Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Immo 4 a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du maire de la commune de Callian du 12 décembre 2019 par laquelle il a refusé de lui délivrer un permis d'aménager pour la division en huit lots à bâtir d'un terrain situé chemin des Graous à Callian.
Par un jugement n° 2000269 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 janvier 2023, la commune de Callian, représentée par Me Lopasso, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2022 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de la décision du 12 décembre 2019 retirant le permis d'aménager tacitement accordé ;
3°) de mettre à la charge de la SARL Immo 4 la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure de retrait de l'autorisation tacite obtenue est régulière, la lettre informant le pétitionnaire de ce qu'un retrait de son autorisation est susceptible d'intervenir n'ayant pas à être motivée en fait ;
- l'arrêté contesté est suffisamment motivé par la seule mention des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le projet devait être soumis à récépissé de déclaration au titre de la loi sur l'eau sans que puisse être opposé le principe d'indépendance des législations ;
- le projet ne méconnaît pas les articles L. 111-11 du code de l'urbanisme et UD 4 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le projet porte atteinte à la sécurité publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2023, la SARL Immo 4 représentée par Me Zago, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Callian la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable, en l'absence de la notification prévue par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la cour a désigné Mme Courbon, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement de la 1ère chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dyèvre, rapporteure,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Lopasso, représentant la commune de Callian.
Considérant ce qui suit :
1. La société Immo 4 a déposé, le 11 juillet 2019, une demande de permis d'aménager pour la création d'un lotissement de huit lots à bâtir sur un terrain composé des parcelles cadastrées section D n° 1201, 174, 175 et 176 situé chemin des Graous à Callian. Par décision du 12 décembre 2019, la commune de Callian a retiré l'autorisation tacite née du silence gardé sur cette demande le 22 novembre 2019. Par un jugement du 29 novembre 2022, dont la commune relève appel, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, ou une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. (...) ". Ces dispositions visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours contentieux dirigé contre elle et doivent, à cet égard, être regardées comme s'appliquant également à un recours exercé contre une décision juridictionnelle constatant l'existence d'une telle autorisation.
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 12 décembre 2019 par laquelle la commune de Callian a retiré l'autorisation tacite née sur la demande de permis d'aménager de la société Immo 4, le 22 novembre 2019. Ainsi, la société pétitionnaire était titulaire de cette autorisation tacite. Contrairement à ce que soutient la société Immo 4, la commune de Callian a produit la copie de son courrier du 30 janvier 2023, adressé par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er février 2023, lui notifiant son recours en appel, susceptible de remettre en cause le droit à construire reconnu par le tribunal administratif. Par suite, la requête de la commune de Callian est recevable et la fin de non-recevoir opposée en défense ne peut qu'être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. En revanche, si le juge d'appel estime qu'un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l'administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut rejeter la demande d'annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l'autorité administrative et sur lesquels les premiers juges se sont prononcés.
5. Pour faire droit à la demande de la société Immo 4, le tribunal administratif, après avoir requalifié l'arrêté du 12 décembre 2019 en décision de retrait d'un permis de construire tacite, l'a annulé, en retenant, d'une part, l'irrégularité de la procédure de retrait et, d'autre part, l'illégalité du motif de cet arrêté fondé sur l'absence de récépissé de dépôt de déclaration au titre de la loi sur l'eau.
6. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...). " et aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ". La décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au titulaire du permis de construire d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations.
7. La lettre du 27 novembre 2019, par laquelle le maire de la commune de Callian a informé la SARL Immo 4 de son intention de retirer le permis d'aménager qu'elle avait tacitement obtenue et l'a invitée à présenter ses observations, indique au pétitionnaire, d'une part, que le projet nécessite la production d'un récépissé de dépôt d'une déclaration au titre de la loi sur l'eau, et, d'autre part, que son projet méconnaît tant l'article UD 4 du plan local d'urbanisme que l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme. Si dans son courrier en réponse du 5 décembre 2019, la société pétitionnaire a indiqué ne pas être en mesure de connaître " précisément les motifs qui pourraient justifier [le] retrait " au regard des dispositions combinées des articles 4 de la zone UD du plan local d'urbanisme et L. 111-11 du code de l'urbanisme, elle a toutefois présenté des observations sur ce point, en indiquant, notamment, que l'article UD4 n'est pas opposable à son projet et que le terrain d'assiette est desservi par le réseau d'eau potable de la commune, avant de mentionner que le projet ne nécessitait ni une déclaration au titre de la loi sur l'eau, ni la production d'un récépissé d'une telle déclaration en raison du principe de l'indépendance des législations. Dans ces conditions, et alors que le maire n'était pas tenu de communiquer à la pétitionnaire les études hydrauliques sur lesquelles il s'est fondé pour retirer le permis tacite, le courrier du 27 novembre 2019 a mis la société pétitionnaire en mesure de faire valoir ses observations dans le cadre de la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions énoncées au point 6 du présent arrêt. La SARL Immo 4 n'a, ainsi, pas été privée de la garantie qui s'attache au respect de cette procédure.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Callian est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 12 décembre 2019 à raison de l'irrégularité de la procédure contradictoire mise en œuvre préalablement au retrait. Dès lors, il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel.
9. Aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, d'une part : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. (...) ". Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
10. Aux termes de l'article 4 de la zone UD du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Callian, d'autre part : " Toute construction susceptible de requérir une alimentation en eau potable doit être desservie par un réseau respectant la réglementation en vigueur relative notamment à la pression et à la qualité. ".
11. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'étude du 9 octobre 2019 du cabinet Oteis sur la capacité hydraulique du système d'eau potable du secteur de Fontenouille, sur la branche Sud-Ouest duquel le terrain d'assiette du projet est implanté, que ce réseau est fragile, qu'il approche de la saturation en période estivale et ne permet pas, en l'état, d'alimenter le terrain d'assiette du projet, tant en termes de pression que d'adduction d'eau, les canalisations étant notamment sous-dimensionnées. Le gestionnaire du réseau a également produit une note à la suite de cette étude confirmant la fragilité du réseau. La seule circonstance que la notice annexée au plan local d'urbanisme mentionne la réalisation de travaux sur le réseau et que ceux-ci auraient été réalisés ne suffit pas à établir que le projet d'aménagement envisagé pourra être raccordé à un réseau d'eau potable suffisant, en contradiction avec les éléments d'études précédemment exposés. Ainsi, le motif de l'arrêté du 12 décembre 2019 tiré de ce que le projet en litige ne peut être accordé en raison de l'insuffisance du réseau d'eau potable et de ce que la commune n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique les travaux nécessaires seront exécutés est fondé.
12. Il résulte de l'instruction que le maire de Callian aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce motif.
13. Si, comme le relève la SARL Immo 4, le motif de l'arrêté du 12 décembre 2019, fondé sur le non-respect de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est dépourvu de toute motivation en fait à son appui, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cet arrêté, dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le maire de Callian aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur la méconnaissance, par le projet, des articles L. 111-11 du code de l'urbanisme et UD4 du plan local d'urbanisme.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Callian est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 12 décembre 2019 par lequel le maire de Callian a retiré le permis de construire tacite délivré à la société Immo 4.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2000269 du tribunal administratif de Toulon du 29 novembre 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Immo 4 devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Callian et la société Immo 4 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Immo 4 et à la commune de Callian.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, où siégeaient :
- Mme Courbon, présidente,
- M. Arnaud Claudé-Mougel, premier conseiller,
- Mme Dyèvre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024.
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N° 23MA00246
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