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22/11/2024 | FRANCE | N°23MA02759

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 22 novembre 2024, 23MA02759


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice :



- d'annuler la décision du 18 janvier 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à la régularisation de sa situation sociale au titre des années 2009 à 2014 au regard des dispositions du décret n° 2000-35 du 17 janvier 2000, en tant que collaborateur occasionnel du service public de la justice, ainsi que la décision rejetant son recours graci

eux non datée et prise en 2023 ;

- de condamner l'Etat à lui rembourser les cotisations social...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice :

- d'annuler la décision du 18 janvier 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à la régularisation de sa situation sociale au titre des années 2009 à 2014 au regard des dispositions du décret n° 2000-35 du 17 janvier 2000, en tant que collaborateur occasionnel du service public de la justice, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux non datée et prise en 2023 ;

- de condamner l'Etat à lui rembourser les cotisations sociales qu'il a acquittées pour un montant total de 11 149 euros ;

- de condamner l'Etat à payer l'intégralité des cotisations nécessaires à la régularisation de ses droits à pension pour les années 2008 à 2021 ;

- de condamner l'Etat à lui payer les sommes de 800 euros en réparation de son préjudice de jouissance de sa pension et de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral.

Par une ordonnance n° 2303288 du 21 septembre 2023, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 novembre 2023 et 28 mars 2024, M. B..., représenté par Me Brosson, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice du 21 septembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 18 janvier 2021 et de condamner l'Etat à régulariser sa situation sociale pour les années 2009 à 2014, au titre de son statut de collaborateur occasionnel du service public ;

3°) de mettre à la charge de l'État les dépens et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ; le principe de sécurité juridique, qui s'oppose à ce qu'une décision administrative individuelle puisse être indéfiniment contestée, n'avait pas en l'espèce vocation à s'appliquer ;

- il justifie de sa qualité de collaborateur occasionnel de service public et, par suite, de son intérêt à agir ;

- sa créance n'est pas prescrite ;

- conformément aux dispositions des articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale, son affiliation au régime général des collaborateurs occasionnels de service public lui permettait de percevoir des revenus non soumis à prélèvements sociaux ;

- il a droit à la régularisation de sa situation sociale au titre des années 2009 à 2014, au regard des prélèvements sociaux versés et de ses droits à pension, en sa qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête de M. B....

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, le requérant, qui ne dispose pas de la qualité de collaborateur occasionnel de service public, n'ayant pas qualité lui donnant intérêt à agir ;

- la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Nice est irrecevable comme tardive ;

- la créance de M. B..., qui ne justifie pas avoir adressé à l'administration une demande de paiement des cotisations sociales avant le 13 mai 2019, est prescrite.

Par courriers du 31 octobre 2024 et du 4 novembre 2024, les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens d'ordre public suivants tirés de :

- l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif tendant à l'indemnisation d'un préjudice de perte de jouissance de la pension et d'un préjudice moral, en l'absence de demande préalable susceptible de lier le contentieux ;

- la demande tendant à l'annulation de la décision du 18 janvier 2021 par laquelle le ministre de la justice a rejeté la demande de M. B... tendant à la régularisation de sa situation auprès du régime général de la sécurité sociale et de l'Ircantec ne ressortit pas de la compétence de la juridiction administrative mais de la compétence des juridictions judiciaires, en charge du contentieux général de la sécurité sociale, sur le fondement des articles L. 142-1 et L. 142-8 du code de la sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui a exercé les fonctions d'enquêteur social, puis de délégué et de médiateur du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice et de Grasse entre 2008 et 2020, a sollicité, par un courrier du 13 mai 2019, le bénéfice du statut de collaborateur occasionnel du service public et la prise en charge de ses cotisations sociales, en application du décret du 17 janvier 2000 portant rattachement de certaines activités au régime général au titre des années 2009 à 2014. Par un courrier du 18 janvier 2021 de l'adjointe au chef du bureau des frais de justice et de l'optimisation de la dépense du ministère de la justice, confirmé par un courriel ultérieur non daté suite à une nouvelle saisine datée du 13 novembre 2022, la demande de M. B... a été rejetée. Par une ordonnance du 21 septembre 2023, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté, en raison de sa tardiveté et sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de ces décisions et à l'indemnisation de ses préjudices. M. B... relève appel de cette ordonnance.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs : / 1° A l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 142-8 de ce code : " Le juge judiciaire connaît des contestations relatives : / 1° Au contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 ; / (...) ".

3. Il résulte des articles L. 142-1 et L. 142-8 du code de la sécurité sociale que le litige relatif à l'affiliation rétroactive au régime général de la sécurité sociale est inhérent à la gestion d'un régime de sécurité sociale et relève donc de la compétence des juridictions judiciaires. Il en est ainsi même dans le cas où les décisions contestées sont prises par une autorité administrative, dès lors que ces décisions sont inhérentes à la gestion d'un régime de sécurité sociale. En ce qui concerne notamment les fonctionnaires ou agents de l'Etat ou des collectivités publiques, le critère de la compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale est lié, non à la qualité des personnes en cause mais à la nature même du différend. Dès lors, les litiges relatifs à l'application à ces agents du régime de sécurité sociale, qu'il s'agisse du régime général ou d'un régime spécial, échappent à la compétence de la juridiction administrative, celle-ci ne pouvant connaître que des litiges portant sur des prestations ou avantages inhérents à leur statut.

4. La demande présentée par M. B... tend notamment à l'annulation de la décision du 18 janvier 2021 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande du 13 mai 2019, portant sur la régularisation de sa situation auprès du régime général de la sécurité sociale et de l'Ircantec, en sa qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice. Ces conclusions ne ressortissent pas à la compétence des juridictions administratives. Dans ces conditions, la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision ainsi que de celle portant rejet de son recours gracieux formé le 13 novembre 2022 doit être rejetée comme présentée devant un ordre juridictionnel incompétent pour en connaître. Par suite, c'est à tort que le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice s'est reconnu compétent pour statuer sur une telle demande.

5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la décision du 18 janvier 2021 et celle portant rejet de son recours gracieux :

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la demande présentée au tribunal par le requérant, en ce qu'elle tendait à l'annulation de la décision du 18 janvier 2021 et de celle, non datée, portant rejet de son recours gracieux du 13 novembre 2022 ne relève pas de la compétence des juridictions de l'ordre administratif. Par suite, cette demande doit être rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. M. B... réitère en appel ses conclusions indemnitaires tendant à régulariser sa situation au titre des cotisations sociales versées pour les années 2009 à 2014. Toutefois, en appel, le requérant ne conteste pas le motif par lequel le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a, au point 3 de son ordonnance, rejeté comme irrecevable l'ensemble de ses conclusions indemnitaires. Il n'appartient pas à la cour de s'interroger d'office sur le bien-fondé de cette irrecevabilité. Par suite, ses conclusions indemnitaires présentées en appel ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre tirée du défaut d'intérêt à agir du requérant, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Nice du 21 septembre 2023 est annulée en tant qu'elle a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 18 janvier 2021 du garde des sceaux, ministre de la justice, et de celle, non datée, portant rejet de son recours gracieux du 13 novembre 2022.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Nice tendant à l'annulation de la décision du 18 janvier 2021 et de celle, non datée, portant rejet de son recours gracieux du 13 novembre 2022, est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme L. Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. J. Mahmouti, premier conseiller,

- M. N. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.

N° 23MA02759


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02759
Date de la décision : 22/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Principes intéressant l'action administrative.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Réouverture des délais - Absence - Décision confirmative.


Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BROSSON MERCERET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-22;23ma02759 ?
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