Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2400664 du 22 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2024 sous le n° 24MA02342, M. A..., représenté par Me Gilbert, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2400664 du 22 avril 2024 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté pris par le préfet des Bouches-du-Rhône le 22 décembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation, de l'admettre au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement et l'arrêté attaqués sont insuffisamment motivés et entachés d'un défaut d'examen sérieux de sa situation médicale, entraînant une méconnaissance des stipulations de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, tandis que le traitement requis est indisponible en Algérie ;
- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie d'une résidence stable et continue en France depuis le 26 août 2022, pays où il a retrouvé ses parents adoptifs, tous deux titulaires d'un titre de séjour ainsi que son frère, ressortissant français, qu'il n'a plus aucun contact avec le reste de sa famille en Algérie, et qu'il justifie d'une insertion socioprofessionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
II - Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2024 sous le n° 24MA02343, M. A..., représenté par Me Gilbert, demande à la Cour, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 2400664 du 22 avril 2024 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la mesure d'éloignement en litige risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens énoncés dans sa requête présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- M. A... ne justifie pas être exposé à des conséquences difficilement réparables en cas de prise en charge de son état de santé en Algérie ;
- les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 26 juillet 2024.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et son protocole annexe ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Martin.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 16 mars 2001, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par arrêté du 22 décembre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Dans l'instance n° 24MA02342, M. A... relève appel du jugement du 22 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté, et dans l'instance n° 24MA02343, il demande que soit prononcé un sursis à exécution de ce jugement en application de l'article R. 811-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le tribunal administratif de Marseille, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués par les parties, a motivé de manière suffisante, au point 7 du jugement attaqué, sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 alinéa 1-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, ce jugement n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, à les supposer soulevés, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant entachant l'arrêté attaqué doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 3 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".
5. Il résulte des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser l'admission au séjour sur le fondement de ces stipulations, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. Pour rejeter la demande de titre de séjour que sollicitait M. A... pour raisons médicales, le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 18 octobre 2023, que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., victime d'un accident de la route en septembre 2021 ayant nécessité une intervention au niveau du fémur droit réalisée dans un hôpital algérien, est entré en France, selon ses déclarations, le 26 août 2022. Sa situation médicale a alors été réévaluée en raison d'intenses douleurs qui ont nécessité la réalisation, le 25 octobre 2022, d'une cure de pseudarthrose du fémur droit avec dépose du matériel d'ostéosynthèse et nouvelle ostéosynthèse avec pose d'un clou de fémur. Le traitement postopératoire administré pendant trois mois à M. A..., comprenant notamment les médicaments Clindamycine 600 mg et Rifampicine 300 mg, a permis une évolution favorable ainsi que cela ressort des différents certificats médicaux produits dans l'instance, notamment ceux du 21 décembre 2022 et du 1er mars 2023, ce dernier révélant notamment une évolution très satisfaisante, sans douleur ni nécessité d'aide mécanique, et sur le plan infectieux une préconisation de suspension de l'antibiothérapie, mais également celui du 20 novembre 2023, faisant état d'une parfaite consolidation. S'il est certes exact que M. A... bénéficiait toujours, à la date de la décision attaquée, d'un suivi envisageant, plus particulièrement, une ablation du matériel d'ostéosynthèse posé lors de l'intervention du 25 octobre 2022, et que cette intervention n'a toujours pas été réalisée, cette seule circonstance ne saurait suffire à contredire l'avis du collège des médecins de l'OFII du 18 octobre 2023, selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle intervention ne pourrait être pratiquée dans des conditions satisfaisantes en Algérie. Et il ne ressort pas davantage de ces pièces qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A... aurait suivi un traitement non disponible en Algérie, le certificat médical du 8 mai 2024 rédigé par un médecin de l'établissement hospitalier spécialisé mère et enfant B... se bornant à évoquer l'absence de commercialisation en Algérie des médicaments Rifadine 300 mg, Clindamycine 30 mg et Targood 600 mg, lesquels n'étaient pas ou plus administrés à l'appelant à la date à laquelle cet arrêté lui a été notifié. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France au cours du mois d'août 2022, à l'âge de vingt-et-un ans, soit seulement seize mois avant l'intervention de l'arrêté attaqué. Célibataire et sans enfant, il avait, jusqu'à cette date, toujours vécu dans son pays d'origine, où résident des membres de sa famille, dont ses parents. La circonstance qu'il réside en France chez son oncle et sa tante, auxquels il a été confié par acte de kafala du 24 janvier 2004, ne saurait suffire à établir qu'il a transféré en France l'essentiel de ses intérêts privés et familiaux, ce d'autant plus que cet acte a cessé de produire ses effets à sa majorité. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance que M. A... justifie qu'il exerçait une activité professionnelle à la date de la décision attaquée, c'est sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Bouches-du-Rhône a pris l'arrêté en litige.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par conséquent, être rejetées.
11. Le présent arrêt se prononçant sur l'appel formé par M. A... contre le jugement du 22 avril 2024, ses conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24MA02343.
Article 2 : Les conclusions de la requête n° 24MA02342 de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Gilbert et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 novembre 2024.
N° 24MA02342, 24MA02343 2