Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Mountain Bikers Foundation a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté n° AR-2020-22 du 10 septembre 2020 par lequel le directeur du Parc national des Calanques a interdit la pratique du vélo sur dix parcelles situées dans le secteur vallon de la Jarre - montagne de l'Aigle - sablière d'Anjarre, hors une piste de défense contre l'incendie et une section conduisant à un réservoir d'eau, ensemble la décision du 7 décembre 2020 portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2101124 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2024, l'association Mountain Bikers Foundation, représentée par la SELARL Lexio, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté n° AR-2020-22 du 10 septembre 2020, ensemble la décision du 7 décembre 2020 portant rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public du Parc national des Calanques une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le conseil scientifique aurait dû être consulté préalablement ; les dispositions de l'article 4 du décret du 18 avril 2012 ont été méconnues ; l'urgence, a fortiori imputable à l'usage du vélo, n'était pas suffisamment caractérisée pour justifier l'absence de consultation avant la prise d'un arrêté très strict et valable 5 ans ; les usagers ont été privés d'une garantie substantielle, susceptible d'avoir eu une influence sur le sens de la décision ;
- l'interdiction porte atteinte à la liberté d'aller et venir, garantie par la Constitution et l'article 2 du 4ème protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'est pas établi que les dégradations constatées soient imputables à la pratique du vélo tout-terrain (VTT) et qu'elles concernent l'ensemble des sites visés par l'interdiction ; l'interdiction de la pratique hors chemins et sentiers était suffisante ; il n'est pas établi que des mesures moins contraignantes auraient échoué ; la mesure est disproportionnée dans son étendue spatiale et temporelle, aucune évaluation n'étant prévue, et risque d'être contre-productive ;
- elle méconnait le principe d'égalité de traitement des usagers ; il n'est pas établi que le VTT aurait un impact différent des autres activités comparables, dont les pratiquants sont bien plus nombreux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2024, l'établissement public du Parc national des Calanques, représenté par Me Mabile et Me Philippe, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association Mountain Bikers Foundation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2012-507 du 18 avril 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Bleykasten, représentant l'association Mountain Bikers Foundation, et de Me Mabile, représentant l'établissement public du Parc national des Calanques.
Considérant ce qui suit :
1. Par son arrêté n° AR-2020-22 du 10 septembre 2020, portant mesures d'urgence prises à titre conservatoire et réglementation temporaire et spatiale de la pratique du VTT sur un site dégradé, le directeur de l'établissement public du Parc national des Calanques a interdit la pratique du vélo sur dix parcelles situées dans le secteur vallon de la Jarre - montagne de l'Aigle - sablière d'Anjarre, hors une piste de défense contre l'incendie et une section conduisant à un réservoir d'eau. L'association Mountain Bikers Foundation relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux.
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 4 du décret du 18 avril 2012 créant le Parc national des Calanques : " Les mesures destinées à assurer la protection d'espèces animales ou végétales, d'habitats naturels ou de minéraux ou fossiles dont la conservation s'avère nécessaire sont prises par le directeur de l'établissement public après avis, sauf urgence, du conseil scientifique ".
3. Il ressort des pièces du dossier que des travaux et aménagements, consistant en la création de sentiers, de virages et de bosses, ont été réalisés de façon illégale au regard des dispositions de l'article L. 331-4 du code de l'environnement, en cœur du parc national, sur le site dit A..., afin d'y permettre la pratique du VTT " free style ". Après avoir alerté certains intervenants sur le secteur de ces difficultés, notamment l'association Mountain Bikers Foundation, et interpellé quelques " aménageurs " pris sur le fait, les équipes de l'établissement public du parc, ne parvenant pas à remédier à la situation, ont, au cours du mois de septembre 2019, entrepris la destruction de ces aménagements dégradant le site sensible de la sablière d'Anjarre, constitué d'habitats de dunes et pinèdes sur sable. Néanmoins, il ressort d'un procès-verbal du 11 mai 2020 " état des lieux piste VTT illégale vallon de la Jarre ", qu'une piste avec plusieurs tremplins était à nouveau existante à cette date à proximité.
4. L'établissement public du parc indique qu'à la sortie de l'été 2020, ce type d'aménagement s'est multiplié et la pratique du vélo hors de tout chemin ou sentier s'est développée, malgré la présence de panneaux d'information et l'ouverture de procédures judiciaires. Dans ces circonstances, des mesures complémentaires devaient assurément être prises pour protéger les espèces animales ou végétales et les habitats naturels d'exception du site en cause. L'association requérante soutient cependant qu'il n'y avait pas d'urgence à les prononcer, alors que le phénomène de dégradation courait depuis plus de deux ans, de telle sorte que le directeur ne pouvait se dispenser de consulter le conseil scientifique, ainsi que cela était exigé par l'article 4 du décret du 18 avril 2012 mentionné ci-dessus sur le fondement duquel a été pris l'arrêté en litige.
5. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
6. En l'espèce, la consultation prévue par l'article 4 du décret du 18 avril 2012 constitue un appui scientifique pour le directeur du parc mais non une garantie au bénéfice des usagers et l'omission de celle-ci n'est pas susceptible d'affecter la compétence de l'auteur de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, le conseil scientifique a rendu, le 10 novembre 2020, soit seulement deux mois après l'adoption de l'arrêté en litige, un avis favorable au projet de schéma de cohérence des sports et loisirs de nature du territoire. Ce schéma distingue les activités historiques et patrimoniales majeures du territoire, que sont la plongée, l'escalade et la randonnée, des autres activités en présence, dont le cycle, moins développé du fait de la difficulté d'accès et de la qualité du terrain, y rendant la discipline technique. S'agissant du cycle, l'objectif qu'il fixe est de permettre, en cœur de parc, une pratique douce, familiale, contemplative, en définissant notamment un itinéraire de traversée via des pistes et sentiers autorisés ainsi que quelques boucles de randonnée, et d'interdire les pratiques engagées susceptibles de générer des conflits d'usage, d'augmenter l'érosion, les piétinements de la flore et le dérangement de la faune. Il n'est pas allégué et il ne ressort pas des pièces du dossier que le secteur vallon de la Jarre - montagne de l'Aigle - sablière d'Anjarre, comporterait d'autres voies répondant à ces orientations favorables à la seule pratique douce que celles qui demeurent ouvertes au terme de l'arrêté contesté. D'ailleurs, la carte de déclinaison opérationnelle intégrée au schéma sur lequel le conseil a rendu son avis favorable est la même, sur le secteur en cause, que celle jointe à l'arrêté en litige. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de consultation préalable du conseil scientifique ait pu exercer une influence sur les dispositions de cet arrêté. Par suite, le moyen tiré de ce que cet acte a été irrégulièrement pris faute de consultation préalable du conseil scientifique doit en tout état de cause être écarté.
7. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des constatations évoquées au point 3 ci-dessus que les dommages déplorés par les équipes de l'établissement public résultent bien de l'action de pratiquants de VTT concentrés sur le secteur couvert par l'interdiction, dont la requérante indique elle-même qu'il ne correspond qu'à 150 hectares alors que le territoire du cœur du parc s'étend, en zone terrestre, sur plus 8 500 hectares. Les itinéraires en cause sont d'ailleurs précisément identifiés par cette dernière. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que des mesures moins contraignantes auraient pu être prises, alors que les tentatives de conciliation, la suppression passée de certaines installations, ou les verbalisations n'ont pas permis l'arrêt des pratiques litigieuses et qu'il n'est donné aucune indication quant aux sentiers de randonnée, autres que la piste de défense contre l'incendie et la section conduisant à un réservoir d'eau dont l'usage demeure permis, qui auraient pu, sans dommage, rester ouverts à la pratique du vélo. Contrairement à ce qu'indique la requérante à cet égard, les cartes qu'elle produit permettent d'identifier des usages mais non des sentiers inscrits au plan départemental des itinéraires de promenade et randonnée. Dans ces conditions, le directeur du parc pouvait difficilement circonscrire davantage l'interdiction prononcée. Par ailleurs, si la durée de celle-ci, prononcée pour cinq ans, est longue, l'arrêté prévoit, contrairement à ce que soutient l'association requérante, un suivi par relevés naturalistes et une évaluation de la réparation des milieux afin de vérifier l'atteinte des objectifs et de " vérifier le maintien sur la durée ". Dès lors, la mesure en cause ne porte pas une atteinte disproportionnée et illégale au principe constitutionnel et conventionnel de la liberté d'aller et venir.
8. En troisième lieu, eu égard aux éléments exposés précédemment, l'association requérante ne saurait prétendre que les randonneurs ou les pratiquants d'autres activités de nature se seraient trouvés dans une situation similaire à celle des cyclistes eu égard à l'objet de l'arrêté litigieux, qui vise seulement à protéger, sur un secteur précis, les espèces animales ou végétales et les habitats naturels des dommages qui leur sont causés du fait du comportement de certains pratiquants de VTT. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du principe d'égalité de traitement doit dès lors être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Mountain Bikers Foundation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'établissement public du Parc national des Calanques qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice dudit établissement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Mountain Bikers Foundation est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public du Parc national des Calanques au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Mountain Bikers Foundation et à l'établissement public du Parc national des Calanques.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2024.
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N° 24MA00120
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