Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... et Mme A... D... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 13 janvier 2020 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'autoriser le défrichement partiel de leur parcelle cadastrée section MD n°229 et située chemin des Sablières à Nice.
Par un jugement n° 2001192 du 31 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Petit, de la SCP LIZEE - PETIT - TARLET, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001192 du 31 octobre 2023 ;
2°) d'annuler la décision préfectorale du 13 janvier 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- en méconnaissance de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, la décision retirant l'autorisation dont ils bénéficiaient n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;
- les trois motifs fondant la décision préfectorale contestée sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation.
L'instruction a été close le 16 septembre 2024, par une ordonnance du même jour.
La procédure a été communiquée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code forestier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 31 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande aux fins d'annulation de la décision du 13 janvier 2020 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'autoriser le défrichement partiel de leur parcelle cadastrée section MD n°229 et située chemin des Sablières à Nice.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 341-4 du code forestier : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 341-6, la demande présentée sur le fondement de l'article L. 341-3 est réputée acceptée à défaut de décision du préfet notifiée dans le délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet. (...) / Lorsque le préfet estime, compte tenu des éléments du dossier, qu'une reconnaissance de la situation et de l'état des terrains est nécessaire, il porte le délai d'instruction à quatre mois et en informe le demandeur dans les deux mois suivant la réception du dossier complet. Il peut, par une décision motivée, proroger ce délai d'une durée complémentaire de trois mois, notamment lorsque les conditions climatiques ont rendu la reconnaissance impossible. "
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier daté du 8 novembre 2019, la direction départementale des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes a informé M. B..., d'une part, du caractère complet de sa demande de défrichement à compter du 13 septembre 2019 et, d'autre part, de la prorogation du délai d'instruction porté à quatre mois, expirant ainsi le 13 janvier 2020. Si par la décision contestée datée du 13 janvier 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a expressément refusé de délivrer l'autorisation de défrichement sollicitée, il ressort des pièces du dossier que cette décision n'a toutefois été notifiée à M. B... que le 15 janvier suivant, sans que cela ne soit d'ailleurs contesté, en défense, par le préfet des Alpes-Maritimes. Ainsi, et en l'absence de toute notification de la décision contestée avant l'expiration du délai d'instruction le 13 janvier 2020, M. B... devait être regardé comme étant bénéficiaire, à l'expiration de ce délai, d'une autorisation tacite de défrichement sur sa parcelle. Par suite, la décision attaquée doit s'analyser comme une décision de retrait de l'autorisation de défrichement tacitement accordée à M. B....
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, codifiant l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations invoqué pour la première fois en appel par les requérants : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes dudit article L. 211-2 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la décision portant retrait d'une l'autorisation de défrichement est au nombre de celles qui doivent être motivées en application dudit article L. 211-2 et doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire. En outre, le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par l'article L. 122-1 précité constitue une garantie pour la personne au profit de laquelle la décision dont l'administration envisage le retrait ou l'abrogation a créé des droits. Or, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas été informé de la mesure de retrait envisagée et n'a pas non plus été mis en mesure de présenter ses observations préalablement à l'intervention de cette décision retirant l'autorisation de défrichement tacite née à l'expiration du délai d'instruction le 13 janvier 2020. Dans ces conditions, et alors qu'aucune situation d'urgence n'est établie ni même alléguée en défense, cette décision de retrait l'a effectivement privé d'une garantie et a donc été prise au terme d'une procédure irrégulière. Elle doit, par suite, être annulée.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande aux fins d'annulation de la décision du 13 janvier 2020 du préfet des Alpes-Maritimes.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser aux requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2001192 du 31 octobre 2023 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La décision du 13 janvier 2020 du préfet des Alpes-Maritimes est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme A... D... épouse B... et au ministre de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2024.
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N° 23MA03078