Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée sous le n° 1901351, Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions par lesquelles la ministre des armées a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder la protection fonctionnelle à titre rétroactif, d'annuler les décisions par lesquelles la ministre des armées a refusé de lui accorder un avancement, d'enjoindre à la ministre des armées de lui établir une nouvelle notation au titre de l'année 2014 et des années suivantes, conforme à son ancienneté et à ses réels mérites, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la maladie professionnelle dont elle est atteinte, d'assortir cette somme des intérêts au taux légal, à compter de sa réclamation préalable, et de la capitalisation des intérêts, de lui accorder une provision à valoir sur l'indemnisation définitive, à hauteur de 70 000 euros et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le paiement des entiers dépens.
Par une requête enregistrée sous le n° 1901354, Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions par lesquelles la ministre des armées a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la ministre des armées de lui accorder la protection fonctionnelle à titre rétroactif, d'annuler les décisions par lesquelles la ministre des armées a refusé de lui accorder un avancement, d'enjoindre à la ministre des armées de lui établir une nouvelle notation au titre de l'année 2014 et des années suivantes, conforme à son ancienneté et à ses réels mérites, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 1 800 834,20 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la maladie professionnelle dont elle est atteinte, d'assortir cette somme des intérêts au taux légal, à compter de sa réclamation préalable, et de la capitalisation des intérêts, de lui accorder une provision à valoir sur l'indemnisation définitive, à hauteur de 70 000 euros et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le paiement des entiers dépens.
Par un jugement n° 1901351, 1901354 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme totale de 533 652,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 25 mars 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, ainsi qu'une rente versée par trimestres échus pour un montant annuel fixé à 6 180 euros à compter du 1er janvier 2023 avec revalorisation chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Le tribunal a, en outre, mis à la charge de l'Etat les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 282,20 euros TTC ainsi que le paiement d'une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des requêtes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 21 mars 2023, 4 avril 2023, 14 avril 2023 et 15 mai 2024 sous le n° 23MA00688, le ministre des armées demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme C... la somme de 533 652,99 euros, outre une rente.
Il soutient que :
- le lien de causalité entre le travail exercé par Mme C... et la maladie qu'elle a développée n'est pas établi ;
- les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle sont déjà réparés forfaitairement par la pension et la rente viagère d'invalidité perçues par Mme C... ;
- les préjudices d'agrément et sexuel ont été surévalués par le jugement attaqué.
Par mémoires en défense enregistrés les 21 mai 2023 et 5 septembre 2024, Mme D... C..., représentée par Me Rebhun, doit être regardée comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des décisions portant refus de protection fonctionnelle et refus d'avancement ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et n'a condamné l'Etat à lui verser que la somme de 533 652,99 euros outre une rente ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 1 800 834,20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation indemnitaire préalable, avec capitalisation des intérêts ;
3°) d'annuler les décisions implicites de refus de protection fonctionnelle et d'enjoindre au ministre des armées de la lui accorder à titre rétroactif ;
4°) d'annuler les décisions implicites de refus d'avancement et d'enjoindre au ministre des armées de lui établir une nouvelle notation au titre de l'année 2014 et des années suivantes ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le paiement des entiers dépens.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors, d'une part, qu'elle est tardive et, d'autre part, qu'elle comporte une erreur sur l'identification de son prénom ;
- l'Etat a commis des fautes qui sont à l'origine directe de sa maladie et ont entraîné divers chefs de préjudices tant patrimoniaux qu'extrapatrimoniaux dont elle est fondée à obtenir réparation ;
- elle devait bénéficier d'une protection fonctionnelle et d'un avancement.
Par un courrier du 11 octobre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement dès lors que le tribunal n'a pas mis dans la cause les caisses de sécurité sociale dont dépendait Mme C....
Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été produites le 13 octobre 2024 pour Mme C... par Me Rebhun, et communiquées le 15 octobre 2024.
Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2024, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron a indiqué ne pas vouloir solliciter le remboursement de débours.
Un mémoire et des pièces enregistrés les 17 octobre 2024 et 14 novembre 2024 ont été produits par Mme C... à la suite de mesures d'instructions adressées par la Cour.
II. Par une requête enregistrée le 20 mars 2024 sous le n° 24MA00683, le ministre des armées demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement précité du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2023 en ce qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme C... la somme totale de 533 652,99 euros.
Il soutient que l'exécution de ce jugement l'exposerait à la perte définitive d'une somme qui ne doit pas rester à sa charge.
Par mémoires en défense enregistrés les 11 avril 2024, 13 avril 2024 et 30 avril 2024, Mme D... C..., représentée par Me Rebhun, doit être regardée comme demandant à la Cour de rejeter les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées par le ministre des armées.
Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la défense ;
- le code général des impôts ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 76-1110 du 29 novembre 1976 ;
- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le décret n° 2016-1084 du 3 août 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Moumni substituant Me Rebhun pour Mme C....
Une note en délibéré enregistrée le 25 novembre 2024 a été présentée pour Mme C... par Me Rebhun.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., née le 25 septembre 1981, a été recrutée le 16 octobre 2006 par le ministère de la défense, nommée et titularisée dans le corps des agents techniques du ministère de la défense au grade d'agent technique de 1ère classe à compter du 16 octobre 2008, et affectée à l'atelier industriel de l'aéronautique (AIA) de Cuers-Pierrefeu en qualité de couturière aéronautique du 16 octobre 2006 au 30 septembre 2009. Elle a été placée en congé de maladie puis de longue maladie du 30 mai 2016 au 29 mai 2019 en raison d'une myélofibrose diffuse de grade 1, forme de cancer du sang. Par une décision du 19 mars 2018, conformément à l'expertise médicale et à l'avis de la commission de réforme, ce syndrome myéloprolifératif a été reconnu imputable au service au titre des maladies professionnelles du tableau n° 4 annexé au livre IV du code la sécurité sociale (hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en refermant). N'étant pas apte à reprendre ses fonctions à l'expiration de son congé de maladie, Mme C... a été admise à faire valoir ses droits à pension de retraite au titre de l'invalidité imputable au service et radiée des cadres du ministère des armées à compter du 30 mai 2019. D'une part, par une lettre du 28 décembre 2018, Mme C... a demandé à la ministre des armées le bénéfice d'un avancement au grade d'agent technique principal de 2ème classe. Par ailleurs, l'intéressée a également demandé, par lettre du 20 mars 2019, reçue par la ministre des armées le 25 mars 2019, et réitérée le 16 avril 2019, le bénéfice de la protection fonctionnelle. La ministre des armées a gardé le silence sur cette demande. D'autre part, par la lettre du 20 mars 2019, réitérée le 16 avril 2019, Mme C... a présenté une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son exposition au benzène et à d'autres substances nocives dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle. La ministre des armées a également gardé le silence sur cette réclamation indemnitaire. Par un jugement du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, condamné l'État à verser à Mme C... la somme totale de 533 652,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 25 mars 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, ainsi qu'une rente versée par trimestres échus pour un montant annuel fixé à 6 180 euros à compter du 1er janvier 2023 et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions des requêtes présentées par Mme C.... Par une première requête enregistrée sous le n° 23MA00688, le ministre des armées interjette appel principal de ce jugement. Dans le cadre de cette requête, Mme C... forme, pour sa part, un appel incident. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 24MA00683, le ministre des armées demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement précité.
2. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.
Sur la recevabilité de l'appel principal du ministre des armées :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié à la ministre des armées le 20 janvier 2023. Par suite, la requête enregistrée le 21 mars 2023 n'est pas tardive.
4. En second lieu, si le ministre des armées s'est, dans le cadre de sa requête d'appel, mépris, par endroits, sur le prénom de Mme C..., cette circonstance n'est pas de nature à entacher ladite requête d'irrecevabilité.
Sur la régularité du jugement :
5. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément. De même, en cas d'accident suivi de mort, la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit leur demeure acquise (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) ". En application de ces dispositions, il incombe au juge administratif, saisi d'un recours indemnitaire de la victime contre une personne publique regardée comme responsable du dommage, de mettre en cause les caisses auxquelles la victime est ou était affiliée. Le défaut de mise en cause de la caisse entache la procédure d'irrégularité.
6. Il résulte de l'instruction que les premiers juges ont mis dans la cause la caisse primaire d'assurance maladie du Var dont ne dépendait pas Mme C... et n'ont pas mis dans la cause celle dont elle relevait au moment du fait générateur du dommage, à savoir Harmonie fonction publique, ainsi que celles dont elle a, par la suite, relevé, à savoir la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aveyron et celle du Gard. En ayant omis de mettre en cause d'office ces caisses en vue de l'exercice par celles-ci de l'action susmentionnée alors que Mme C... soulevait la responsabilité pour faute de son employeur, le tribunal administratif de Toulon a méconnu la portée des dispositions précitées. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2023 en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme C....
7. La Cour ayant, dans la présente instance, mis en cause les caisses dont relevait Mme C..., il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre cause d'irrégularité tirée de ce que le tribunal aurait insuffisamment motivé sa réponse relative au chef de préjudice résultant des souffrances endurées, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions indemnitaires de Mme C... et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur ses conclusions aux fins d'annulation des décisions de refus d'avancement de grade et de refus de protection fonctionnelle.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus d'avancement au grade d'agent technique principal de 2ème classe :
8. Aux termes de l'article 2 du décret n° 76-1110 du 29 novembre 1976 modifié relatif au statut particulier du corps des agents techniques du ministère de la défense : " Le corps des agents techniques du ministère de la défense comprend le grade d'agent technique classé dans l'échelle de rémunération C1, le grade d'agent technique principal de 2e classe classé dans l'échelle de rémunération C2 et le grade d'agent technique principal de 1re classe classé dans l'échelle de rémunération C3. "
9. Mme C..., nommée agent technique du ministère de la défense de 1ère classe (grade C1) depuis le 16 octobre 2008, fait valoir qu'elle aurait dû passer au grade d'agent technique principal de 2ème classe (échelle C2) en 2014.
10. Aux termes de l'article 4 du décret n° 2016-1084 du 3 août 2016 modifiant le décret n° 2016-580 du 11 mai 2016 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C de la fonction publique de l'Etat et les décrets relatifs à l'organisation de leurs carrières : " L'avancement à partir d'un grade situé en échelle de rémunération C1 dans un grade situé en échelle de rémunération C2 s'opère selon l'une des modalités suivantes : " 1° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, après une sélection par la voie d'un examen professionnel ouvert aux agents relevant d'un grade situé en échelle C1 ayant atteint le 4e échelon et comptant au moins trois ans de services effectifs dans ce grade ou dans un grade doté de la même échelle de rémunération d'un autre corps ou cadre d'emplois de catégorie C ou dans un grade équivalent si le corps ou cadre d'emplois d'origine est situé dans une échelle de rémunération différente ou n'est pas classé en catégorie C ; " 2° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi, au choix, après avis de la commission administrative paritaire, parmi les agents relevant d'un grade situé en échelle C1 ayant atteint le 5e échelon et comptant au moins cinq ans de services effectifs dans ce grade ou dans un grade doté de la même échelle de rémunération d'un autre corps ou cadre d'emplois de catégorie C, ou dans un grade équivalent si le corps ou cadre d'emplois d'origine est situé dans une échelle de rémunération différente ou n'est pas classé en catégorie C ; " 3° Soit par combinaison des modalités définies au 1° et au 2°, sans que le nombre des avancements prononcés par l'une de ces modalités puisse être inférieur au tiers du nombre total des avancements de grade (...) ".
11. S'il est constant que, conformément au 2° dudit article, Mme C... avait atteint, en 2014, le 5ème échelon d'un grade d'échelle C1 et comptait plus de 5 ans de services effectifs, cette seule circonstance n'était pas de nature à lui ouvrir droit à avancement de grade, lequel n'est pas, contrairement à ce qu'elle soutient, automatique mais résulte de l'appréciation comparée du mérite respectifs de tous les agents remplissant les conditions pour y prétendre. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des décisions implicites par lesquelles son administration a refusé de faire droit à sa demande d'avancement à compter de 2014 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.
En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle :
12. Il y a lieu de rejeter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 11 à 18 du jugement attaqué, qui ne sont au demeurant pas sérieusement contestés par Mme C... dans le cadre de son appel incident, les conclusions dirigées contre les décisions par lesquelles le ministre des armées a refusé de faire droit à la demande de protection fonctionnelle présentée par l'intéressée ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction.
Sur les conclusions indemnitaires :
13. En vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services.
14. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, la rente viagère d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions, rappelées ci-dessus, qui instituent cette prestation, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.
En ce qui concerne l'utilisation de produits nocifs :
15. Le ministre des armées fait valoir qu'il n'est pas établi que Mme C... aurait, dans le cadre de l'exercice de son activité professionnelle de couturière, utilisé des produits nocifs, et notamment du benzène, dont l'utilisation aurait été interdite à compter de 1975, ou des produits dérivés du benzène, susceptibles d'être à l'origine de la maladie qu'elle a développée. Il résulte toutefois d'une note du directeur de l'atelier industriel de l'aéronautique de Cuers-Pierrefeu, au sein duquel travaillait Mme C..., en date du 19 mai 2017, que cette dernière a utilisé, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, du méthyléthylcétone, de la colle Bostik 1400, du vernis de scellement Scotchcal 3950 et de la colle Savaprène 126. Il résulte, par ailleurs, d'une attestation établie par M. B..., qui était alors supérieur hiérarchique de Mme C..., que cette dernière a été amenée à utiliser, entre autres, les produits précités. Il résulte également de l'instruction et notamment des fiches de sécurité de produits jointes au dossier et du rapport établi par M. F..., docteur en chimie, qui bien que non établi dans le cadre d'une expertise judiciaire, comporte des éléments d'informations, communiqués au ministre des armées, susceptibles d'être pris en compte par la Cour, que certains de ces produits, notamment le vernis de scellement Scotchcal 3950, sont composés à partir de dérivés du benzène, dont le toluène et l'éthylbenzène qui sont susceptibles d'avoir, après inhalation, des effets cancérogènes. Au vu de l'ensemble de ces éléments et alors, au demeurant, que le syndrome myéloprolifératif dont est atteinte Mme C... a, après avis du médecin agréé des armées et de la commission de réforme, été reconnu imputable au service par décision du 19 mars 2018 au titre des maladies professionnelles du tableau n° 4 annexé au livre IV du code la sécurité sociale, lequel est expressément relatif aux hémopathies provoquées par le benzène et tous les produits en refermant, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir qu'il n'est pas établi que l'intéressée utilisait les produits litigieux en se bornant à faire valoir que les fiches emploi nuisances qu'elle a signées ne portaient pas la mention du recours à de tels produits.
En ce qui concerne les fautes alléguées :
16. Il résulte, en premier lieu, de l'instruction, et notamment du rapport de M. F..., établi sur la base de photos du local dans lequel travaillait l'intéressée qui ne sont pas contestées par le ministre des armées, qu'en dépit de l'usage de produits toxiques, les locaux, dans lesquels travaillaient six salariés, n'étaient pas dotés d'un système de ventilation centralisée mais seulement d'un système d'extraction localisé très en hauteur par rapport au plan de travail. Par ailleurs, il en résulte également, d'un part, que les locaux n'étaient pas équipés de box individuels avec hotte aspirante et, d'autre part, qu'une climatisation réversible à l'aplomb de la gaine aspirante annulait l'effet mineur de la gaine d'aspiration et avait pour effet de remélanger toutes les vapeurs.
17. En deuxième lieu, s'il résulte de la lettre précitée du directeur de l'atelier industriel de l'aéronautique de Cuers-Pierrefeu en date du 19 mai 2017 que des masques de type FFP2 étaient mis à disposition des salariés, il résulte du rapport établi par M. F... qu'au regard des substances utilisées, lesquelles génèrent des gaz, seuls des masques à cartouche de charbon actif de type A étaient de nature à protéger efficacement les salariés.
18. En troisième lieu, il résulte également de l'instruction qu'en dépit de l'utilisation régulière de produits nocifs, Mme C..., dont les fiches d'aptitude médicale ont été très sommairement remplies au cours des années d'exposition, n'a pas fait l'objet d'une surveillance médicale renforcée.
19. En quatrième lieu, il résulte également de l'instruction que les fiches emploi nuisances, alors, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'il était fait usage de produits dérivés du benzène, n'en portaient pas la mention, Mme C... n'ayant ainsi pas été correctement informée sur les produits qu'elle était amenée à manipuler et les précautions d'usage.
20. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat aurait procédé à des mesures de contrôle, au sein des locaux, aux fins de vérifier le respect des valeurs limites d'exposition des salariés.
21. Au regard de l'ensemble de ces éléments, dont aucun n'est d'ailleurs contesté par le ministre des armées, l'Etat a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne le lien de causalité entre les fautes et la maladie :
22. Il résulte des expertises des docteurs E..., médecin agréé consulté par l'administration dans le cadre de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont est atteinte Mme C..., et A..., désigné par ordonnance de référé de la présidente du tribunal administratif de Toulon, que Mme C..., dont le diagnostic de thrombocytémie essentielle a été posé en juin 2010, avait, peu de temps avant son recrutement, un hémogramme normal ainsi que cela est attesté par un examen sanguin effectué le 26 mars 2006 et avait été déclarée apte à l'embauche après visite du médecin de prévention le 12 septembre 2006. Il en résulte également que l'âge de survenue de l'affection dont est atteinte Mme C... est extrêmement précoce au regard de l'âge de survenue normale de cette maladie. Par ailleurs, si le ministre des armées fait valoir que Mme C... n'aurait été que peu exposée à ces divers produits dès lors, d'une part, qu'elle ne travaillait, au cours des deux premières années au cours desquelles elle avait été recrutée dans le cadre d'un parcours d'accès aux carrières de la fonction publique (PACTE), qu'une semaine sur deux et, d'autre part, pour un temps inférieur à 20 % de son temps de présence, il résulte de l'instruction que, notamment du fait de l'absence de système de ventilation adéquat, l'intéressée était également exposée aux vapeurs émises par les produits utilisés, à proximité immédiate, par ses collègues de travail. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le lien de causalité entre l'exposition de Mme C... à des substances toxiques dans le cadre de son activité professionnelle, exposition qui n'a pas été palliée par des mesures de protection adéquates, et l'apparition de sa pathologie est, contrairement à ce que soutient le ministre des armées, qui l'a, au demeurant reconnu par sa décision du 19 mars 2018, direct et certain.
23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à prétendre à la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices subis.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :
Quant aux préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
Le déficit fonctionnel temporaire :
24. Il résulte de l'expertise du Dr A... que le déficit fonctionnel temporaire partiel de l'intéressée doit être évalué à 70 %. Si Mme C... fait valoir que la période d'indemnisation de celui-ci doit démarrer en juin 2010, date, ainsi qu'il a été dit précédemment, du diagnostic de thrombocytémie essentielle, il résulte de l'instruction et notamment du listing des congés de maladie de Mme C... avant 2016 que l'intéressée a, en dépit de quelques arrêts ponctuels, continué à travailler régulièrement au cours des années 2010 jusqu'au 30 mai de l'année 2016, au cours de laquelle a été diagnostiquée une myélofibrose diffuse de grade 1. Mme C... a d'ailleurs, jusqu'en 2016, fait l'objet de très bonnes évaluations. Par suite, le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé sur la période du 30 mai 2016 au 18 février 2019, la date de consolidation ayant été fixée au 19 février 2019. Au regard de ces taux et période, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, lequel inclut les demandes formulées par Mme C... au titre des troubles dans les conditions d'existence avant consolidation, le préjudice d'agrément avant consolidation et le préjudice sexuel avant consolidation, en l'évaluant à la somme de 13 000 euros.
Les souffrances endurées :
25. Il résulte de l'expertise du Dr A... que les souffrances endurées, qui comprennent les souffrances physiques et les souffrances psychiques, peuvent être évaluées, à 3,5/7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 6 200 euros.
Le préjudice esthétique temporaire :
26. S'il résulte de l'instruction que le Dr A... a retenu un préjudice esthétique temporaire de 1,5/7, il n'a, en réalité, retenu que des préjudices esthétiques permanents tenant, d'une part, à l'existence de brûlures, d'autre part, à une boiterie qu'il retient par ailleurs dans le cadre du déficit fonctionnel permanent à hauteur de 3 %, et, enfin, à un vieillissement prématuré. Par suite, les conclusions présentées au titre de ce chef de préjudice doivent être rejetées.
Quant aux préjudices extrapatrimoniaux permanents :
Le déficit fonctionnel permanent :
27. Il résulte du rapport du Dr A... que le déficit fonctionnel permanent, lequel comprend notamment une stérilité partielle (5 %) et une anxiété quasi phobique de la survenue de complications et de leucémie (10 %) doit être évalué à 65 %. Au regard de l'âge de Mme C... au moment de la consolidation, soit 37 ans, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, lequel inclut les " souffrances endurées post-consolidation " ainsi que, dans les circonstances de l'espèce eu égard au rapport d'expertise, le " préjudice d'anxiété ", en l'évaluant à la somme de 220 000 euros.
Le préjudice d'agrément :
28. Il résulte du rapport d'expertise que le préjudice d'agrément doit être évalué de moyen à important. Eu égard à la circonstance que la requérante, malgré son jeune âge, ne peut plus pratiquer les activités sportives auxquelles elle s'adonnait auparavant (sport en salle et snowboard), il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, au regard de son taux de déficit fonctionnel permanent tel que précédemment déterminé, en l'évaluant à la somme de 30 000 euros.
Le préjudice esthétique permanent :
29. Il résulte de l'expertise du Dr A... que Mme C... présente des cicatrices de brûlures liées à la radiothérapie, une boiterie ainsi qu'un vieillissement prématuré. L'expert a estimé ce chef de préjudice à 2/7. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.
Le préjudice sexuel :
30. Il ne résulte pas de l'expertise du Dr A..., qui a porté la mention " sans objet " que Mme C... subirait, postérieurement à la consolidation de son état de santé, un préjudice sexuel, lequel doit être distingué du préjudice d'établissement. Par suite, les conclusions présentées au titre de ce chef de préjudice doivent être rejetées.
Le préjudice d'établissement :
31. Il résulte de l'expertise que la fertilité de Mme C..., bien que devenue mère en 2022, a pu être impactée par les traitements, notamment la chimiothérapie, qu'elle a subis et que son projet d'enfantement a été, de ce fait, retardé. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'expert a inclus la stérilité partielle dont elle est atteinte dans le cadre du déficit fonctionnel permanent à hauteur de 5 %. Les conclusions présentées au titre de ce chef de préjudice, déjà indemnisé par ailleurs, doivent, dès lors, être rejetées.
Quant au préjudice d'impréparation :
32. Si Mme C... sollicite une indemnisation au titre d'un " préjudice d'impréparation ", ce chef de préjudice ne trouve à s'appliquer qu'en cas de défaut d'information en matière médicale. Par suite, les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
Quant aux préjudices patrimoniaux temporaires :
La perte de gains professionnels avant consolidation :
33. Mme C... fait, en premier lieu, valoir que si elle a été rémunérée au cours de la période de son congé de longue maladie du 30 mai 2016 à la date de consolidation de son état de santé, elle n'a plus perçu, à compter du 1er août 2016, l'indemnité mensuelle de fonctions, de sujétions et d'expertise qu'elle percevait auparavant.
34. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public ayant développé, du fait d'une faute commise par son employeur, une pathologie l'empêchant de poursuivre l'exécution de son service a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait des fautes commises. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.
35. Il résulte de l'instruction et notamment des feuilles de paye produites par Mme C... ainsi que du rapport établi par le cabinet d'expertise-comptable Demuyter, que celle-ci percevait, avant son placement en congé de longue maladie, une indemnité mensuelle de fonctions, de sujétions et d'expertise d'un montant mensuel net de 353,20 euros. Cette prime, instituée par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat, est liée à l'engagement professionnel et à la manière de servir et n'est pas destinée à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il résulte de l'instruction et notamment des évaluations de l'intéressée au titre des années précédant son placement en congé de maladie que Mme C... était un bon agent. Par suite, elle établit avoir perdu une chance sérieuse de percevoir cette prime à compter du 1er août 2016 jusqu'à la date de consolidation de son état de santé. Ce chef de préjudice sera évalué, sur cette période, à la somme de 10 735,74 euros.
36. En second lieu, si Mme C... sollicite en outre une indemnisation afférente à la perte des traitements qu'elle aurait perçus si elle était passée, en 2014, au grade d'agent technique principal de 2ème classe, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que la seule circonstance qu'elle ait atteint le 5ème échelon d'un grade d'échelle C1 et comptait plus de 5 ans de services effectifs, n'était pas de nature à lui ouvrir droit à avancement de grade. Par suite, la perte de chance sérieuse d'accéder à ce grade en 2014 n'est pas établie.
37. Il résulte de ce qui précède, dès lors que Mme C... n'a pas perçu, avant consolidation, de sommes au titre de l'allocation aux adultes handicapés, que le préjudice de l'intéressée au titre de ses pertes de gains professionnels actuels doit être évalué à la somme de 10 735, 74 euros.
L'assistance par tierce personne avant consolidation :
38. Il résulte du rapport du Dr A... que Mme C... peut être regardée comme ayant eu besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure par jour avant la consolidation de son état de santé. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 24 du présent arrêt, l'indemnisation ne doit porter que sur la période du 30 mai 2016 au 18 février 2019.
39. Sur la base d'un tarif horaire de 14 euros au titre de cette période, pour une année évaluée à 412 jours pour tenir compte des dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 15 721 euros.
40. Toutefois, d'une part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.
41. Aux termes de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France (...) dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie, a droit à une prestation de compensation (...) ". Aux termes de l'article L. 245-3 du même code : " La prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges : / 1° liées à un besoin d'aides humaines y compris, le cas échéant, celles apportées par des aidants familiaux (...) ". Aux termes de son article L. 245-4 : " L'élément de la prestation relevant du 1° de l'article L. 245-3 est accordé à toute personne handicapée (...) lorsque son état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance régulière (...). Le montant attribué à la personne handicapée est évalué en fonction du nombre d'heures de présence requis par sa situation et fixé en équivalent-temps plein, en tenant compte du coût réel de rémunération des aides humaines en application de la législation du travail et de la convention collective en vigueur. ". Enfin, aux termes de l'article L. 245-7 du même code : " (...) Les sommes versées au titre de cette prestation ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune (...) ".
42. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que le montant de la prestation de compensation du handicap peut être déduit d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne.
43. Il résulte de l'instruction que Mme C... n'a pas perçu, sur la période du 30 mai 2016 au 18 février 2019, de prestation de compensation du handicap.
44. D'autre part, lorsque le juge arrête le montant dû en réparation des frais d'assistance à tierce personne qui ont été exposés antérieurement à sa décision, que l'état de santé de la victime a nécessité le recours à une assistance qui a été assurée par un salarié ou par une association, une entreprise ou un organisme déclaré, et que celle-ci a effectivement bénéficié à ce titre de l'avantage fiscal prévu à l'article 199 sexdecies du CGI, il lui appartient de déduire, au besoin d'office, au même titre que les prestations ayant pour objet la prise en charge de frais d'assistance par une tierce personne, le montant de l'avantage fiscal perçu, dans la mesure où il correspond à une telle assistance, de l'indemnité mise à la charge de la personne publique en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour déterminer le montant à déduire.
45. Il résulte de l'instruction que Mme C... n'a pas bénéficié avant consolidation, pour l'emploi d'un salarié à domicile, d'un crédit d'impôt.
46. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à Mme C... au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation la somme de 15 721 euros.
Quant aux préjudices patrimoniaux permanents :
Les frais divers :
47. En premier lieu, Mme C... justifie, par la production de factures des 23 février 2021 et 23 septembre 2021, avoir exposé les frais de 1 843,20 euros pour l'assistance technique de M. F... ainsi que de 4 230 euros pour l'analyse comptable effectuée par le cabinet Demuyter. Ces frais ayant été utiles à la résolution du litige, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à ce titre à l'intéressée la somme de 6 163,20 euros.
48. En deuxième lieu, en revanche, il résulte de l'instruction et, notamment des pièces produites par Mme C... à la suite d'une mesure d'instruction adressée par la Cour, que les frais de 585,60 euros correspondant aux honoraires du Dr G... et ceux de 1 080 euros correspondant aux honoraires du Dr H..., qui a assisté l'intéressée lors des opérations d'expertise judiciaire, ont été pris en charge par son assurance protection juridique. Il y a lieu, dès lors, ces frais n'ayant pas été directement exposés par Mme C..., de rejeter les conclusions présentées par cette dernière à ce titre.
49. En troisième lieu, Mme C... justifie avoir exposé des frais de péage à hauteur de 50,66 euros et de parking à hauteur de 42,60 euros pour se rendre à l'accedit de l'expertise judiciaire du Dr A... à Nice le 28 avril 2021. Il y a lieu, dès lors, de condamner l'Etat à lui verser à ce titre la somme de 93,26 euros. En revanche, il n'y a pas lieu de retenir les frais de repas qui auraient été exposés en tout état de cause.
L'assistance par tierce personne post-consolidation :
Période du 19 février 2019 au 6 décembre 2024 :
50. Il résulte du rapport d'expertise du Dr A... que Mme C... a, postérieurement à la consolidation, besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure par jour. Il sera tenu compte d'un tarif horaire de 14 euros au titre des années 2019 et 2020 et de 15 euros au titre de 2021, pour une année évaluée à 412 jours pour tenir compte des dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés. A partir du 1er janvier 2022 jusqu'au 31 décembre 2022, il doit être appliqué le taux horaire de 22 euros fixé par l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour l'application de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, sur la base de 365 jours, dès lors que ce taux horaire est réputé intégrer l'ensemble des charges sociales ainsi que les droits à congés payés des salariés. Du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023, le taux horaire a été fixé à 23 euros par arrêté du 30 décembre 2022. Enfin, pour l'année 2024, le taux horaire a été fixé à 23,50 euros par arrêté du 2 janvier 2024. Au regard de ces périodes et taux, le préjudice subi à ce titre par Mme C... doit être évalué à la somme de 41 377,75 euros dont il y a lieu de déduire la somme globale de 1 316 euros (56 X 23,50) correspondant à 56 heures d'assistance par tierce personne dont elle a bénéficié par son assurance prévoyance dans le cadre d'un protocole de soins anticancéreux (4 h du 1er mars 2024 au 12 avril 2024, 24 h du 27 mai 2024 au 5 juillet 2024, 24 h du 8 juillet 2024 au 16 août 2024 et 4 h du 26 septembre 2024 au 4 octobre 2024). Il résulte, par ailleurs de l'instruction, qu'elle n'a pas bénéficié, sur cette période, d'un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. L'Etat doit ainsi être condamné à verser à ce titre à Mme C... la somme de 40 061,75 euros.
Période postérieure au 6 décembre 2024 :
51. S'agissant des frais d'assistance par tierce personne qu'exposera Mme C... à compter du présent arrêt, ceux-ci doivent être arrêtés sur la base des mêmes besoins que ceux fixés au point précédent, pour un tarif horaire de 23,50 euros, sur une durée annuelle de 365 jours. Ainsi, compte tenu de ce tarif, il convient de retenir une rente annuelle de 8 755,50 euros. Cette rente sera revalorisée par la suite en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction, le cas échéant, des sommes versées à Mme C... au titre des aides financières à la tierce personne pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations perçues excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. Il appartiendra en conséquence à Mme C... de fournir à l'Etat les justificatifs établissant le montant des prestations qu'elle est susceptible de percevoir à ce titre et notamment des prestations résultant de son contrat de prévoyance. Par ailleurs, la réparation intégrale ainsi accordée fera obstacle à ce que la contribuable puisse bénéficier à l'avenir du crédit d'impôt au titre des prestations de service assurées par un salarié ou une association, une entreprise ou un organisme déclaré et dont cette indemnité aura permis la prise en charge.
La perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle :
La perte de chance d'être intégrée dans le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications :
52. En premier lieu, Mme C... fait valoir que la pension de retraite et d'invalidité qu'elle perçoit ne permet pas une réparation intégrale de ses pertes de gains professionnels futurs dès lors qu'elle a perdu une chance sérieuse d'accéder au corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications de 3ème classe à compter de l'année 2017.
53. Aux termes de l'article 4 du décret 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat : " I. - Les recrutements dans le premier grade interviennent selon les modalités suivantes : (...) 3° Après inscription sur une liste d'aptitude : Peuvent être inscrits sur cette liste d'aptitude les fonctionnaires appartenant à un corps de catégorie C ou de même niveau dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, justifiant d'au moins neuf années de services publics (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2011-964 du 16 août 2011 portant statut particulier du corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense : " Le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications du ministère de la défense comprend les trois grades suivants : 1° Technicien supérieur d'études et de fabrications de 3e classe ; 2° Technicien supérieur d'études et de fabrications de 2e classe ; 3° Technicien supérieur d'études et de fabrications de 1re classe, grade le plus élevé. Ces grades sont respectivement assimilés aux premier, deuxième et troisième grades mentionnés par le décret du 11 novembre 2009 susvisé. ".
54. Il résulte tant des bonnes évaluations de Mme C... au titre des années 2015 et 2016 que des mémoires de proposition à l'avancement au titre de ces deux années que l'intéressée était très impliquée, prenait de très bonnes initiatives du niveau de certains cadres et qu'une " évolution vers un poste de technicien supérieur d'études et de fabrications [serait] une suite logique de tous les efforts fournis ". Il résulte également d'un courrier électronique en date du 17 mai 2016 qu'elle faisait partie de la liste des candidats proposés à l'avancement de corps au titre de l'année 2017. Mme C... justifie ainsi, si elle n'avait été placée en congé de longue maladie à compter du 30 mai 2016, avoir perdu une chance sérieuse d'intégrer le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications à compter de l'année 2017. Il suit de là que la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle liée aux pertes de pensions de retraite doivent être déterminées au regard de l'évolution de carrière qu'aurait eue l'intéressée si elle avait intégré le corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications à compter de l'année 2017.
La perte de chance de bénéficier d'une pension de retraite à un taux majoré de 10 % :
55. Mme C... fait valoir, en se prévalant d'une attestation, qu'elle souhaitait avoir trois enfants et que la maladie dont elle est atteinte, qui a affecté sa fertilité, l'a privée de la possibilité d'avoir trois enfants et, par suite, de bénéficier d'une retraite calculée sur la base de 85 % de son traitement indiciaire brut au lieu de 75 %. Cependant, ce préjudice n'est qu'éventuel. Il ne peut, dès lors, donner lieu à indemnisation.
56. En tenant compte, d'une part, de la circonstance que Mme C... avait, ainsi qu'il a été dit précédemment, une chance sérieuse d'accéder au corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrications à compter du 1er janvier 2017 au grade de 3ème classe, d'une évolution de carrière dans ce corps jusqu'au 1er octobre 1948, à l'âge de 67 ans, limite d'âge, puis d'une espérance de vie à 86 ans et d'une pension de retraite calculée sur la base d'un taux de 75 %, il résulte du rapport du cabinet d'expertise comptable Demuyter, dont le contenu n'est pas sérieusement contesté par le ministre des armées, que la perte de traitements, depuis le 1er juin 2019 peut être évaluée à 749 060,13 euros nets, puis celle de pensions à 373 232,07 nets (403 058,40 X (1-0,074), ce qui représente un total de 1 122 292,2 euros nets. Or, il résulte également de l'instruction que Mme C... perçoit depuis le 30 mai 2019, une pension de retraite et d'invalidité d'un montant mensuel net de 1 644,80 euros, soit 19 737,60 euros nets par an. En faisant application du barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais en 2022, cette pension, en tenant compte de l'âge de 37 ans au moment de l'octroi de la rente et d'un taux de 48,669, représente un capital de 960 609,25 euros (19 737,60 X 48,669). La perte subie par Mme C... au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle peut donc être évaluée à la somme de 161 682,95 euros. S'il résulte de l'instruction que Mme C... ne perçoit pas l'allocation aux adultes handicapés, il résulte toutefois des pièces produites par l'intéressée à la suite d'une mesure d'instruction adressée par la Cour que celle-ci, outre sa pension de retraite et d'invalidité d'un montant annuel de 19 737,60 euros nets, perçoit depuis le 1er juin 2019, au titre de son contrat de prévoyance PREMUO, une rente d'invalidité complémentaire d'un montant de plus de 7 000 euros nets par an, qu'elle a vocation à continuer à percevoir à l'avenir et qui aura pour effet de compenser la perte précitée de 161 682,95 euros. Par suite, le préjudice allégué au titre des pertes de gains futurs, en ce comprise l'incidence professionnelle, n'est pas certain et ne peut, dès lors, donner lieu à indemnisation.
57. Il résulte de tout ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à Mme C... la somme globale de 343 974,95 euros, dont sera déduite la provision de 5 000 euros allouée à Mme C... par ordonnance de référé en date du 10 février 2021.
En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :
58. En premier lieu, en vertu de l'article 1231-6 du code civil, Mme C... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 343 974,95 euros à compter du 25 mars 2019, date de réception par le ministre des armées de sa demande d'indemnisation préalable.
59. En second lieu, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. Mme C... a demandé la capitalisation des intérêts dès le 27 avril 2019. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 25 mars 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
En ce qui concerne les frais d'expertise :
60. Dans les circonstances de l'espèce, les frais et honoraires de l'expertise confiée au docteur E... A..., liquidés et taxés à la somme de 1 282,20 euros toutes taxes comprises par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Toulon du 25 mai 2021, doivent être mis à la charge définitive de l'Etat, partie perdante dans le cadre du contentieux indemnitaire.
En ce qui concerne la déclaration d'arrêt commun :
61. La caisse Harmonie fonction publique et les caisses primaires d'assurance maladie de l'Aveyron et du Gard, mises dans la cause, n'ont pas sollicité le remboursement de leurs débours. Il y a lieu, dès lors, de leur déclarer commun le présent arrêt.
Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer :
62. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions présentées par le ministre des armées, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à statuer présentées dans le cadre de la requête enregistrée sous le n° 24MA00683.
Sur les frais d'instance :
63. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24MA00683.
Article 2 : Le jugement n° 1901351, 1901354 du tribunal administratif de Toulon du 19 janvier 2023 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de Mme C....
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mme C... la somme globale de 343 974,95 euros, dont sera déduite la provision de 5 000 euros allouée à Mme C... par ordonnance de référé en date du 10 février 2021. Il versera également à Mme C... une rente annuelle de 8 755,50 euros. Cette rente sera revalorisée en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction, le cas échéant, des sommes versées à Mme C... au titre des aides financières à la tierce personne dont elle devra justifier.
Article 4 : La somme de 343 974,95 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019 et des intérêts capitalisés à compter du 25 mars 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 5 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 282,20 euros TTC sont mis à la charge définitive de l'Etat.
Article 6 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt est déclaré commun à Harmonie fonction publique et aux caisses primaires d'assurance maladie de l'Aveyron et du Gard.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., au ministre des armées et des anciens combattants, à Harmonie fonction publique et aux caisses primaires d'assurance maladie de l'Aveyron et du Gard.
Copie en sera adressée au Dr A..., expert.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2024.
N° 23MA00688, 24MA00683 2
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