Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement no 2000977 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Le Sergent, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 novembre 2022 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations en litige ;
3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle a été engagé avant l'envoi d'un avis de vérification pour l'année 2014 ;
- les gains de jeu réalisés en tant que banquier au Punto Banco relèvent du pur hasard et n'entrent donc pas dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
- cette activité n'était pas illicite et il n'en était pas l'organisateur ;
- cette activité n'a pas été réalisée à titre habituel ;
- les gains réalisés relevaient de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
- l'administration n'apporte pas la preuve des revenus taxés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
- elle n'a pas pris en compte ses charges ;
- il n'exerce aucune activité professionnelle en France et n'y dispose d'aucun établissement stable ;
- il peut se prévaloir de l'article 7 de la convention fiscale bilatérale entre la France et l'Equateur ;
- la majoration prononcée sur le fondement de l'article 1728 du code général des impôts est injustifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention signée le 16 mars 1989 entre la République française et la République équatorienne en vue d'éviter la double imposition et l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu (ensemble un protocole) ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos, notamment ses articles 55-14 et 55-15 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a fait l'objet de deux examens de sa situation fiscale personnelle, portant sur les années 2012 et 2013, d'une part, et sur l'année 2014, d'autre part. Consécutivement à ces contrôles, l'administration a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu pour les années 2013 et 2014. M. B... fait appel du jugement du 18 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des majorations correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Le premier alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. " Le premier alinéa de l'article L. 81 du même livre prévoit que : " le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées ". Enfin, le premier alinéa de l'article L. 101 ajoute que : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu. "
3. M. B... fait valoir que l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle pour l'année 2014 est irrégulier, dès lors que l'administration fiscale a exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire le 6 février 2015, avant qu'il ne soit destinataire de l'avis de vérification relatif à cette année le 12 janvier 2016. Toutefois, la circonstance qu'un examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable ait été diligenté n'empêche pas l'administration d'exercer son droit de communication auprès de tiers, avant, pendant, ou après cet examen. Au cas présent, elle a exercé ce droit auprès de l'autorité judiciaire selon une procédure distincte de l'examen contradictoire de sa situation personnelle, et l'exercice de ce droit n'avait pas à être précédé d'un avis de vérification. La procédure d'imposition n'est donc pas irrégulière de ce fait.
Sur les bénéfices non commerciaux :
4. Le premier paragraphe de l'article 92 du code général des impôts dispose que : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. "
5. Il résulte de l'instruction que M. B... a acheté une table de jeu de Punto Banco en juin 2014 au sein de C..., pour la somme de 50 000 euros. Il a ensuite réinvesti une partie de ses gains pour acheter d'autres tables de jeu au sein du même cercle. L'encours de son activité s'élevait à 730 000 euros le 16 septembre 2014, date à laquelle une perquisition du cercle de jeu y a mis fin. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B... se soit borné à acheter la fonction de " banquier " prévue les règles du jeu Punto Banco, dès lors que selon ces règles, telles qu'énoncées aux articles 55-14 et 55-15 de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos, la fonction de " banquier " tourne entre les joueurs de Punto Banco sans donner lieu à des mises, des enchères ou des achats. Il résulte de l'instruction que M. B... a en réalité acheté les droits sur les caisses des tables de jeu, dont il pouvait librement retirer des espèces. Il est constant que la caisse d'une table de Punto Banco est structurellement bénéficiaire. M. B... ne justifie pas en quoi les revenus retirés de cette activité se rattacheraient, compte tenu du rôle exercé, à une profession commerciale, industrielle ou artisanale au sens de l'article 34 du code général des impôts. Ainsi, les gains réalisés, qui ne se rattachent pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus, sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. La question de savoir si cette activité revêtait ou non un caractère habituel, professionnel, illégal, ou occulte, est sans incidence sur la détermination de la catégorie d'imposition.
6. En outre, M. B... a déclaré au cours du débat oral et contradictoire qu'il était libre de disposer à tout moment des fonds en question, qu'il avait effectué des prélèvements en espèces sur les caisses de ces tables, et qu'il avait, ainsi qu'il a été dit, réglé des dépenses au sein du cercle en réinvestissant ses gains. Par suite, il n'établit pas que les sommes en question étaient indisponibles.
Sur les bénéfices industriels et commerciaux :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". En outre, aux termes du premier alinéa de l'article 7 de la convention conclue le 16 mars 1989 entre la France et l'Equateur : " Les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État contractant, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. (...) ". Le d. de l'article 3 précise à cet égard que : " Les expressions "entreprise d'un État contractant" et "entreprise de l'autre État contractant" désignent respectivement une entreprise exploitée par une personne domiciliée dans un État contractant et une entreprise exploitée par une personne résidente de l'autre État contractant, ou inversement ".
8. L'administration a réintégré au revenu imposable de M. B..., dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, les sommes de 55 833 euros pour l'année 2013 et de 59 714 euros pour l'année 2014 au titre d'une activité de vente, d'entretien et de location de machines à sous et jeux électroniques en Equateur et au Paraguay.
9. Il est constant que M. B... avait son domicile fiscal en France. Il était dès lors passible de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de ses revenus mondiaux, en application de l'article 4 A du code général des impôts. Il résulte en outre de l'article 7 de la convention franco-équatorienne que les bénéfices de son entreprise, française, réalisés en Équateur, étaient imposables en France, dès lors que M. B... n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence d'un établissement stable en République équatorienne.
10. En deuxième lieu, en se fondant sur les déclarations circonstanciées de M. B... lui-même sur les revenus tirés de son activité de vente, d'entretien et de location de machines à sous et jeux électroniques en Equateur et au Paraguay, effectuées dans le cadre de sa garde à vue, confirmées et précisées dans le cadre du débat oral et contradictoire avec le vérificateur, l'administration fiscale a apporté la preuve de l'existence de ces revenus.
11. En dernier lieu, M. B... n'apporte aucune précision ni justification sur les charges, d'un montant non indiqué, qu'il soutient avoir exposées et qui viendraient en déduction des bénéfices imposés.
Sur les majorations :
12. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi dont elles sont issues, que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.
13. L'activité résultant de l'achat de tables au sein d'un cercle de jeux, qui générait des revenus importants, excédait la gestion du patrimoine privé de M. B..., et constituait dès lors une entreprise, quand bien même il lui aurait consacré un temps limité. Il est constant que M. B... ne l'a pas fait connaître à un centre de formalité des entreprises, et n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire. Il ne soutient pas avoir commis une erreur. Par suite, l'administration était fondée à appliquer aux bénéfices non commerciaux la majoration de 80 % pour activité occulte, prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
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No 23MA00241