Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 avril 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai, d'autre part, d'enjoindre audit préfet, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative, le cas échéant, après saisine de la commission du titre de séjour, et de lui délivrer un récépissé de sa demande lui permettant de travailler, dans un délai de quinze jours à compter de cette même notification, et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2305337 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Youchenko, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 septembre 2023 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 avril 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de
deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, après saisine de la commission du titre de séjour, et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler durant le temps de l'instruction, dans les quinze jours suivant cette même notification puis de prendre une décision dans les deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, lequel s'engage, dans cette hypothèse, à renoncer à percevoir la part contributive relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral contesté a été pris en méconnaissance des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation doublée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dès lors qu'il justifie de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans ;
- il porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale telle que protégée par les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu son pouvoir général de régularisation ;
- l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée en ce qu'elle méconnaît, par la voie de l'exception d'illégalité, son droit à la délivrance d'un titre de séjour ;
- l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'un vice de procédure tenant à l'absence de saisine de la commission de titre de séjour.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 16 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 octobre 2024, à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 24 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Né le 27 septembre 1989 et de nationalité algérienne, M. B... déclare être entré sur le territoire français le 5 janvier 2011. Le 17 mars 2022, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 9 septembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à cette demande et a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours tout en fixant le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai. Mais, par un jugement n° 2208433 du 24 janvier 2023, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la demande présentée par M. B.... En exécution de ce jugement, le représentant de l'Etat a, par un arrêté du 28 avril 2023, de nouveau, rejeté cette demande de délivrance d'un certificat de résidence, a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 29 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté préfectoral.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des circulaires des 12 mai 1998, 19 décembre 2002, 27 octobre 2005 et 28 novembre 2012 dès lors que celles-ci sont dépourvues de tout caractère réglementaire.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".
4. M. B... soutient s'être maintenu habituellement sur le territoire français depuis le 5 janvier 2011. Mais, outre la circonstance qu'il ne produit qu'une copie de ses passeports délivrés en 2020 et 2022, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, sans au demeurant avoir ajouté une condition non prévue au 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, les pièces qu'il verse aux débats pour démontrer le bien-fondé de cette allégation, consistent très essentiellement en des documents d'ordre médical, des factures et une promesse d'embauche datée de 2014 réitérée à deux reprises, en 2015 et 2016. Il produit également des fiches d'impôt à compter de
l'année 2017 mais qui ne révèlent la perception d'aucun revenu ainsi que des relevés bancaires sans mouvement régulier, quelques cartes d'admission à l'aide médicale d'Etat et des attestations d'hébergement. Compte tenu de leur nombre, de leur nature et de leur teneur, et de la circonstance que, parfois redondantes, elles font état de nombreuses adresses différentes, ces pièces sont insuffisantes pour établir que l'appelant réside habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté. Il s'ensuit que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations précitées du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et qu'il n'a pas davantage entaché son arrêté d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre. L'ensemble de ces moyens doit donc être écarté.
5. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
6. Compte tenu de ce qui a été dit plus haut, M. B... ne justifie pas de l'ancienneté et de la stabilité de son séjour sur le territoire français. Par ailleurs, les attestations produites au dossier sont insuffisantes pour démontrer l'intensité des liens de l'appelant, qui est célibataire et sans enfant, avec la France. En outre, ce dernier ne se prévaut de la présence d'aucun membre de sa famille sur le territoire français et il ne conteste pas que son père ainsi que les membres de sa fratrie demeurent en Algérie. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier qu'il a créé en septembre 2022 une société de livraison de repas et de petit colis, cette circonstance est trop récente à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté pour permettre à l'appelant de justifier d'une insertion professionnelle durable en France. Dans ces conditions, l'arrêté préfectoral contesté n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Cet arrêté n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, y compris au regard du pouvoir de régularisation du préfet pour tenir compte de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels. Il suit de là que ces moyens doivent être tous écartés.
7. En quatrième lieu, en application de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet est tenu de saisir la commission du titre du séjour du seul cas des ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues par l'accord franco-algérien auxquels il envisage de refuser le certificat de résidence sollicité et non de celui de tous les demandeurs qui se prévalent de ces stipulations. Les dispositions de l'article L. 435-1 du même code n'étant pas applicables aux ressortissants algériens, la saisine de la commission du titre de séjour prévue par ces dernières dispositions est en revanche sans portée utile pour ces ressortissants. Dans ces conditions, dès lors que M. B... ne réunit pas les conditions de délivrance du certificat de résidence de plein droit dont il se prévaut, le préfet des Bouches-du-Rhône n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour. Ce moyen doit dès lors être écarté.
8. En cinquième et dernier lieu, la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence n'étant entachée d'aucune illégalité, M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire prise à encontre. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. B... tendant à l'application combinée des articles 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Marlène Youchenko et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
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No 24MA00071