Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 5 novembre 2020 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2100842 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 avril 2024, M. A..., représenté par Me Bakary, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 5 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de l'admettre provisoirement au séjour et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à percevoir le bénéfice de la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, dès lors qu'il omet de viser une partie de la procédure ;
- il est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne permet pas de connaître les motifs sur lesquels se sont fondés les premiers juges pour rejeter la demande ;
- le jugement est entaché d'erreur de fait, de droit et d'erreur d'appréciation ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- l'autorité administrative n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande ;
- la décision attaquée est entachée d'erreurs de fait ;
- sa demande de titre n'a pas fait l'objet d'un examen circonstancié, dès lors notamment, qu'il a produit des éléments nouveaux qui n'ont pas été pris en considération ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 29 décembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dyèvre, rapporteure.
Les parties n'étaient ni présentes, ni représentées.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 5 mai 2000, de nationalité marocaine, déclare être entré sur le territoire national en juillet 2016 et s'y être maintenu depuis. Par une décision du 5 novembre 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour. M. A... relève appel du jugement du 22 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. /Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une partie produit des observations sur un moyen relevé d'office, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant l'audience publique et de les viser dans sa décision.
3. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Nice que par un courrier du 15 mai 2023, le tribunal a informé les parties qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative il était susceptible de fonder son jugement sur un moyen relevé d'office tiré de la tardiveté de la requête. M. A... a répondu, par des observations enregistrées au greffe du tribunal le 21 mai 2023, à ce moyen. Le jugement attaqué ne fait cependant mention ni de la communication du moyen susceptible d'être relevé d'office, ni des observations présentées en réponse. Il est dès lors, entaché d'irrégularité, nonobstant la circonstance que le tribunal ne s'est pas fondé, pour statuer sur les conclusions dont il était saisi, sur ce moyen.
4. Il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de régularité, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice.
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées en première instance par le préfet des Alpes-Maritimes :
5. Si le préfet des Alpes-Maritimes a remis à M. A... une autorisation provisoire de séjour le 7 octobre 2020, d'une part, cette autorisation ne constitue pas le titre de séjour demandé et, d'autre part, la décision attaquée a reçu une exécution pendant la période où elle était en vigueur. Par suite, les conclusions tendant à son annulation ne sont pas devenues sans objet. L'exception de non-lieu soulevée par le préfet des Alpes-Maritimes ne peut dès lors qu'être écartée.
Sur la légalité de la décision du 5 novembre 2020 :
6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
7. Il ressort de la décision attaquée que cette dernière vise les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision attaquée précise la situation familiale de M. A..., l'existence d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'absence de justification de l'ancienneté de son séjour en France ainsi que l'absence d'éléments nouveaux de nature à remettre en cause la décision de refus de séjour du 25 mai 2019 validée par un jugement du tribunal administratif de Nice et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille. La décision attaquée précise en outre qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme non fondé. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, doit être également écarté le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé.
8. Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...) ". Selon le I de l'article R. 313-7 de ce code : " Pour l'application du I de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention " étudiant " (...) doit présenter, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : (...) / 2° Un certificat d'immatriculation, d'inscription ou de préinscription dans un établissement public ou privé d'enseignement ou de formation initiale, ou une attestation d'inscription ou de préinscription dans un organisme de formation professionnelle au sens du titre II du livre IX du code du travail, ou bien une attestation justifiant qu'il est bénéficiaire d'un programme de coopération de l'Union européenne dans les domaines de l'éducation, de la formation et de la jeunesse (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en juillet 2016, sous couvert d'un visa de court séjour et s'est inscrit auprès du lycée professionnel " Les Eucalyptus " à Nice à compter de septembre 2016. Il a obtenu en juin 2019 son certificat d'aptitude professionnel (CAP) " réparation des carrosseries " et s'est inscrit, l'année scolaire suivante, en classe de terminale Bac pro réparation des carrosseries. Si M. A... a ainsi suivi sans interruption une scolarité en France depuis septembre 2016, il ne justifie pas y poursuivre des études supérieures en se prévalant de sa réussite au CAP en juin 2019 et son inscription l'année suivante en vue de l'obtention d'un baccalauréat professionnel. Il ne justifie pas davantage de la nécessité de rester en France pour le déroulement de ses études. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit, en tout état de cause, être écarté.
10. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Dans ces conditions, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.
11. Il ressort des pièces du dossier qu'au soutien de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, M. A... se prévaut de sa scolarité au sein du lycée Professionnel " Les Eucalyptus " dans lequel il est scolarisé depuis septembre 2016 et souhaite poursuivre sa scolarité en vue de l'obtention du baccalauréat et de sa prise en charge financière et matérielle par sa sœur qui l'héberge depuis son entrée en France en juillet 2016. Toutefois, ces circonstances ne constituent pas des considérations humanitaires ni un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a commis ni erreur de fait ni erreur manifeste d'appréciation en n'admettant pas exceptionnellement M. A... au séjour.
12. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
13. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 27 juillet 2016 sous couvert d'un visa de type C valable du 1er juillet au 25 décembre 2016. Il est, depuis cette date, hébergé chez sa sœur qui produit plusieurs attestations pour sa prise en charge notamment financière et est inscrit en classe de terminale du baccalauréat professionnel " réparation des carrosseries " après avoir obtenu le CAP " réparation des carrosseries ". Toutefois, M. A... n'est pas dénué d'attaches dans son pays d'origine où résident notamment ses parents. Par suite, compte tenu de sa présence récente en France à la date de la décision attaquée et de sa situation tant personnelle que familiale, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 5 novembre 2020 aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 5 novembre 2020 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour. Par suite, les conclusions présentées à fin d'annulation de cette décision doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100842 du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Bakary.
Copie en sera faite au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, où siégeaient :
M. Portail, président de chambre,
Mme Courbon, présidente assesseure,
Mme Dyèvre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
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N° 24MA00828