de l'environnement, sursis à statuer sur l'appel de la SARL Julien jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de cet arrêt ou de douze mois en cas de reprise des consultations, en vue de l'édiction des mesures de régularisation mentionnées dans ses motifs.
Par une décision n° 466945, 466946 du 29 mai 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur des pourvois introduits par l'association les sacrifiés du plan Rhône et la SARL Julien, a annulé les arrêts du 24 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Marseille, dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les pourvois incidents formés par le ministre, et renvoyé les affaires à la cour administrative d'appel.
Procédure devant la cour :
I°) Par un mémoire, enregistré le 28 juin 2024 sous le n° 24MA01340, l'association les sacrifiés du plan Rhône et la SARL Julien, représentées par Me Fieloux, demandent à la cour :
1°) d'enjoindre au ministre de produire l'ensemble des avis émis par les personnes publiques et organismes associés recueillis en application de l'article R. 562-7 du code de l'environnement ;
2°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Marseille du 22 janvier 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2017 ou, subsidiairement, de l'abroger ;
4°) d'enjoindre à l'administration de publier le dispositif de l'arrêt prononçant l'abrogation et de le notifier au maire de la commune de Tarascon en vue de la suppression de l'annexe correspondante au plan local d'urbanisme.
Elles renvoient à leurs précédentes écritures et soutiennent en outre que :
- le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 562-7 et R. 562-8 du code de l'environnement est fondé dès lors que le public n'a eu accès qu'à une synthèse des avis des personnes publiques associées, et non aux avis eux-mêmes ; il a à cet égard été privé d'une garantie ;
- ces avis doivent être produits dans l'instance dès lors qu'ils sont susceptibles d'être utiles aux débats ;
- il est possible de présenter des conclusions subsidiaires à fin d'abrogation en appel ; en l'espèce, le changement dans les circonstances de fait justifie une telle abrogation qui devra faire l'objet d'une publicité adéquate ; tous les ouvrages destinés à prévenir le risque de submersion par une crue exceptionnelle du Rhône ont été réalisés, qu'il s'agisse des digues ou des mises en transparence hydraulique des ouvrages ferroviaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2024, la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut au rejet de la requête.
Elle se rapporte à ses précédentes écritures et soutient en outre que :
- l'adoption du plan a été dispensée d'évaluation environnementale préalable par décision de l'autorité environnementale du 23 octobre 2022 ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 562-7 et R. 562-8 du code de l'environnement est non fondé.
II°) Par un mémoire, enregistré le 28 juin 2024 sous le n° 24MA01342, l'association les sacrifiés du plan Rhône et la SARL Julien, représentées par Me Fieloux, concluent aux mêmes fins, par les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance enregistrée sous le n° 24MA01340.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2024, la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut également aux mêmes fins, par les mêmes moyens que ceux exposés dans l'instance enregistrée sous le n° 24MA01340.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Bernhard, substituant Me Fieloux, représentant l'association les sacrifiés du plan Rhône et la SARL Julien.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 février 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation sur le territoire de la commune de Tarascon. Par deux décisions du 8 août 2017, il a rejeté les demandes respectives de l'association les sacrifiés du plan Rhône et de la SARL Julien tendant au retrait de cet arrêté. Par deux jugements du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes des intéressées tendant à l'annulation de cet arrêté et de ces décisions. Par une décision du 29 mai 2024, le Conseil d'Etat a annulé les arrêts du 24 juin 2022 par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille avait, en application de l'article L. 191-1 du code de l'environnement, sursis à statuer sur leurs appels respectifs en vue de l'édiction de mesures de régularisation, et a renvoyé les affaires devant la Cour.
2. Il y a lieu de joindre les instances enregistrées pour l'association les sacrifiés du plan Rhône sous le n° 24MA01340 d'une part, et pour la SARL Julien sous le n° 24MA01342 d'autre part, pour statuer par un seul arrêt dès lors qu'elles concernent le même arrêté et sont rédigés en des termes identiques, tout comme les jugements dont il est relevé appel.
Sur la régularité des jugements attaqués :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, d'un mémoire ou d'une pièce, émanant d'une partie à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production pour déterminer s'il y a lieu de rouvrir l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire et de pouvoir en tenir compte dans le jugement de l'affaire. S'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité.
4. D'une part, eu égard à l'objet de l'obligation de visa ainsi prescrite, qui est de permettre à l'auteur de la production de s'assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu'un mémoire produit postérieurement à la clôture de l'instruction n'a pas été mentionné dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester la décision rendue que par la partie qui a produit ce mémoire.
5. En l'espèce, il résulte des pièces du dossier qu'un mémoire en défense a été produit dans chacune des instances pendantes devant le tribunal administratif par le préfet des Bouches-du-Rhône le 16 décembre 2019, respectivement à 16h05 et 16h08, soit postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience publique tenue le 19 décembre 2019. Si, en omettant de viser ce mémoire, le tribunal administratif a méconnu les règles rappelées ci-dessus, le moyen tiré de cette irrégularité ne peut qu'être écarté dès lors qu'il est présenté par l'association les sacrifiés du plan Rhône et par la SARL Julien qui ne sont pas les auteurs du mémoire dont il s'agit.
6. D'autre part, la lettre datée du 18 décembre 2019, enregistrée le 19 décembre dans chacun des dossiers, qui se bornait à informer la présidente du tribunal du mandat de représentation donné par le préfet pour l'audience du même jour, n'avait pas à faire l'objet d'un visa spécifique.
7. Enfin, le tribunal ne s'est pas fondé, dans les motifs de ses jugements, sur des éléments de droit ou de fait qui n'auraient été contenus que dans le mémoire du 16 décembre 2019, la lettre du 18 décembre 2019 ou dans la note en délibéré du 23 décembre 2019, non communiqués, et que l'association les sacrifiés du plan Rhône et la SARL Julien n'auraient pas eu la possibilité de discuter. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les procédures suivies devant les premiers juges auraient été conduites en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et auraient porté atteinte aux droits garantis par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté, sans qu'il soit besoin d'examiner la légalité des dispositions de 2ème alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, qui concerne les productions faites avant la clôture de l'instruction et dont il n'a en l'espèce pas été fait application.
8. En deuxième lieu, le tribunal, qui a dûment visé l'ensemble des moyens évoqués par l'association les sacrifiés du plan Rhône et la SARL Julien, n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties. Il n'a pas omis, au point 4 des jugements attaqués, de répondre au moyen tiré de ce que le dossier mis à disposition du public dans le cadre de l'enquête publique était incomplet du fait de l'inaccessibilité de certaines pièces, sans le dénaturer et en relevant notamment l'impossibilité pour le public d'utiliser un CR ROM mis à disposition. Il a également longuement répondu, particulièrement aux points 11 à 14 et 17 de ses jugements, au moyen, sur le fondement duquel était alléguée une méconnaissance, entre autres, des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel, du principe d'égalité de traitement des citoyens ou du principe de libre administration des collectivités territoriales, tiré de ce que les données utilisées et modélisations effectuées, notamment s'agissant de la détermination de la crue de référence ou de la méthodologie de zonage, n'étaient pas pertinentes de telle sorte que les mesures arrêtées étaient excessives.
9. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité dont seraient entachés les jugements attaqués doivent être écartés.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
En ce qui concerne la procédure :
Quant à l'exigence d'évaluation environnementale :
10. En premier lieu, en application des dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, les plans de prévention des risques d'inondation ont pour seule vocation de réglementer l'usage des sols et des biens en vue d'assurer la protection civile des populations contre les risques actuels induits par les inondations.
11. D'une part, les dispositions de la directive du 13 décembre 2011, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, ne concernent, aux termes de son article 1er, que les projets définis comme étant " la réalisation de travaux de construction ou d'autres installations ou ouvrages " et " les autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l'exploitation des ressources du sol ". Les projets de plans de prévention des risques d'inondation n'entrent dès lors pas dans son champ d'application.
12. D'autre part, il résulte clairement des dispositions du paragraphe 8 de l'article 3 de la directive du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement que les plans ou programmes dont la finalité est d'assurer la protection des populations contre les risques naturels n'entrent pas dans le champ d'application de la procédure d'évaluation environnementale prévue au paragraphe 1 de ce même article, alors même qu'ils seraient par ailleurs susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement.
13. Enfin, le décret du 2 mai 2012 relatif à l'évaluation de certains plans et documents ayant une incidence sur l'environnement a inclus, au 2° de la liste figurant au II de l'article R. 122-17 du code de l'environnement des plans, schémas, programmes et autres documents de planification susceptibles de faire l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas, les plans de prévention des risques naturels prévisibles prévus par l'article L. 562-1 du code de l'environnement. Toutefois, l'article 7 de ce décret prévoit que ses dispositions ne sont pas applicables aux projets de plans de prévention des risques prescrits avant le 1er janvier 2013 notamment en application de l'article R. 562-1 du code de l'environnement. Dès lors qu'en l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit l'établissement du plan de prévention des risques d'inondation par débordement du Rhône sur la commune de Tarascon par arrêté du 27 octobre 2008, ce projet n'était pas susceptible de faire l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas au titre de ces dispositions.
14. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que les requérantes ne sont en tout état de cause pas fondées à soutenir que le plan de prévention des risques en litige aurait dû être soumis à évaluation environnementale, le cas échéant après examen au cas par cas.
15. En deuxième lieu, la réalisation d'aménagements hydrauliques dans le cadre du plan Rhône, quand bien-même elle a pour objectif de participer à la protection contre les inondations, est indépendante de l'adoption du plan de prévention des risques d'inondation en litige au regard de son objet. Dès lors, sans qu'il n'y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, le moyen tiré de ce qu'une évaluation environnementale aurait dû être conduite quant à l'impact hydraulique de ces aménagements doit être écarté comme inopérant.
Quant à l'enquête publique :
16. Aux termes de l'article R. 562-3 du code de l'environnement, dans sa version applicable : " Le dossier de projet de plan comprend : / 1° Une note de présentation indiquant le secteur géographique concerné, la nature des phénomènes naturels pris en compte et leurs conséquences possibles, compte tenu de l'état des connaissances ; / 2° Un ou plusieurs documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1 ; / 3° Un règlement (...) ". Les zones ainsi visées sont celles exposées aux risques devant faire l'objet d'interdiction de construire, ou de soumission des constructions à des prescriptions particulières, ainsi que celles où des constructions pourraient aggraver ces risques. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa version applicable : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / 1° Lorsqu'ils sont requis, l'étude d'impact et son résumé non technique ou l'évaluation environnementale et son résumé non technique, et, le cas échéant, la décision d'examen au cas par cas (...) ; / 2° En l'absence d'étude d'impact ou d'évaluation environnementale, une note de présentation précisant les coordonnées du maître d'ouvrage ou du responsable du projet, plan ou programme, l'objet de l'enquête, les caractéristiques les plus importantes du projet, plan ou programme et présentant un résumé des principales raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l'environnement, le projet, plan ou programme soumis à enquête a été retenu ; / ... / 4° Lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme. Dans le cas d'avis très volumineux, une consultation peut en être organisée par voie électronique dans les locaux de consultation du dossier ; / (...) ". Aux termes du 2ème alinéa de l'article R. 562-8 du même code : " Les avis recueillis en application des trois premiers alinéas de l'article R. 562-7 sont consignés ou annexés aux registres d'enquête dans les conditions prévues par l'article R. 123-13 ".
17. S'il appartient à l'autorité administrative de mettre à la disposition du public, pendant toute la durée de l'enquête, un dossier d'enquête publique comportant l'ensemble des documents mentionnés ci-dessus, la méconnaissance de ces dispositions n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.
18. Si les requérantes soutiennent en premier lieu que ni les cartes des enjeux, des aléas et des enjeux ponctuels, ni les études de références utilisées n'étaient accessibles durant l'enquête, lesdites cartes étaient reproduites, en petit format, au sein du rapport de présentation, tandis que celles du zonage réglementaire reprenaient leurs données. Par ailleurs, les études de références utilisées étaient mentionnées et synthétisées dans le rapport de présentation, et il demeurait possible, aux personnes le souhaitant, de les consulter en intégralité à partir de leur propre matériel informatique grâce au CD ROM mis à disposition ou à partir de celui du commissaire enquêteur lorsque ce dernier était présent. Il ne saurait dès lors être reproché à ce dernier de ne pas avoir fait usage de la possibilité, prévue à l'article R. 123-14 du code de l'environnement, de demander à ce que le dossier soit complété sur ce point, ou d'avoir à tort considéré, dans ses réponses aux observations, qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à celle effectuée par un administré à cet égard et, dans ses conclusions, que l'enquête s'était matériellement bien déroulée.
19. En deuxième lieu, il ressort du rapport du commissaire enquêteur comme du courrier du 22 septembre 2016 par lequel ce dossier a été transmis au maire de Tarascon, que figurait au dossier mis à disposition du public un tableau synthétisant chacun des avis rendus par les personnes et organismes associés et détaillant les remarques et demandes formulées par chacun d'entre eux. Il ne résulte pas de l'instruction que cette synthèse aurait été incomplète ou aurait dénaturé lesdits avis, dont le commissaire-enquêteur avait la disposition. Dès-lors, il ne saurait être soutenu que l'information du public, qui demeurait libre de solliciter la communication des avis eux-mêmes, n'a pas été suffisante, que ce dernier a été privé de son droit au recours, ou que l'absence des avis dans leur intégralité aurait été susceptible d'exercer une influence sur les résultats de l'enquête. Par suite, sans qu'il soit besoin de solliciter leur production, cette branche du moyen peut être écartée.
20. En troisième et dernier lieu, dès lors que le plan de prévention des risques d'inondation de Tarascon n'était pas susceptible de faire l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas, aucune décision d'examen au cas par cas n'avait à figurer au dossier d'enquête. Ce dernier, au demeurant, comportait bien la note de présentation visée au 2° de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, laquelle mentionnait sans aucune ambigüité la façon dont les travaux accomplis ou à accomplir dans le cadre du plan Rhône étaient ou seraient pris en compte, notamment en ses points 3.1.2 et 3.3.
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté :
21. En premier lieu, les requérantes soutiennent que l'arrêté préfectoral est dépourvu de base légale dès lors qu'il est fondé sur la doctrine commune relative aux plans de prévention des risques d'inondation du fleuve Rhône et de ses affluents à crue lente établie en juillet 2006 et sur le schéma de gestion des inondations du Rhône aval diffusé en juillet 2009, qui seraient eux-mêmes illégaux faute d'avoir fait l'objet d'une évaluation environnementale et d'une enquête publique préalables à leur adoption et, s'agissant du schéma, à sa modification par deux fois. Toutefois, à supposer même que l'arrêté contesté ait pour bases légales ces documents ou qu'il ait été pris pour leur application, et que ceux-ci constituent ainsi des actes réglementaires, les requérantes ne peuvent utilement, par voie d'exception, critiquer les vices de forme et de procédure dont ils seraient entachés. Ainsi, le moyen doit en tout état de cause être écarté.
22. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques d'inondation, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. La doctrine commune relative aux plans de prévention des risques d'inondation du fleuve Rhône et de ses affluents à crue lente établie en juillet 2006 prévoit que l'aléa de référence qui doit être pris en compte dans le plan de prévention des risques d'inondation afin de définir les risques à prévenir correspond à la plus forte crue connue, ou si cette crue est plus faible qu'une crue de fréquence centennale, à cette dernière.
23. En l'espèce, le plan de prévention en litige a retenu comme aléa de référence la crue qui a inondé la commune de Tarascon en 1856 et dont l'occurrence est estimée à 250 ans. Eu égard à l'ancienneté de cette crue et à l'insuffisance des mesures alors opérées, le débit maximum du Rhône atteint à cette occasion, de même que la durée du pic de crue, ne peuvent être déterminés avec une exacte précision et l'hydrogramme de la crue, historique et largement étudiée, est nécessairement le résultat d'évaluations. Une modélisation aux conditions actuelles d'écoulement est également nécessaire pour déterminer l'aléa en tout point du territoire. Il ne résulte toutefois pas de ces circonstances que la référence à cette crue serait dénuée de pertinence, méconnaîtrait la doctrine mentionnée ci-dessus ou violerait le principe d'égalité de traitement entre les citoyens, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elle est la plus importante qu'ait connu le territoire. La circonstance que la crue ayant touché la commune en 2003, légèrement supérieure à une crue d'occurrence centennale, soit nécessairement mieux connue, n'a pas d'incidence à cet égard.
24. Il est estimé qu'à l'occasion de la crue de référence, le débit du Rhône à Beaucaire a atteint 12 500 m3/s. Ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal administratif, si certaines publications d'organismes publics font état du chiffre de 11 500 m3/s, identique à celui atteint en 2003, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que le consensus scientifique le plus largement partagé et actuel retient un débit maximum de 12 500 m3/s. Si les requérantes critiquent également la durée du pic de crue retenue, il ne résulte pas de la seule circonstance qu'elle aboutirait à une enveloppe de crue d'un volume trois fois supérieur à celui atteint en 2003 qu'elle serait erronée, alors que cette différence s'explique par le fait que la crue de 1856 a été généralisée, de l'amont à l'aval du fleuve, tandis que la crue de 2003 n'était que méditerranéenne. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'aléa aurait été exagéré et serait entaché d'erreur de fait ou d'erreur manifeste d'appréciation, de telle sorte que les mesures imposées par le plan de prévention seraient disproportionnées, doit être écarté.
25. Il résulte de ce qui vient d'être exposé aux trois points précédents, d'une part, que la méthode de détermination de l'aléa en tout point du territoire couvert par le plan, permettant de déterminer la matrice du zonage réglementaire, repose sur des considérations objectives et prévisibles, tirées des évènements historiques et de leur analyse scientifique, actuelle et pertinente, clairement explicitées dans la doctrine commune évoquée ci-dessus et dans la note de présentation du plan, accessibles au public, quand bien-même elle n'est pas fixée par la loi ou par le décret. D'autre part, l'aléa ainsi déterminé n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Par ailleurs, les méthodes de détermination du risque à partir de l'aléa ainsi évalué et du zonage réglementaire fixé sur cette base, si elles ne sont pas davantage précisées par la loi, sont tout aussi objectives, prévisibles et explicitées. Elles ne sont en elles-mêmes pas directement critiquées dans l'instance, ni même le zonage et les dispositions réglementaires du plan. Dès lors, les moyens des requérantes tirées de ce que les interdictions et obligations que le plan fait peser sur les propriétaires des biens situés dans son périmètre sur le fondement de l'article L. 562-1 du code de l'environnement porteraient une atteinte excessive au droit de propriété garanti par les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au droit au respect du domicile garanti par l'article 8 de la convention doivent être écartés. Il en est nécessairement de même, en tout état de cause, des moyens tirés de la méconnaissance des articles 7 et 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui garantissent les mêmes droits dans la mise en œuvre du droit de l'Union. Il n'y a pas lieu, à cet égard, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. Aucune atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ou, ainsi qu'il a déjà été dit, d'égalité devant les charges publiques, n'est davantage caractérisée.
26. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 562-5 du code l'environnement, dans sa version applicable : " I.- En application du 4° du II de l'article L. 562-1, pour les constructions (...) existant à sa date d'approbation, le plan peut définir des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde. / (...) / II.- Les mesures prévues au I peuvent être rendues obligatoires dans un délai de cinq ans pouvant être réduit en cas d'urgence. / III.- En outre, les travaux de prévention imposés à des biens construits ou aménagés conformément aux dispositions du code de l'urbanisme avant l'approbation du plan et mis à la charge des propriétaires, exploitants ou utilisateurs ne peuvent porter que sur des aménagements limités dont le coût est inférieur à 10 % de la valeur vénale ou estimée du bien à la date d'approbation du plan ". D'autre part, aux termes de l'article L. 211-12 du même code : " I.- Des servitudes d'utilité publique peuvent être instituées à la demande de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements sur des terrains riverains d'un cours d'eau ou de la dérivation d'un cours d'eau, ou situés dans leur bassin versant, ou dans une zone estuarienne. / II.- Ces servitudes peuvent avoir un ou plusieurs des objets suivants : /1° Créer des zones de rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement, par des aménagements permettant d'accroître artificiellement leur capacité de stockage de ces eaux, afin de réduire les crues ou les ruissellements dans des secteurs situés en aval ; / (...) ".
27. En l'espèce, conformément aux dispositions de l'article R. 562-5 du code de l'environnement, le plan met à la charge des propriétaires de constructions existantes dans certaines zones une obligation de réaliser des mesures de réduction de vulnérabilité, telles l'aménagement d'une zone refuge, la mise en place d'un système d'obturation ou la surélévation des gros équipements électriques et matériels sensibles à l'eau. Il ne saurait être soutenu que ces mesures pourraient s'apparenter à la création de zones de rétention temporaires au sens du 1° du II de l'article L. 211-12 du même code. Par ailleurs, la circonstance que certains des aménagements prévus dans le cadre du plan Rhône seraient susceptibles d'aggraver la situation de certains biens situés sur le territoire communal, à la supposer avérée, ne saurait résulter de l'adoption du plan de prévention des risques d'inondation lui-même qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, n'a d'autre objet que de réglementer l'usage des sols et des biens. Dès lors, les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'environnement et le principe d'égalité de traitement auraient été à cet égard méconnus ou que l'arrêté serait entaché d'un détournement de pouvoir doivent être écartés.
28. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.
Sur la demande d'abrogation :
29. Saisi de conclusions à fin d'annulation recevables, le juge de l'excès de pouvoir peut également l'être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu'il prononce l'abrogation du même acte au motif d'une illégalité résultant d'un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu'un acte règlementaire est susceptible de porter à l'ordre juridique. Dans l'hypothèse où il ne ferait pas droit aux conclusions à fin d'annulation et où l'acte n'aurait pas été abrogé par l'autorité compétente depuis l'introduction de la requête, il appartient au juge, dès lors que l'acte continue de produire des effets, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires. Le juge statue alors au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision. S'il constate, au vu des échanges entre les parties, un changement de circonstances tel que l'acte est devenu illégal, le juge en prononce l'abrogation. Il peut, eu égard à l'objet de l'acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu'aux intérêts en présence, prévoir dans sa décision que l'abrogation ne prend effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
30. En l'espèce, si les requérantes font valoir que les aménagements hydrauliques prévus dans le cadre du plan Rhône ont été réalisés et modifient les risques d'inondation, il n'en résulte pas nécessairement que, comme elles le soutiennent sans apporter de précision, " les règles restrictives au droit de construire " édictées par le plan seraient, à la date du présent arrêt, devenues obsolètes et se trouveraient désormais entachées d'erreur d'appréciation. Il y a dès lors lieu rejeter la demande d'abrogation formulée, ainsi que les conclusions accessoires à fin d'injonction.
Sur les frais liés aux instances :
31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de l'association les sacrifiés du plan Rhône et de la SARL Julien sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association les sacrifiés du plan Rhône, à la SARL Julien et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée au préfet de la région Provence, Alpes, Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.
2
N° 24MA01340, 24MA01342
bb