Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet du Var a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 6 avril 2022 par laquelle le maire de la commune de Saint-Raphaël a délivré à la SARL Urbanisme et paysages, représentée par Mme B... A..., un certificat d'urbanisme opérationnel en vue de la construction d'un hôtel, sur un terrain situé 40 square du Poussaï à Saint-Raphaël, ensemble la décision du 19 août 2022 rejetant son recours gracieux en date du 16 juin 2022.
Par un jugement n° 2202678 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2024, la commune de Saint-Raphaël, représentée par Me Baudino, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de rejeter le déféré présenté par le préfet du Var devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, le tribunal ne s'étant pas prononcé sur la question de savoir si le projet constitue une extension de l'urbanisation, si cette extension est ou non limitée, ni sur les caractéristiques du quartier d'implantation du projet ;
- le projet ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, dès lors que le terrain d'assiette supporte déjà une construction d'une emprise au sol de 895 m² ; les conditions posées par cet article ne sont donc pas applicables ;
- à supposer que le projet constitue une extension de l'urbanisation, cette extension est limitée et respecte les conditions posées par l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ; le projet, qui ne se situe pas dans une coupure agro-naturelle ou paysagère, est conforme aux dispositions du schéma de cohérence territorial ; il est également conforme au plan local d'urbanisme de la commune, qui classe le secteur en zone urbanisée UD ;
- la loi littoral doit être interprétée à l'aune du principe d'équilibre prévu à l'article L. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2024, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,
- et les conclusions de M. Quenette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 6 avril 2022, le maire de la commune de Saint-Raphaël a délivré à la SARL Urbanisme et Paysages, représentée par Mme A..., un certificat d'urbanisme opérationnel positif sur les parcelles cadastrées BC n° 111, 112 et 461, situées quartier du Dramont à Saint-Raphaël, en zone UDd du plan local d'urbanisme (PLU), en vue d'y construire un hôtel d'une emprise au sol de 1 000 m². Le préfet du Var a, par courrier du 16 juin 2022, exercé, dans le cadre du contrôle de légalité, un recours gracieux tendant au retrait de cette décision, rejeté par le maire de Saint-Raphaël le 19 août 2022. La commune de Saint-Raphaël relève appel du jugement du 22 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a, à la demande du préfet du Var, annulé les décisions des 6 avril et 19 août 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Le jugement attaqué énonce, de manière suffisamment circonstanciée, aux points 4 et 5, les motifs que les premiers juges ont retenu pour considérer que le certificat d'urbanisme opérationnel délivré par le maire de Saint-Raphaël à la SARL Urbanisme et paysages méconnaissait l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'une opération conduisant à étendre l'urbanisation d'un espace proche du rivage ne peut être légalement autorisée que si elle est, d'une part, de caractère limité et, d'autre part, justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme selon les critères qu'elles énumèrent. Cependant, lorsqu'un schéma de cohérence territoriale comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l'extension de l'urbanisation dans l'espace proche du rivage dans lequel l'opération est envisagée, le caractère limité de l'urbanisation qui résulte de cette opération s'apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné. Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, d'une superficie de 11 538 m², est composé des parcelles cadastrées BC n° 111, 112 et 461, situées quartier du Dramont à Saint-Raphaël, dans un espace proche du rivage. Aux termes du dossier de demande de certificat d'urbanisme, l'opération consiste à implanter, au nord de la parcelle BC n° 111, un hôtel d'une emprise au sol d'environ 1 000 m² en R+1 et à démolir la construction existante et son annexe sur la parcelle BC 112, plus proche du rivage. Si la commune de Saint-Raphaël fait valoir que la construction a vocation à remplacer des constructions existantes d'une emprise au sol de 895 m², en se prévalant du permis de construire et de démolir accordé le 28 avril 2017 à une SCI, le préfet indique au contraire, en s'appuyant sur une vue aérienne du site Geoportail, que la parcelle BC 111 est vierge de toute construction, ce qui est corroboré par le dossier de demande de certificat d'urbanisme qui ne fait état d'aucune construction à démolir sur cette parcelle. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé dans une zone d'habitat résidentiel très diffus. Il est bordé, à l'ouest, par un camping et au nord par une zone d'habitat léger de loisir comprenant une seule construction, les pavillons les plus proches, au demeurant peu nombreux, étant situés à l'est du boulevard du Sémaphore et plus au nord. Dans ces conditions, la construction d'un hôtel d'une emprise au sol de 1 000 m² doit être regardée comme une extension de l'urbanisation.
7. En deuxième lieu, le document d'orientations et d'objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (SCoT) de la communauté d'agglomération Var Estérel Méditerranée (CAVEM), dans son point 11 relatif aux modalités d'application de la loi littoral, inclut le terrain d'assiette du projet dans une coupure d'urbanisation telle que prévue à l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme, qui n'a " pas vocation à accueillir de l'urbanisation nouvelle autre que celle nécessaire aux ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement des services publics ou répondant à un intérêt collectif, et les aménagements légers et réversibles dédiés aux activités de sports et loisirs ". Si le SCoT prévoit également, comme le fait valoir la commune de Saint-Raphaël, le renforcement de la capacité d'accueil et des équipements touristiques des centralités que constituent les quartiers du Dramont et Agay, le terrain d'assiette du projet ne se situe pas dans la centralité identifiée du Dramont, implantée plus au nord-est sur la carte des entités géographiques du DOO. Enfin, il ressort de la carte des extensions d'urbanisation du DOO que ni le terrain d'assiette du projet, ni même le compartiment dans lequel il s'implante, ne figurent dans la zone d'extension du quartier du Dramont. Ainsi, le projet en litige qui se situe, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans un secteur d'urbanisation très diffuse, ne peut, à l'aune des dispositions du SCoT applicables à ce secteur proche du rivage, être regardé comme conforme à ces dispositions.
8. En troisième lieu, le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Saint-Raphaël, prévoit, au titre de l'objectif 3 de l'orientation n° 2, la protection des ambiances végétales du quartier du Dramont d'une densification inadaptée et, au titre de l'objectif 4, le maintien, en concordance avec le SCoT, de la coupure d'urbanisation du vallon de Boulouris au Dramont et la protection des espaces proches du rivage. Le terrain d'assiette en litige est néanmoins classé en zone UD, correspondant aux quartiers d'habitat de type résidentiel, dans le secteur UDd, constitué par la " bande de terre entre la route départementale 559 et le port du Poussaï ". En se bornant à classer le secteur dans lequel se situe le terrain d'assiette du projet en zone UDd, au regard de l'urbanisation résidentielle existante, le PLU de Saint-Raphaël ne peut être regardé comme motivant et justifiant, selon les critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau prévus à l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, l'extension de l'urbanisation de ce secteur.
9. Il s'ensuit que contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Raphaël, le certificat d'urbanisme opérationnel délivré à la SARL Urbanisme et paysages méconnaît L. 121-13 du code de l'urbanisme.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Raphaël n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulon a annulé les décisions des 6 avril et 19 août 2022.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Saint-Raphaël sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Raphaël est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Raphaël et à la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2024.
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N° 24MA00441
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