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22/11/2024 | FRANCE | N°23MA00686

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 22 novembre 2024, 23MA00686


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 avril 2021 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur (ARS PACA) l'a suspendu de ses fonctions de praticien hospitalier pour une durée de cinq mois.



La Défenseure des droits a, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, présenté des observ

ations.



Par un jugement n° 2105366 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 avril 2021 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur (ARS PACA) l'a suspendu de ses fonctions de praticien hospitalier pour une durée de cinq mois.

La Défenseure des droits a, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, présenté des observations.

Par un jugement n° 2105366 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars 2023 et le 12 mars 2024, M. C..., représenté par la SCP ALPAVOCAT, agissant par Me Ducrey-Bompard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 janvier 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 27 avril 2021 prise par le directeur général de l'ARS PACA ;

3°) d'écarter des débats le rapport de médiation des 22 et 23 avril 2021 ;

4°) d'enjoindre au directeur général de l'ARS PACA de le rétablir dans ses fonctions statutaires dans un délai de quarante-huit heures et sous astreinte de 500 euros par jour ;

5°) de mettre à la charge de l'ARS PACA la somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont entaché leur décision d'irrégularité en ne rouvrant pas les débats et en ne tenant compte ni des observations présentées par la Défenseure des droits ni de son mémoire, produits après la clôture de l'instruction ;

- le tribunal a, en méconnaissance des règles de confidentialité gouvernant la médiation tant conventionnelle que judiciaire, tenu compte du rapport de médiation des 22 et 23 avril 2021 ;

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

- la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, dès lors qu'elle a été suivie par une saisine trop tardive de la Chambre disciplinaire de première instance ;

- le directeur général de l'ARS a prononcé à son encontre non pas une suspension de son droit d'exercer la médecine mais une suspension de ses fonctions de praticien hospitalier à temps plein, ce que ne prévoient pas les dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique ;

- contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, la décision contestée a été prise pour des faits étrangers à la manière dont il exerçait sa discipline et à toute notion de danger grave encouru par ses patients ;

- son comportement ne justifiait pas la mesure de suspension litigieuse réservée aux situations de crise et de danger imminent ;

- en application des dispositions de l'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, aucune mesure de suspension ne pouvait être prise à son encontre dès lors qu'il avait le statut de lanceur d'alerte ;

- la décision contestée est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le directeur général de l'ARS PACA conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

La Défenseure des droits a, en application des dispositions de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, présenté des observations, enregistrées le 21 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, notamment son article 33 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- les observations de Me Ducrey-Bompard, représentant M. C... et celles de M. B..., dûment mandaté, représentant l'ARS PACA.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... relève appel du jugement du 30 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 avril 2021 par laquelle le directeur général de l'ARS PACA l'a suspendu de ses fonctions de praticien hospitalier au centre hospitalier de Gap pour une durée de cinq mois.

Sur la demande de M. C... d'écarter une pièce des débats :

2. Aux termes de l'article L. 213-1 du code de justice administrative : " La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction. ". Aux termes de l'article L. 213-2 du même code : " Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. / Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l'accord des parties. / Il est fait exception au deuxième alinéa dans les cas suivants : 1° En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique d'une personne ; 2° Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre. ". Aux termes l'article L. 213-5 du même code : " Les parties peuvent, en dehors de toute procédure juridictionnelle, organiser une mission de médiation et désigner la ou les personnes qui en sont chargées. (...) ".

3. M. C... soutient que les constatations faites par les deux docteurs missionnés par le CNGPH afin d'organiser une " médiation " entre lui et les autres membres du service hospitalier sont couvertes par le principe de confidentialité de la médiation, qui serait selon lui garanti tant par les dispositions citées au point précédent que par la jurisprudence de la Cour de cassation mais aussi par la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale. Toutefois, l'invocation des principes applicables devant le juge judiciaire en matière civile et commerciale est inopérante. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'ordre de mission du 19 avril 2021 l'organisant, ainsi que d'un échange de courriels des 20 et 21 du même mois entre M. C... et les prétendus " médiateurs ", que la mission, dès lors qu'elle a été confiée exclusivement par le CNGPH à ces derniers, en vue d'examiner les causes et le cas échéant, de rechercher une issue à la situation conflictuelle durable affectant son service de rattachement, ne constitue pas une procédure de médiation à l'initiative des parties au sens des dispositions de l'article L. 213-5 du même code, tandis qu'elle n'a pas davantage été ordonnée par un tribunal avec leur accord sur le fondement de celles de son article L. 213-7. Par suite, celle-ci, même dénommée " médiation ", ne peut être regardée comme une médiation au sens et pour l'application des articles L. 213-1 et suivants précités. Dès lors, cette pièce n'est pas couverte par le principe de confidentialité et il n'y a, par conséquent, pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... tendant à ce qu'elle soit écartée des débats.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique : " En cas d'urgence, lorsque la poursuite de son exercice par un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme expose ses patients à un danger grave, le directeur général de l'agence régionale de santé dont relève le lieu d'exercice du professionnel prononce la suspension immédiate du droit d'exercer pour une durée maximale de cinq mois. Il entend l'intéressé au plus tard dans un délai de trois jours suivant la décision de suspension. / Le directeur général de l'agence régionale de santé dont relève le lieu d'exercice du professionnel informe immédiatement de sa décision le président du conseil départemental compétent et saisit sans délai le conseil régional ou interrégional lorsque le danger est lié à une infirmité, un état pathologique ou l'insuffisance professionnelle du praticien, ou la chambre disciplinaire de première instance dans les autres cas. Le conseil régional ou interrégional ou la chambre disciplinaire de première instance statue dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. En l'absence de décision dans ce délai, l'affaire est portée devant le Conseil national ou la Chambre disciplinaire nationale, qui statue dans un délai de deux mois. A défaut de décision dans ce délai, la mesure de suspension prend fin automatiquement. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que c'est seulement par une lettre du 3 août 2021, soit plus de trois mois après son édiction, que le directeur général de l'ARS PACA a informé l'instance ordinale compétente de sa décision du 27 avril 2021 de suspendre M. C.... A cet égard, ce même directeur n'établit pas, ainsi qu'il l'avait d'ailleurs fait valoir uniquement en première instance mais plus en appel, y avoir procédé par un courrier daté du 29 avril 2021 en l'absence de tout justificatif d'envoi et de réception de ce courrier. En outre et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette transmission tardive a une influence sur la légalité de la décision contestée et non sur sa seule exécution. Dès lors et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à son annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution de la présente décision, qui annule une décision dont les effets ont duré cinq mois à compter de sa notification le 27 avril 2021, n'implique plus aucune mesure d'exécution, et en particulier pas la réintégration de M. C... que celui-ci sollicite.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ARS PACA la somme demandée par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2105366 du 30 janvier 2023 rendu par le tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La décision du 27 avril 2021 laquelle le directeur général de l'ARS PACA a suspendu M. C... de ses fonctions de praticien hospitalier au centre hospitalier de Gap pour une durée de cinq mois est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Copie en sera adressée à la Défenseure des droits.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Rigaud, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.

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N° 23MA00686

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00686
Date de la décision : 22/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : ALPAVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-22;23ma00686 ?
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