Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes enregistrées sous les n°s 2004964 et 2105229, le syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville de Cannes, des agents de la ville de Cannes, de ses établissements publics, du syndicat mixte d'élimination des déchets et de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins a demandé au tribunal administratif de Nice, sur le fondement des dispositions de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, de reconnaître aux agents publics du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cannes exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " le droit d'être rémunérés au titre des heures de travail de gardiennage qu'ils effectuent la nuit, le dimanche et les jours fériés.
Par un jugement n° 2004964, 2105229 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a reconnu aux agents du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cannes exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " le droit à rémunération au titre des heures de travail de gardiennage effectuées la nuit, en précisant que les agents ont droit à la rémunération de ce temps de travail à compter de leur affectation sur ce type de fonctions dans ces établissements et au plus tôt à compter du 1er janvier 2015.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 août 2022, le 14 mars 2023 et le 11 mai 2023, le centre communal d'action sociale de Cannes, représenté par la SELAS Seban et associés, agissant par Me Carrère, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice n° 2004964, 2105229 du 30 juin 2022 en tant qu'il a reconnu aux agents du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cannes exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " le droit à rémunération au titre des heures de travail de gardiennage effectuées la nuit, en précisant que les agents ont droit à la rémunération de ce temps de travail à compter de leur affectation sur ce type de fonctions dans ces établissements et au plus tôt à compter du 1er janvier 2015 ;
2°) de rejeter l'ensemble des conclusions présentées en première instance par le syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville de Cannes, des agents de la ville de Cannes, de ses établissements publics, du syndicat mixte d'élimination des déchets et de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins ;
3°) de mettre à la charge du syndicat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas fait usage de son pouvoir d'instruction ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que sa condamnation à verser des sommes équivalentes à la totalité du temps de travail des plages de travail de nuit des agents exerçant les fonctions de gardiennage au sein des trois résidence autonomie et ce pour une durée de sept ans n'entraîne pas des conséquences financières excessives pour lui mettant en danger le service public qu'il assure et a méconnu l'article L. 77-12-3 du code de justice administrative ;
- en application de l'article R. 2124-65 du code général de la propriété des personnes publiques, de l'article 1er du décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001, des articles 1, 2 et 5 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000, de l'article 4 du décret n° 2002-813, la seule présence des agents dans le logement ne constitue pas un temps de travail effectif, la contrepartie de cette présence étant l'attribution du logement de fonction, à la différence des interventions non prévues réalisées pendant le temps d'astreinte à présence, sur demande du responsable hiérarchique ou suite au déclenchement d'une alarme ;
- les gardes et astreintes réalisées par les agents sont rémunérées en nature par l'attribution d'un logement de fonction pour nécessité de service ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit quant à la définition qu'il retient du temps de travail effectif des gardiens, les périodes de gardiennage devant être considérées comme des astreintes ;
- la délibération du 22 juin 2022 a institué une équivalence pour les heures de gardiennage de nuit ;
- le syndicat intimé ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 4 du décret n° 2002-813 du 3 mai 2002, qui n'ont pas été transposées aux agents de la fonction publique territoriale ;
- les heures de nuit sont des heures d'astreinte qui ne peuvent être rémunérées à ce titre et sont compensées ;
- en reconnaissant le droit à rémunération de manière rétroactive à compter du 1er janvier 2015 le tribunal administratif a méconnu les règles applicables en matière de prescription posées par l'article 1er de la loi n° 68-250 du 31 décembre 1968.
Par des mémoires, enregistrés le 27 octobre 2022, le 28 mars 2023 et le 16 mai 2023, le syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville de Cannes, des agents de la ville de Cannes, de ses établissements publics, du syndicat mixte d'élimination des déchets et de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins, représenté par Me Broc, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Nice n° 2004964, 2105229 du 30 juin 2022 ;
2°) de rejeter la requête du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cannes ;
3°) de reconnaître le droit à rémunération au titre des heures de gardiennage effectuées la nuit aux agents du CCAS de Cannes exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " à compter de leur affectation sur ce type de fonctions et au plus tôt le 1er janvier 2015 ;
4°) de mettre à la charge du CCAS de Cannes la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la demande de modulation dans le temps des effets de la reconnaissance de droit formulée par le CCAS est inappropriée et inadaptée aux faits de l'espèce, les conséquences financières du jugement attaqué n'étant pas disproportionnée ;
- son action en reconnaissance de droits, présentée sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, est recevable ;
- compte tenu de la définition du temps de travail effectif donné tant par le 1 de l'article 2 de la directive n° 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 modifiée que par l'article 2 du décret n° 2000-815, dès lors que le gardiennage effectué par l'agent ne se limite pas à une simple période de veille mais lui impose de se trouver à disposition permanente des résidents, cette activité doit être regardée comme un travail effectif pendant la totalité de sa durée ;
- le service de gardiennage de nuit effectué par les agents est un temps de travail effectif dans la mesure où ils doivent demeurer à la disposition permanente des personnes hébergées, sans pouvoir quitter la résidence et vaquer ainsi à leurs occupations ;
- en l'absence d'instauration d'un régime d'équivalence, le CCAS doit rémunérer chacune des heures de travail de nuit comme temps de travail effectif ;
- les règles de prescription ont été respectées par le jugement attaqué ;
- le CCAS n'est pas recevable à invoquer la prescription pour la première fois en appel.
Par une ordonnance du 12 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2023, puis a été reportée au 30 mai 2023, par une ordonnance du 12 mai 2023.
Le CCAS de Cannes a présenté un mémoire enregistré le 23 septembre 2024, soit après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 modifiée ;
- la loi n° 68-250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n°2002-813 du 3 mai 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2024 :
- le rapport de Mme Rigaud ;
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;
- les observations de Me Lefebvre, représentant le CCAS de Cannes, et celles de Me Broc, représentant le syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville de Cannes, des agents de la ville de Cannes, de ses établissements publics, du syndicat mixte d'élimination des déchets et de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins.
Une note en délibéré a été produite par le CCAS de Cannes le 8 octobre 2024, postérieurement à l'audience, et communiquée au syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville de Cannes, des agents de la ville de Cannes, de ses établissements publics, du syndicat mixte d'élimination des déchets et de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins. L'instruction a été rouverte et l'affaire renvoyée à l'audience du 21 novembre 2024.
Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2024, le syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville de Cannes, des agents de la ville de Cannes, de ses établissements publics, du syndicat mixte d'élimination des déchets et de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins, représenté par Me Broc, conclut aux mêmes fins.
Un mémoire, enregistré le 17 novembre 2024, après la clôture de l'instruction, a été présenté par le CCAS de Cannes et n'a pas été communiqué.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de la nouvelle audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 21 novembre 2024 :
- le rapport de Mme Rigaud ;
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;
- les observations de Me Lefebvre, représentant le CCAS de Cannes, et celles de Me Broc, représentant le syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville de Cannes, des agents de la ville de Cannes, de ses établissements publics, du syndicat mixte d'élimination des déchets et de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins.
Une note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2024, présentée pour le syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville de Cannes, des agents de la ville de Cannes, de ses établissements publics, du syndicat mixte d'élimination des déchets et de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins, n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville de Cannes, des agents de la ville de Cannes, de ses établissements publics du syndicat mixte d'élimination des déchets et de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins a demandé au tribunal administratif de Nice, sur le fondement des dispositions de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, de reconnaître le droit à la rémunération des agents du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cannes exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " au titre des heures de travail de gardiennage qu'ils effectuent la nuit, le dimanche et les jours fériés.
2. Par un jugement n°s 2004964, 2105229 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a reconnu ce droit aux agents en cause à compter de leur affectation sur ce type de fonctions dans ces établissements au titre des heures de travail effectuées seulement de nuit et au plus tôt à compter du 1er janvier 2015 et rejeté le surplus des conclusions de la requête. Le CCAS de Cannes relève appel de ce jugement dans la mesure qui lui est défavorable.
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement.
Sur le bienfondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative : " L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. (...). / Le groupe d'intérêt en faveur duquel l'action est présentée est caractérisé par l'identité de la situation juridique de ses membres. Il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public mis en cause. / L'action collective est présentée, instruite et jugée selon les dispositions du présent code, sous réserve du présent chapitre. ".
4. La directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 modifiée, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, définit, au 1 de son article 2, le temps de travail comme " toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ".
5. Par son arrêt du 9 mars 2021, RJ c/Stadt Offenbach am Main (C 580/19), ainsi qu'aux points 93 à 95 de son arrêt du 15 juillet 2021, B.K. c/Republika Slovenija (Ministrstvo za obrambo) (C 742/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les périodes d'astreinte effectuées sur des lieux de travail qui ne se confondent pas avec le domicile du travailleur devaient normalement être qualifiées, dans leur intégralité, de temps de travail, dès lors que le travailleur doit alors rester éloigné de son environnement social et familial et bénéficie d'une faible latitude pour gérer le temps pendant lequel ses services ne sont pas sollicités. S'agissant des autres périodes d'astreinte, la Cour a jugé qu'elles étaient également susceptibles d'être qualifiées de temps de travail selon qu'elles permettent ou non au travailleur de gérer librement son temps pendant ses périodes d'astreinte et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Aux points 48 à 53 de son arrêt du 9 mars 2021, la Cour de justice de l'Union européenne a indiqué qu'une telle qualification devait faire l'objet d'une appréciation au cas par cas, prenant en compte, premièrement, le temps de réaction laissé au travailleur, deuxièmement, les contraintes et facilités accordées au travailleur pendant cette période et, troisièmement, la fréquence moyenne des prestations effectives normalement réalisées par ce travailleur.
6. Aux termes de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, susvisé : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes ".
7. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif (...) ". Aux termes de l'article 9 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires : " (...) Une période d'astreinte telle que définie à l'article 5 du décret du 25 août 2000 susvisé ne peut être rémunérée au titre des heures supplémentaires. Cependant lorsque des interventions sont effectuées au cours d'une période d'astreinte, ne sont pas compensées et donnent lieu à la réalisation d'heures supplémentaires, elles peuvent être rémunérées à ce titre. (...) ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 2 du décret du 19 mai 2005 relatif aux modalités de la rémunération ou de la compensation des astreintes et des permanences dans la fonction publique territoriale : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ainsi que, le cas échéant, le déplacement aller et retour sur le lieu de travail / La permanence correspond à l'obligation faite à un agent de se trouver sur son lieu de travail habituel, ou un lieu désigné par son chef de service, pour nécessité de service, un samedi, un dimanche ou lors d'un jour férié ". Enfin, selon l'article 3 de ce décret, la rémunération et la compensation des obligations d'astreinte et de permanence " ne peuvent être accordées aux agents qui bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service (...) ".
9. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, si un agent territorial qui bénéficie d'une concession de logement à titre gratuit pour nécessité absolue de service ne peut pas prétendre au paiement ou à la compensation de ses périodes d'astreinte et de permanence, y compris lorsque ces périodes ne lui permettent pas de quitter son logement, il peut toutefois prétendre au paiement ou à la compensation d'heures supplémentaires, à la double condition que ces heures correspondent à des interventions effectives, à la demande de l'autorité hiérarchique, réalisées pendant le temps d'astreinte ou de permanence, et qu'elles aient pour effet de faire dépasser à cet agent les bornes horaires définies par le cycle de travail.
10. Par ailleurs, il résulte des dispositions du code général des collectivités territoriales qu'il appartient aux organes compétents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de régler l'organisation des services et notamment de fixer la durée hebdomadaire de travail du personnel, sous réserve du respect des dispositions législatives et réglementaires applicables. Ils peuvent notamment, dans ce cadre, fixer des équivalences en matière de durée du travail, afin de tenir compte des périodes d'inaction que comporte l'exercice de certaines fonctions ou définir des modalités particulières de prise en compte du travail de nuit ou du travail effectué les dimanches et les jours fériés.
11. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges, en particulier de la délibération en date du 22 juin 2012 du conseil d'administration du CCAS de Cannes portant organisation du temps de travail du personnel des foyers-logements, que le temps de travail hebdomadaire effectif des gardiens des foyers-logements, désormais dénommés " résidences autonomie ", est fixé à 35 heures. Il ressort également de cette délibération qu'au-delà de ce cycle de 35 heures, la présence des agents est requise par roulement le dimanche et les jours fériés en contrepartie de la concession d'un logement pour nécessité absolue de service. La présence de ces agents est requise, lorsque deux gardiens sont présents au sein de la résidence autonomie, cinq nuits de la semaine de 20 heures à 8 heures en semaine 1, et deux nuits de la semaine de 20 heures à 8 heures en semaine 2 et lorsqu'un seul gardien est présent, 5 nuits de la semaine de 20 heures à 8 heures.
12. Comme l'ont également à bon droit retenu les premiers juges, la délibération du 22 juin 2012 prévoit que les heures de gardiennage effectuées les dimanches et jours fériés sont réalisées en contrepartie de la concession d'un logement de fonction pour nécessité absolue de service dont bénéficient les agents gardiens du CCAS exerçant leurs fonctions au sein des résidences autonomie et elle doit, dès lors, être regardée comme ayant défini des modalités particulières de prise en compte du travail effectué les dimanches et les jours fériés. De même, les dispositions de l'article 4 du décret du 3 mai 2002 relatif aux horaires d'équivalence applicables aux emplois de gardien et de concierge des services déconcentrés relevant du ministère de l'intérieur, qui n'ont pas été transposées aux agents du CCAS de Cannes, ou d'ailleurs à ceux de la fonction publique territoriale, ne sont pas applicables. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont, par le jugement attaqué, rejeté la demande de reconnaissance de droit en ce qui concerne les heures effectuées les dimanches et jours fériés.
13. Il résulte également de la délibération du 22 juin 2012, ainsi que des attestations concordantes des agents concernés, des fiches d'intervention produites pour les années de 2015 à 2020, de la fiche technique des gardiens de la résidence autonomie " les Alizés " et du livret d'accueil des résidences autonomie que, durant ces temps de présence la nuit, les dimanches et jours fériés, les agents sont tenus de demeurer au sein de la résidence concernée, notamment au sein du logement de fonction qui leur est concédé à titre gratuit pour nécessité absolue de service, avec interdiction de quitter les lieux afin de pouvoir intervenir à tout moment auprès des résidents, d'assurer l'ouverture et la fermeture de l'établissement, l'entretien et la maintenance du matériel et des installations, la gestion des incidents techniques, la remise en température et de contrôler la présence des résidents, de répondre, à toute heure du jour et de la nuit aux sollicitations diverses des résidents, urgentes ou non urgentes, à la porte, à l'interphone ou au téléphone, de déférer aux demandes du CCAS et d'assurer la surveillance des locaux.
14. Il résulte toutefois de l'instruction qu'eu égard à leur nature, leur faible occurrence - la plupart du temps de l'ordre de cinq par mois selon les pièces produites -, leur durée de quelques minutes à 1 heure 30 lors d'évènements de convivialité occasionnellement organisés au sein des résidences, et, très exceptionnellement de 4 heures, les interventions incombant aux agents en cause ne faisaient pas obstacle à ce qu'ils vaquent à leurs occupations personnelles. Par ailleurs, il résulte des pièces produites par le CCAS de Cannes, non utilement contestées, que l'établissement a mis en place un système de compensation des interventions effectivement réalisées par les agents pendant les périodes de gardiennage de nuit. Toutefois, si les pièces produites à l'instance par le CCAS de Cannes établissent qu'un certain nombre d'interventions effectivement réalisées à ce titre ont fait l'objet d'une récupération sous forme de repos compensateur, ces pièces, dont le caractère exhaustif n'est pas établi, ne permettent pas à la cour de savoir si l'intégralité des heures d'intervention effective de nuit pendant les périodes de gardiennage ont fait l'objet d'une compensation.
15. Il résulte de ce qui précède que le CCAS de Cannes est fondé à soutenir que l'intégralité des heures de gardiennage de nuit ne pouvaient être qualifiées de période d'astreinte ou de temps de travail effectif et que c'est à tort que les premiers juges ont reconnus, sur le fondement de l'article L. 77-12-3 du code de justice administrative, un droit à rémunération au titre des heures de travail de gardiennage effectuées la nuit à ses agents exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou ", à compter de leur affectation sur ce type de fonctions dans ces établissements et au plus tôt à compter du 1er janvier 2015. Le jugement attaqué, doit, ainsi, être annulé en tant qu'il reconnaît les droits des agents du CCAS de Cannes exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " au titre des heures de travail de gardiennage qu'ils effectuent la nuit.
16. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés tant devant la cour que devant le tribunal.
17. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 13 à 15, que les seules interventions effectives réalisées de nuit peuvent ouvrir droit à paiement ou à la compensation d'heures supplémentaires et qu'il n'y a lieu à reconnaître le droit à rémunération de ces interventions effectives que dans la mesure où elles n'ont pas déjà fait l'objet d'une compensation.
En ce qui concerne le droit à rémunération :
18. Aux termes de l'article L. 77-12-3 du code de justice administrative : " Le juge qui fait droit à l'action en reconnaissance de droits détermine les conditions de droit et de fait auxquelles est subordonnée la reconnaissance des droits. S'il lui apparaît que la reconnaissance de ces droits emporte des conséquences manifestement excessives pour les divers intérêts publics ou privés en présence, il peut déterminer les effets dans le temps de cette reconnaissance. / Toute personne qui remplit ces conditions de droit et de fait peut, sous réserve que sa créance ne soit pas prescrite ou son action forclose, se prévaloir, devant toute autorité administrative ou juridictionnelle, des droits reconnus par la décision ainsi passée en force de chose jugée. (...) ". Il revient au juge statuant sur une action en reconnaissance de droits de déterminer les conditions auxquelles est subordonnée la reconnaissance de ces droits.
19. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 2 du même texte : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. (...) ".
20. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 77-12-3 du code de justice administrative que l'action individuelle dont dispose toute personne pouvant se prévaloir des droits reconnus par la décision de justice ne peut porter que sur une créance non prescrite. La circonstance, à la supposer établie, que la date du 1er janvier 2015 retenue par les premiers juges pour limiter les effets dans le temps de la reconnaissance des droits puisse méconnaître les règles de prescription posées par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 est sans incidence sur les termes de cette modulation. Ce moyen doit donc être écarté sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir le concernant soulevé par le syndicat intimé.
21. Par ailleurs si le CCAS de Cannes soutient qu'une reconnaissance à effet rétroactif, au plus tôt à compter du 1er janvier 2015, du droit à rémunération au titre des heures de travail de gardiennage effectuées la nuit reconnu aux agents exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " aurait des conséquences manifestement excessives, il ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, que la mise en œuvre des droits reconnus par le présent arrêt, eu égard au périmètre retenu, aurait pour de telles conséquences manifestement excessives pour les divers intérêts publics ou privés en présence.
22. Il résulte de tout ce qui précède que le CCAS de Cannes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a reconnu le droit à rémunération de la totalité des heures de travail de gardiennage effectuées la nuit aux agents du CCAS de Cannes exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " à compter de leur affectation sur ce type de fonctions dans ces établissements et au plus tôt à compter du 1er janvier 2015. De plus, il y a lieu de reconnaître le droit à rémunération des agents du CCAS de Cannes ayant exercé ou exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " des heures correspondant à des interventions effectives effectuées durant les plages de gardiennage de nuit et qui n'ont pas déjà fait l'objet d'une compensation sans qu'il soit besoin de déterminer les effets de cette reconnaissance dans le temps. Ces agents ont droit à la rémunération correspondante à compter de leur affectation sur ce type de fonctions dans ces trois établissements.
Sur les frais liés au litige :
23. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2004964, 2105229 du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a reconnu le droit à rémunération de la totalité des heures de travail de gardiennage effectuées la nuit aux agents du CCAS de Cannes exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " à compter de leur affectation sur ce type de fonctions dans ces établissements et au plus tôt à compter du 1er janvier 2015.
Article 2 : Le droit à rémunération des agents du CCAS de Cannes ayant exercé ou exerçant des fonctions de gardiennage au sein des résidences autonomie " Alizés ", " Soleil Couchant " et " Riou " des heures correspondant à des interventions effectives effectuées durant les plages de gardiennage de nuit et qui n'ont pas déjà fait l'objet d'une compensation est reconnnu. Ces agents ont droit à la rémunération correspondante à compter de leur affectation sur ce type de fonctions dans ces trois établissements.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale de Cannes et au syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux et des agents de la ville de Cannes, de ses établissements publics, du syndicat mixte d'élimination des déchets et de la communauté d'agglomération Cannes Pays de Lérins.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme C. Fedi, présidente de chambre,
- Mme L. Rigaud, présidente assesseure,
- M. J. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.
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N° 22MA02338