Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 février 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2304938 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Bruschi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 février 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Il soutient que :
- l'arrêté portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté mentionne de manière erronée qu'il est arrivé en France en 2012 ;
- il remplit les conditions prévues par la circulaire du 22 juillet 2011 ;
- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les articles 7, 8 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille du 29 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Danveau.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de nationalité ivoirienne né le 25 juillet 1992, relève appel du jugement du 27 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 21 février 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. M. A... se prévaut de sa présence continue en France depuis l'année 2013 ainsi que celles de sa fille mineure, née le 9 juillet 2022 sur le territoire français, et de la mère de cet enfant, une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 8 septembre 2032 qui a deux autres enfants de nationalité française nés le 20 mai 2016. Toutefois, les documents produits par l'intéressé, s'ils établissent une présence ponctuelle en France, sont, en revanche, insuffisants à prouver une résidence habituelle depuis 2013, alors qu'il produit un titre de séjour italien valide jusqu'en 2019 et qu'il a fait l'objet le 28 janvier 2020 d'un arrêté de réadmission vers l'Italie, pays dans lequel il soutient y avoir vécu de 2011 à 2013. Par ailleurs, il est constant qu'il vit désormais séparé de la mère de son enfant. En outre, l'attestation de celle-ci, produite en cours d'instance devant le tribunal, ainsi que la présentation de justificatifs de dépenses, correspondant principalement à des achats de produits alimentaires et de vêtements et ne permettant pas de connaître l'identité du payeur, ne suffisent pas à démontrer qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de sa fille, ni même, en tout état de cause, qu'il entretient avec elle une relation affective. Si le requérant fait valoir, selon le jugement rendu, postérieurement à l'arrêté contesté, le 9 novembre 2023 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Marseille, lequel, au demeurant, fait état de son absence de comparution à l'audience, qu'il exerce l'autorité parentale sur sa fille conjointement avec la mère et qu'il dispose d'un droit de visite de l'enfant dont le lieu de résidence est fixé au domicile de la mère, il n'établit pas davantage qu'il rendrait régulièrement visite à celle-ci et entretiendrait des liens particuliers avec elle. Le requérant n'apporte pas plus d'éléments permettant d'établir son intégration sociale et professionnelle, en se bornant à se prévaloir de son comportement exemplaire et de l'exercice de plusieurs emplois notamment en qualité de jardinier. Enfin, il n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine, alors qu'il a indiqué, lors d'une audition par les services de police le 28 janvier 2020, qu'il avait de la famille en Côte d'Ivoire. Dans ces conditions, et sans qu'ait d'incidence la circonstance que le préfet aurait commis une erreur de fait sur l'année précise de son entrée en France qui n'est en tout état de cause pas établie par le requérant, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation de M. A....
4. Compte tenu de l'ensemble des éléments évoqués au point précédent, M. A... n'établit pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels qui justifieraient son séjour en France. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
5. M. A... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 22 juillet 2011 relative à la maîtrise de l'immigration au titre des liens personnels et familiaux, qui est dépourvue de tout caractère réglementaire, pour contester la légalité de la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Eu égard aux éléments exposés au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.
7. Aux termes du 1 de l'article 7 de la convention relative aux droits de l'enfant : " L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. [...] ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, tirés de ce que M. A... n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille et entretenir avec elle une relation affective, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 7 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
9. Aux termes du 1 de l'article 8 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Les Etats parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale ". Aux termes du 1 de l'article 9 de la même convention : " Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant ".
10. Le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations des articles 8 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par suite, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme L. Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. J. Mahmouti, premier conseiller,
- M. N. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.
N° 24MA00171 2