Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Domino a demandé au tribunal administratif de Toulon de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure pénale et de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.
Par un jugement n° 2002325 du 26 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2023, la SCI Domino, représentée par Me Ciussi, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 décembre 2022 ;
2°) de surseoir à statuer, subsidiairement d'ordonner la production du rapport de vérification, et de la décharger des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- une procédure pénale est en cours à l'encontre de M. B..., bénéficiaire final de la SCI Domino, laquelle ne devrait pas être propriétaire de la villa occupée par les époux A... ; les documents comptables de la SCI ont été mis sous scellés ; il y a lieu de surseoir à statuer ;
- c'est à tort que l'administration a procédé à une évaluation d'office sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; M. A..., gérant non-associé, n'est pas détenteur de la comptabilité et s'est trouvé dans l'impossibilité de la communiquer ; il n'y a pas opposition au contrôle ;
- en s'abstenant d'exercer son droit de communication auprès du comptable, l'administration fiscale a manqué de diligence ; le rapport de vérification devra être produit ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, dès lors notamment qu'aucun terme de comparaison n'est utilisé ;
- la SCI ne s'est pas appauvrie en mettant la villa dont elle est propriétaire à disposition des époux A... dès lors que les fonds ayant permis l'acquisition de cette villa appartiennent en réalité à Mme A... ;
- dès lors que les fonds en cause n'appartenaient pas à la SCI, le taux de rendement à appliquer pour déterminer la valeur locative du bien est nul ;
- en l'absence de disposition de la comptabilité, l'annulation des déficits reportables des années précédentes n'est pas justifiée ;
- il ne saurait être considéré que la mise à disposition du bien aux époux A... constitue une distribution de revenus au sens du c de l'article 111 du code général des impôts dès lors que ces derniers ne sont pas associés ;
- l'application de la majoration de 100 % liée à la mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office n'est pas justifiée.
Par mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable faute de contenir des moyens d'appel ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Domino, qui a pour activité l'acquisition, la vente, l'administration, l'exploitation et la gestion par bail de tous immeubles, et dont M. A... est gérant non-associé, met à disposition des époux A... une villa d'habitation située à Saint-Paul-en-Forêt. L'administration fiscale, au terme d'une procédure d'évaluation d'office, l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2013 et 2014, à raison, d'une part, des loyers non perçus en contrepartie de la mise à disposition de la villa et, d'autre part, de la remise en cause de reports de déficits d'années antérieures. La société relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon ayant rejeté ses conclusions tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, de ces cotisations.
Sur les conclusions à fin de sursis :
2. Si la SCI Domino soutient qu'une procédure pénale serait en cours à l'encontre de M. B..., frère de Mme A..., qui aurait appréhendé des fonds appartenant à cette dernière afin d'acquérir notamment la villa de Saint-Paul-en-Forêt par l'intermédiaire de la SCI dont il serait le bénéficiaire final, elle ne fournit aucun élément précis quant à cette procédure. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que ces allégations, à les supposer fondées, seraient susceptibles d'avoir une incidence sur l'imposition de la SCI Domino, dont la qualité de propriétaire de la villa en cause n'apparaît pas susceptible d'être remise en cause par une telle procédure, engagée à l'encontre d'une personne physique tierce. Il n'y a, dès lors, pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de cette procédure.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables (...) sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ". Aux termes du I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. / (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en œuvre du contrôle dans les conditions prévues aux I et II de l'article L. 47 A. / (...) ".
5. En l'espèce, un avis de vérification de comptabilité a été reçu par la SCI Domino le 6 mai 2016. Alors que la vérificatrice sollicitait la mise à disposition de la comptabilité sous forme dématérialisée au cours de sa première intervention sur place le 31 mai 2016, aucun élément ne lui a été remis à cette occasion au motif allégué que les documents que la société détenait avaient été mis sous scellés à la suite d'une perquisition diligentée dans le cadre de la procédure pénale mentionnée ci-dessus. L'administration relève, sans être contredite, qu'elle a exercé, au cours de la procédure de vérification, son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, par demandes des 23 novembre 2015 et 10 octobre 2016 et que les documents qu'elle a ainsi pu obtenir concernaient seulement l'exercice antérieur à celui en litige, à savoir celui clos le 31 décembre 2012. A la date de l'établissement de la proposition de rectification, le 20 décembre 2016, la comptabilité n'avait pas davantage été présentée sous forme papier, ni même aucune pièce justificative, sans que le contribuable n'oriente le vérificateur vers un tiers détenteur desdits documents. Dès lors, et dans la mesure où ces éléments étaient indispensables au contrôle, c'est à bon droit que la vérificatrice a mis en œuvre la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal, prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Il ne saurait à cet égard être sérieusement soutenu que la vérificatrice n'a pas accompli les diligences qui lui incombaient en n'exerçant pas son droit de communication auprès de la comptable de la société alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SCI Domino aurait, avant son second courrier d'observations du 27 avril 2017, évoqué le fait que ses pièces comptables seraient détenues par cette personne et que celle-ci refuserait de les transmettre à M. A..., ce qui n'est au demeurant étayé d'aucun élément justificatif. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production du " rapport de vérification ".
6. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit au point 6 du jugement attaqué.
7. En troisième lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
8. En l'espèce, la requérante, qui supporte la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, ne saurait sérieusement contester qu'en mettant gratuitement sa villa à disposition des époux A... qui en ont fait leur résidence principale, elle s'est appauvrie à des fins étrangères à son intérêt propre et a commis un acte anormal de gestion. La circonstance que l'acquisition de cette villa n'aurait été rendue possible qu'au prix d'un détournement de fonds appartenant à Mme A..., à la supposer exacte, est à cet égard sans incidence. Elle n'est pas davantage de nature à justifier que cet investissement soit considéré comme générant normalement un rendement à taux nul, comme elle le soutient sans contester utilement le taux de rendement de 4 % et la valeur vénale du bien pris en compte par l'administration pour déterminer le montant de la libéralité octroyée aux époux A....
9. En quatrième lieu, aux termes du 3ème alinéa de l'article 209 du code général des impôts : " (...), en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice (...). Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté (...) ".
10. En l'espèce, si la SCI Domino a déclaré, à la clôture de l'exercice 2013, un report déficitaire au titre des exercices antérieurs de 569 068 euros et au titre de l'exercice 2013 lui-même de 15 074 euros, il est constant, au vu des éléments exposés ci-dessus au point 5, qu'elle n'a apporté aucune justification quant à la nature et la réalité de ces déficits dont l'administration a, dès lors, à bon droit remis en cause la déductibilité.
11. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que les époux A... ne pourraient pas être regardés comme bénéficiaires de revenus distribués faute d'être associés de la SCI Domino est sans incidence sur les impositions en litige, mises à la seule charge de cette dernière.
12. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 1 732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat ; / (...) ".
13. Il résulte de ce qui a été exposé au point 5 que la SCI Domino s'est opposée au contrôle fiscal dont elle était l'objet. C'est dès lors à bon droit que l'administration a fait application des dispositions de l'article 1732 du code général des impôts en majorant de 100 % le montant des droits rappelés.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SCI Domino n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon n'a pas sursis à statuer et a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Domino est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Domino, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Marchessaux, première conseillère,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2024.
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N° 23MA00438
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