Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2022 par lequel la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers (CNGPH) l'a placé en position de disponibilité d'office pour une durée d'un an à compter du 1er décembre 2022.
La Défenseure des droits a, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, présenté des observations.
Par un jugement n° 2208914 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 mars 2023, et les13 mars et 25 juin 2024, M. B..., représenté par la SCP ALPAVOCAT, agissant par Me Ducrey-Bompard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2022 pris par la directrice générale du CNGPH ;
3°) d'enjoindre à la directrice générale du CNGPH de procéder à sa réintégration au poste de chirurgien orthopédique au sein du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS) dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du CNGPH la somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont entaché leur décision d'irrégularité en ne rouvrant pas les débats et en ne tenant compte ni des observations présentées par la Défenseure des droits ni de son mémoire, produits après la clôture de l'instruction ;
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 5 octobre 2022 :
- en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, il n'a pas été mis à même de consulter préalablement son dossier ;
- en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, l'arrêté contesté ne procède pas d'une procédure contradictoire ;
En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 5 octobre 2022 :
- en application des articles R. 6152-68 et R. 6152-59 du code de la santé publique, sa réintégration était de droit ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il mentionne à tort qu'il aurait été en disponibilité plus de six mois ;
- il appartenait à la directrice du CNGPH de chercher à le réintégrer sur un poste vacant relevant de sa discipline, conformément aux dispositions du 3° de l'article R. 6152-59 du code de la santé publique ;
- l'arrêté contesté est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 9 août 2021 par lequel la directrice générale du CNGPH l'a détaché d'office, dans l'intérêt du service, au centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis (CHIAP) pour une durée de cinq ans et qu'il a attaqué par ailleurs ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
La Défenseure des droits a, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, présenté des observations, enregistrées le 21 juillet 2023.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2024, le CNGPH conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire préalable est inopérant ;
- comme l'a jugé le tribunal, compte tenu de la durée du détachement et de la disponibilité de M. B... et de la vacance de son poste, et eu égard à l'absence d'avis favorable des autorités locales, la directrice générale du CNGPH se trouvait dans l'impossibilité de le réintégrer sur son ancien poste au CHICAS et la directrice du CNGPH était donc tenue de le placer en disponibilité d'office, conformément aux dispositions combinées du 2° du premier alinéa de l'article R. 6152-59, des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 6152-68 et de l'article R. 6152-63 du code de la santé publique ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, notamment son article 33 ;
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Ducrey-Bompard, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 30 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 octobre 2022 par lequel la directrice générale du CNGPH l'a placé en position de disponibilité d'office pour une durée d'un an à compter du 1er décembre 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 611-17 du même code : " Le rapporteur règle, sous l'autorité du président de la chambre, la communication de la requête. Il fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ".
3. Au cas présent, il ressort des pièces de première instance que, postérieurement à la clôture d'instruction intervenue le 29 novembre 2022, la Défenseure des droits a, le 12 janvier 2023, présenté des observations et, le lendemain, M. B... a produit un mémoire.
4. D'une part, aux termes de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits : " Le Défenseur des droits ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle. / Les juridictions civiles, administratives et pénales peuvent, d'office ou à la demande des parties, l'inviter à présenter des observations écrites ou orales. Le Défenseur des droits peut lui-même demander à présenter des observations écrites ou à être entendu par ces juridictions ; dans ce cas, son audition est de droit. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que si l'audition du Défenseur des droits par les juridictions est, lorsque celui-ci le demande, de droit, cette circonstance n'a pour autant pas pour effet de lui conférer la qualité d'intervenant au litige, mais celle de simple observateur. Par suite, c'est sans commettre d'irrégularité que le tribunal s'est borné à viser sans les analyser, ni les communiquer ou y répondre, les observations présentées devant lui, postérieurement du reste à la clôture de l'instruction, par la Défenseure des droits.
6. D'autre part, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
7. En l'espèce, M. B... soutient qu'il appartenait aux premiers juges d'analyser et de tenir compte de son mémoire produit le 13 janvier 2023, après la clôture de l'instruction. Toutefois et compte tenu des principes rappelés au point précédent, la seule circonstance qu'il ait produit un mémoire n'imposait pas au tribunal de communiquer celui-ci. En outre, l'intéressé ne précise pas le ou les éléments dont il n'aurait pas été en mesure de faire état antérieurement et qui aurait été susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Dans ces conditions, son moyen doit être écarté.
8. En second lieu, il ressort du jugement attaqué et en particulier de son point 6 que, contrairement à ce qui est soutenu par M. B..., les premiers juges ont répondu à son moyen soulevé devant eux et tiré de la violation des dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.
9. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque est irrégulier.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
10. Aux termes de l'article R. 6152-68 du code de la santé publique : " Le poste libéré par un praticien placé en disponibilité est déclaré vacant lorsque la disponibilité excède six mois. Lorsque l'intéressé désire être réintégré avant l'achèvement d'une période de disponibilité, il doit en faire la demande au moins deux mois à l'avance. / A l'issue de sa mise en disponibilité le praticien est réintégré dans les conditions fixées à l'article R. 6152-59. / S'il n'a pu être réintégré, il est placé en disponibilité d'office dans les conditions fixées à l'article R. 6152-63. / Au cas où à l'expiration d'une période de disponibilité un praticien n'a ni repris ses fonctions, ni obtenu une prolongation de sa disponibilité, il est rayé des cadres. ".
11. Aux termes de l'article R. 6152-59 du même code, dans sa version alors applicable : " A l'expiration de son détachement, le praticien est réintégré : 1° Soit, de droit, dans son poste si la durée de détachement n'a pas excédé six mois ou un an si le praticien était détaché en application des 3° et 9° de l'article R. 6152-51 ; 2° Soit sur son poste s'il est toujours vacant, par décision du directeur général du Centre national de gestion après avis favorable du directeur, du chef de pôle et du président de la commission médicale d'établissement ; 3° Soit dans un autre poste de même discipline, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 6152-7, si le poste qu'occupait le praticien a été pourvu. / Le praticien détaché qui, ayant sollicité sa réintégration, n'a pu l'obtenir est placé en disponibilité d'office dans les conditions fixées à l'article R. 6152-63. / Le praticien détaché qui refuse trois propositions de poste peut être rayé des cadres par le directeur général du Centre national de gestion après avis de la commission statutaire nationale. ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été placé en détachement d'office pour une durée de cinq ans par arrêté du 9 août 2021 puis placé, par arrêté du 3 juin 2022, en disponibilité pour convenances personnelles du 15 juin au 30 septembre 2022 avec renouvellement du 1er octobre au 30 novembre 2022 prononcé par arrêté du 12 août 2022. Il a sollicité sa réintégration à l'issue de sa disponibilité, de sorte que sa demande relevait du champ d'application des dispositions de l'article R. 6152-59 du code de la santé publique. Il soutient que la réintégration dans son poste était de droit en application du 1° de cet article, dès lors que la durée de sa disponibilité, du 15 juin au 30 novembre 2022, n'avait pas excédé six mois. Toutefois, la circonstance que sa mise en disponibilité soit immédiatement consécutive à un détachement fait obstacle à ce qu'il puisse bénéficier des dispositions favorables prévues au 1° de l'article précité. C'est dès lors à juste titre que le tribunal a considéré que la durée de la période au cours de laquelle le requérant a été placé en détachement puis immédiatement placé en disponibilité pour convenances personnelles a excédé six mois, de sorte qu'il n'avait aucun droit à réintégration sur le fondement du 1° de l'article R. 6152-59 précité.
13. En outre, l'administration fait valoir, comme en première instance et sans être davantage contestée, que le poste antérieurement occupé par M. B... au sein du CHICAS n'avait pas été pourvu et demeurait vacant à l'issue de la période de disponibilité de celui-ci. Il s'en suit que, contrairement à ce que l'intéressé soutient, sa situation ne relevait pas de l'hypothèse prévue au 3° de l'article R. 6152-59 précité mais de celle de son 2° au terme duquel le praticien est réintégré à la condition que les autorités qui y sont mentionnées émettent un avis favorable. Or, saisis pour avis de la demande de réintégration de M. B..., le directeur du CHICAS, le chef de service, le chef de pôle, et le président de la commission médicale d'établissement ont tous émis des avis défavorables. Par suite et comme l'a jugé encore à juste titre le tribunal, la directrice générale du CNGPH, se trouvant ainsi en situation de compétence liée, ne pouvait que rejeter la demande de réintégration, en sorte qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en plaçant M. B..., qui n'avait pu obtenir sa réintégration, en position de disponibilité d'office.
14. Dans ces conditions, les autres moyens soulevés par le requérant, qui ne sont pas de nature à remettre en cause cette situation de compétence liée, sont inopérants.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Compte tenu de ce qui vient d'être dit au point précédent, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. B... à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNGPH, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... réclame au titre des frais liés à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.
Copie en sera adressée à la Défenseure des droits.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Rigaud, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
- M. Mahmouti, premier conseiller ;
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.
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N° 23MA00768
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