Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 mai 2021 par laquelle le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence l'a classé dans le groupe de fonctions 3 et a fixé son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à un montant mensuel brut de 1 255,99 euros, à compter du 1er mai 2021 et, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence de procéder au réexamen de sa situation administrative, à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 2106794 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, ainsi que les conclusions présentées par le département des Alpes-de-Haute-Provence sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 janvier et 11 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Pelgrin, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 novembre 2023 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la présidente du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence de procéder, dès la notification de l'arrêt à intervenir, au réexamen et à la régularisation de sa situation, en le maintenant dans le groupe de fonctions 2 et en lui versant le montant adéquat au titre de l'IFSE ;
4°) de mettre à la charge du département des Alpes-de-Haute-Provence la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au " contexte " de la prise de fonction de directeur du laboratoire vétérinaire départemental ;
- pour rejeter sa demande, le tribunal, qui n'a pas fait preuve d'objectivité, n'a pas tenu compte de ce contexte qui explique seul la décision en litige, constitutive d'une sanction déguisée, ses changements d'affectation et son licenciement pour insuffisance professionnelle, et le jugement attaqué est donc à cet égard entaché d'erreur manifeste d'appréciation, alors que son changement de poste n'impliquait pas une baisse de sa rémunération ;
- ce jugement est également entaché d'une erreur de droit, dès lors que le tribunal n'a pas tenu compte de son expérience professionnelle qui aurait dû justifier son maintien dans le groupe de fonctions 2 ;
- la décision en litige, en ce qu'elle constitue une sanction déguisée, n'est pas suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, le requérant étant victime de harcèlement moral et aurait dû relever du groupe de fonctions 2 ;
- les motifs de cet arrêté sont entachés d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation, compte tenu notamment de ses évaluations des années précédentes, et révèlent une sanction déguisée, n'ayant jamais souhaité son changement de poste ;
- cette décision procède d'une erreur de droit, puisque sa situation, qui résulte d'un changement de poste discriminatoire, relève non pas du groupe de fonctions 3 mais du groupe de fonctions 2 ;
- le président du conseil départemental a commis une erreur manifeste d'appréciation, en adoptant une mesure pour des motifs étrangers au service et en dehors des règles disciplinaires.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 mars et 18 octobre 2024, le département des Alpes-de-Haute-Provence, représentée par Me Verne de la selarl Itinéraires avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 septembre 2024 la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2024, à 12 heures, puis par une ordonnance du 14 octobre 2024, a été reportée au 18 octobre 2024, à 12 heures.
M. B... a produit le 6 novembre 2024, après la clôture de l'instruction, un mémoire qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le décret n° 2016-201 du 26 février 2016 ;
- le décret n° 2020-182 du 27 février 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pelgrin, représentant M. B..., de Me Auger, substituant Me Verne, représentant le département des Alpes-de-Haute-Provence et de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ingénieur territorial, recruté par voie de mutation en qualité de directeur par le département des Alpes-de-Haute-Provence, a été nommé au poste de directeur du laboratoire vétérinaire départemental à compter du 1er octobre 2018, et exerçait en même temps les fonctions de chef du service " santé animale ". Par un arrêté du 28 mai 2019, pris à sa demande, il s'est vu assigner les seules fonctions de chef du service " santé animale " à compter du 1er juin 2019.
Par un arrêté du 11 mai 2020, pris après avis du comité technique du 5 mars 2020 et de la commission administrative paritaire du 7 mai 2020, le président du conseil départemental prononce son changement d'affectation à compter du 1er juin 2020, pour occuper, à raison de
60 % de son temps de travail, le poste de responsable de l'unité " management qualité ", et à raison de 40 %, le poste de responsable de l'unité " aide au diagnostic ". Par un arrêté du 31 mai 2021, le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence l'a classé dans le groupe de fonctions 3 au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) et a fixé son indemnité à un montant mensuel brut de 1 255,99 euros, à compter du 1er mai 2021. Par un jugement du 16 novembre 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint à la présidente du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence de procéder au réexamen de sa situation administrative.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. C'est sans commettre d'irrégularité que, pour rejeter la demande de M. B...,
le tribunal n'a pas expressément répondu à ses moyens, inopérants, tirés du " contexte très particulier " de sa nomination le 1er octobre 2018 en tant que directeur du laboratoire vétérinaire départemental et du caractère prétendument arbitraire de son changement de poste en 2019,
dès lors que l'arrêté en litige a été pris en considération des fonctions qui lui ont été dévolues par l'arrêté du 11 mai 2020, dont il n'a pas contesté la légalité. Le requérant n'est donc pas fondé à critiquer sur ce point la motivation du jugement qu'il attaque, ni en tout état de cause à soutenir que le tribunal aurait manqué à son devoir d'objectivité dans l'analyse de ses écritures et les réponses qu'il y a données.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires. En déclarant devant la Cour reprendre plusieurs moyens déjà invoqués en première instance, sans même les énoncer sommairement, ni joindre à ses écritures d'appel une copie du mémoire de première instance qui contenait cette argumentation, M. B... n'a pas assorti cette dernière des précisions nécessaires à l'appréciation de son
bien-fondé.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984, repris à l'article L. 714-4 du code général de la fonction publique : " Les organes délibérants des collectivités territoriales (...) fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 27 février 2020 relatif au régime indemnitaire des agents de la fonction publique territoriale, modifiant l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration de leurs établissements publics pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. / Le tableau joint en annexe 1 établit les équivalences avec la fonction publique de l'Etat des différents cadres d'emplois de la fonction publique territoriale dans le domaine de l'administration générale, dans le domaine technique, dans le domaine médico-social, dans le domaine culturel, dans le domaine sportif et dans le domaine de l'animation. (...) ".
5. Par une délibération du 29 juin 2018 modifiée les 12 octobre 2018, 18 octobre 2019 et 11 décembre 2020 le conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence a décidé de mettre en place, pour les agents du département, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP). Ce régime indemnitaire comprend, d'une part, une IFSE liée aux fonctions exercées par l'agent et, d'autre part, un complément indemnitaire annuel lié à la manière de servir de l'agent. S'agissant du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux, cette délibération a défini trois groupes de fonctions, le groupe 1, correspondant aux agents affectés sur un emploi de directeur, le groupe 2 correspondant aux agents affectés sur un emploi de chef de service et le groupe 3 correspondant aux agents qui se voient confier d'autres fonctions.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et il est du reste constant, que M. B..., qui était auparavant chef du service " santé animale ", a fait l'objet d'un changement d'affectation par un arrêté du 11 mai 2020 qui l'a nommé, à compter du 1er juin 2020, sur les postes de responsable de l'unité " management de la qualité " à 60 % et de responsable de l'unité " aide au diagnostic " à 40 %. N'occupant plus depuis cette date un poste de chef de service relevant du groupe de fonctions 2, il relevait à compter de cette même date du groupe de fonctions 3, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal.
7. D'autre part, il ne résulte d'aucune des dispositions du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat, et du décret du 27 février 2020 relatif au régime indemnitaire des agents de la fonction publique territoriale, ni des délibérations par lesquelles le conseil départemental a appliqué ce régime indemnitaire aux agents du département, ni d'un prétendu principe de maintien du niveau de rémunération des fonctionnaires, qu'en dehors de l'hypothèse, visée à l'article 3 du décret du 20 mai 2014 auquel renvoie
l'article 2 du règlement adopté par la délibération du 29 juin 2018 précitée, où le montant de l'IFSE est réexaminé, au moins tous les quatre ans, en l'absence de changement de fonctions, au vu de l'expérience acquise par l'agent, ce montant, fixé en cas de changement de fonctions, devrait tenir compte de l'expérience acquise par cet agent. Ainsi M. B... ne peut utilement prétendre que pour prendre l'arrêté en litige, son administration aurait dû tenir compte de son expérience professionnelle et décider ainsi de le maintenir dans le groupe de fonctions 2, malgré son changement de fonctions. Si pour contester le montant de l'indemnité fixée par l'arrêté en litige et soutenir que cette décision est dans cette mesure entachée d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, M. B... a entendu se prévaloir de sa manière de servir, des appréciations de ses anciens employeurs et de l'attestation d'une collègue de travail, ainsi qu'il le faisait en première instance, ses moyens ne peuvent qu'être écartés par adoption du motif retenu à bon droit par le tribunal au point 6 de son jugement, le montant de l'IFSE étant fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions de l'agent.
8. Enfin, à la supposer soulevée, l'exception d'illégalité de l'arrêté du 11 mai 2020 nommant M. B... au double poste de responsable d'unités, lequel constituerait selon lui une sanction déguisée prononcée dans le contexte de harcèlement moral dont il aurait été la victime, est inopérante, dès lors que l'arrêté en litige n'a pas été pris en application de cette décision qui ne lui a pas non plus servi de fondement.
9. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu des critères objectifs retenus par le président du conseil départemental pour fixer le montant de l'IFSE au bénéfice de M. B..., énoncés au point 6, que l'arrêté en litige ait été pris dans l'intention de lui infliger une sanction ou s'insèrerait dans une série d'agissements de harcèlement moral le concernant. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que la mesure en litige constitue une sanction déguisée, qu'elle aurait dû en conséquence être motivée et qu'elle est entachée d'erreur de droit et de détournement de pouvoir. Il suit de là également qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision, par adoption du motif retenu à bon droit par le tribunal au point 2 de son jugement.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département des Alpes-de-Haute-Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département tendant à l'application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département des Alpes-de-Haute-Provence tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au département des Alpes-de-Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
N° 24MA001032