Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de réévaluation de son classement en groupe de dépendance 4 de la grille Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources (AGGIR), d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental des Alpes-Maritimes de procéder sous astreinte au réexamen de sa demande.
Par un jugement n° 2206104 du 14 juin 2023, la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, M. A... B..., représenté par Me Darmon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 juin 2023 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler la décision implicite prise par le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes et d'enjoindre à ce dernier de procéder, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, au réexamen de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement du tribunal, qui a retenu l'irrecevabilité de sa requête, est irrégulier ; sa demande adressée par courrier du 20 octobre 2022 a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; son recours contentieux n'avait pas à faire l'objet d'un recours administratif préalable obligatoire ;
- il remplit les conditions lui permettant de bénéficier de la protection accordée aux personnes âgées en perte d'autonomie ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2024, le département des Alpes-Maritimes, représenté par Me Duvignau, conclut, à titre principal, à l'incompétence de la cour administrative d'appel ; à titre subsidiaire, au rejet de la requête, en tout état de cause, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la cour est incompétente pour statuer sur la demande du requérant, en application de l'article R. 811-1-1° du code de justice administrative ;
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'est pas motivée, qu'elle n'est pas dirigée contre une décision et qu'elle n'a pas fait l'objet d'un recours administratif préalable ;
- la demande du requérant est infondée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Petizon, représentant le département des Alpes-Maritimes.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né le 8 octobre 1930, est bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie à domicile depuis le 26 juillet 2019. Par un courrier du 20 octobre 2022, l'intéressé, qui relève du groupe de dépendance 4 de la grille Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources (AGGIR), a sollicité, par l'intermédiaire de son conseil, la révision de cette allocation au motif de l'aggravation de son état de santé. Il relève appel du jugement du 14 juin 2023 par lequel la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à une réévaluation de son degré de dépendance au regard de la grille nationale AGGIR.
2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, mentionnés à l'article R. 772-5, y compris le contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 351-2 du même code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel (...) est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire. (...) ".
3. Le recours juridictionnel exercé par M. A... B..., tendant à la réévaluation du niveau de sa perte d'autonomie, porte sur un litige relatif au montant de l'allocation personnalisée d'autonomie visée aux articles L. 232-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles et relève du 1° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Ainsi, le jugement attaqué, statuant sur cette demande, a été rendu en premier et dernier ressort et n'est susceptible d'être contesté que par un pourvoi en cassation formé devant le Conseil d'Etat.
4. Toutefois, aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. ".
5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une cour administrative d'appel est saisie d'un recours dirigé contre un jugement d'un tribunal administratif statuant en dernier ressort, quelle que soit la raison pour laquelle le requérant a cru bon de la saisir et sans qu'aient d'incidence sur ce point les mentions portées sur la lettre de notification du jugement attaqué, son président doit transmettre sans délai le dossier au Conseil d'Etat, sauf irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou constatation d'un non-lieu à statuer.
6. Aux termes, d'une part, de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...). ". Enfin, aux termes de l'article L. 114-3 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'administration initialement saisie. (...) ". Aux termes de l'article L. 114-5 du même code : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. (...) Le délai mentionné au même article au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée rejetée est suspendu pendant le délai imparti pour produire les pièces et informations requises. Toutefois, la production de ces pièces et informations avant l'expiration du délai fixé met fin à cette suspension. ".
7. En l'espèce, M. A... B... a présenté, par courrier de son conseil du 20 octobre 2022, une demande de réévaluation de son niveau de perte d'autonomie suivant la grille nationale AGGIR, afin d'obtenir une révision de l'allocation personnalisée d'autonomie dont il est bénéficiaire. Toutefois, le département des Alpes-Maritimes, qui a, par courrier électronique, accusé réception de la demande le 25 novembre 2022, a demandé au requérant de produire les pièces, notamment médicales, annoncées comme étant jointes à sa demande. Par courrier du 30 novembre 2022, il a également demandé à l'intéressé de produire un avis d'imposition portant sur les revenus perçus au titre de l'année 2021. Le dossier étant incomplet, les services du département des Alpes-Maritimes devaient, ainsi qu'ils l'ont fait, inviter M. A... B... à produire les pièces manquantes, en application des dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre l'administration et le public. Cette demande de pièces, présentée dans le délai de 2 mois suivant celle présentée par le requérant, a eu pour effet de suspendre le délai à l'expiration duquel celle-ci est réputée rejetée. Il ressort des pièces du dossier que, suite à un courrier de l'intéressé daté du 9 décembre 2022 transmettant les pièces requises, le département des Alpes-Maritimes a confirmé la complétude du dossier et accusé réception le 27 décembre 2022 de la demande de révision de l'allocation personnalisée d'autonomie. Il suit de là que le délai au terme duquel était susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet a recommencé à courir à compter du 27 décembre 2022. Enfin, il est constant que par une décision du 21 février 2023, le département a, à l'issue de l'instruction de la demande de M. A... B..., renouvelé son admission au bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie, en le classant au groupe de dépendance 4 de la grille AGGIR, au titre de la période du 1er mars 2023 au 28 février 2026. Dès lors, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le département avait, à la date du 26 décembre 2022, pris une décision implicite de rejet de sa demande. Par voie de conséquence, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Nice a regardé la demande de M. A... B... comme n'étant dirigée contre aucune décision et comme étant, par suite, manifestement irrecevable.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fins de non-recevoir, que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande comme étant irrecevable. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Alpes-Maritimes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... B... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le département des Alpes-Maritimes et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : M. A... B... versera au département des Alpes-Maritimes une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au département des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme L. Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. J. Mahmouti, premier conseiller,
- M. N. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.
N° 23MA01725