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08/11/2024 | FRANCE | N°24MA00434

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 08 novembre 2024, 24MA00434


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Nice a demandé au tribunal administratif de Nice d'homologuer le protocole d'accord qu'elle a conclu le 18 janvier 2021 avec la société Urban Renaissance Développement, à l'issue d'un processus de médiation, et ayant pour objet la prise en charge financière de travaux d'amélioration du confort thermique de la halle de la gare du Sud.



Par un jugement n° 2100636 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
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Par une requête, enregistrée le 22 février 2024, et un m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Nice a demandé au tribunal administratif de Nice d'homologuer le protocole d'accord qu'elle a conclu le 18 janvier 2021 avec la société Urban Renaissance Développement, à l'issue d'un processus de médiation, et ayant pour objet la prise en charge financière de travaux d'amélioration du confort thermique de la halle de la gare du Sud.

Par un jugement n° 2100636 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2024, et un mémoire, enregistré le 15 octobre 2024, la commune de Nice, représentée par Me Symchowicz demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Nice ;

2°) de procéder à l'homologation du protocole d'accord du 18 janvier 2021.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que la minute n'est pas signée ;

- le tribunal a, à tort, rejeté sa demande d'homologation pour irrecevabilité dès lors que le protocole d'accord transactionnel est intervenu à l'issu d'une médiation à l'initiative des parties ;

- le protocole d'accord transactionnel est issu d'une médiation sollicitée conjointement par les parties, il ne contrevient à aucune règle d'ordre public, il constitue une juste adoption du bail emphytéotique administratif liant les parties, et son objet est licite.

Par un mémoire, enregistré le 2 mai 2024, la société Urban Renaissance Développement (URD), représentée par Me Chérel et Me Leroy, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Nice et de procéder à l'homologation du protocole d'accord du 18 janvier 2021.

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement et de procéder à l'homologation du protocole d'accord du 18 janvier 2021.

Elle soutient que :

- la requête tendant à l'homologation du protocole d'accord transactionnel était recevable ;

- le protocole d'accord transactionnel est le résultat d'une médiation à l'initiative des parties ;

- les parties ont effectivement consenti au protocole d'accord transactionnel, il ne contrevient pas à l'ordre public et ne constitue pas une libéralité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement de la Commission européenne n° 1407/2013 du 18 décembre 2013 ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chenal-Peter,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Scanvic, représentant la commune de Nice et de Me Leroy, représentant la société Urban Renaissance Développement.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 juin 2018, un bail emphytéotique administratif a été conclu entre la commune de Nice et la société Banimmo France, devenue société Urban Renaissance Développement, en vue d'aménager et d'exploiter, de façon privative, la halle d'une ancienne gare ferroviaire dénommée " Halle de la gare du sud ", d'une surface de 1535 m². A la suite du constat de l'existence d'un dysfonctionnement de la halle du fait d'un niveau de confort thermique inadéquat, nécessitant des travaux d'amélioration, un différend est né entre les parties quant à la prise en charge de ces travaux. La commune de Nice et la société Urban Renaissance Développement ont alors initié une médiation afin de régler la question de la prise en charge, par le bailleur ou le preneur, des travaux complémentaires nécessaires pour améliorer le confort thermique de la halle. A l'issue du processus de médiation, les parties ont conclu un protocole d'accord, le 18 janvier 2021, qualifié de " transactionnel " dans son article 3. Conformément aux stipulations de l'article 5 de ce protocole d'accord, la commune de Nice a demandé son homologation au tribunal administratif de Nice. Par un jugement du 9 janvier 2024, le tribunal a rejeté la demande de la commune de Nice. La commune de Nice et la société Urban Renaissance Développement relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 213-1 du code de justice administrative : " La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction. ". Aux termes de l'article L. 213-4 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut, dans tous les cas où un processus de médiation a été engagé en application du présent chapitre, homologuer et donner force exécutoire à l'accord issu de la médiation. ". Et aux termes de l'article L. 213-5 de ce code : " Les parties peuvent, en dehors de toute procédure juridictionnelle, organiser une mission de médiation et désigner la ou les personnes qui en sont chargées. / (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 2044 du code civil : " La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. / Ce contrat doit être rédigé par écrit ". Et aux termes de l'article 2052 de ce code, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle : " La transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet. ". Aux termes de l'article L. 423-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Ainsi que le prévoit l'article 2044 du code civil et sous réserve qu'elle porte sur un objet licite et contienne des concessions réciproques et équilibrées, il peut être recouru à une transaction pour terminer une contestation née ou prévenir une contestation à naître avec l'administration. La transaction est formalisée par un contrat écrit ". Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles de l'article 6 du code civil, que l'administration, peut, afin de prévenir ou d'éteindre un litige, légalement conclure avec un particulier un protocole transactionnel, sous réserve de la licéité de l'objet de ce dernier, de l'existence de concessions réciproques et équilibrées entre les parties et du respect de l'ordre public. Par ailleurs, le juge administratif est compétent pour homologuer une transaction qui a pour objet le règlement ou la prévention de litiges pour le jugement desquels la juridiction administrative serait compétente.

4. Lorsque le juge est saisi d'une demande d'homologation d'un accord de médiation, conclu à l'issue d'un processus de médiation à l'initiative des parties ou du juge, il lui appartient d'appliquer les dispositions du code de justice administrative propres à ce type d'accord en s'assurant de l'accord de volonté des parties, de ce que celles-ci n'ont pas porté atteinte à des droits dont elles n'auraient pas eu la libre disposition et de ce que l'accord ne contrevient pas à l'ordre public ni n'accorde de libéralité. Les dispositions de l'article L. 213-1 du code de justice administrative n'imposent pas aux parties de conclure une médiation par une transaction au sens de l'article 2044 du code civil. Toutefois, lorsqu'il est saisi d'une demande d'homologation d'une transaction concrétisant un accord de médiation, le juge doit encore examiner si celle-ci répond aux exigences fixées par le code civil et par le code des relations entre le public et l'administration. En revanche, dans un tel cas, il ne saurait limiter la possibilité d'introduire une telle demande d'homologation aux seules transactions visant à mettre fin à une contestation précédemment portée devant le juge ou à remédier à une situation telle que celle créée par une annulation ou par la constatation d'une illégalité, lorsque cette situation ne peut donner lieu à régularisation, ou lorsque l'exécution de cette transaction se heurte à des difficultés particulières.

5. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'à compter de la mise en service de la halle de la gare du sud, de nombreux problèmes liés au confort thermique de cet ouvrage ont été constatés, susceptibles d'affecter durablement l'utilisation même de cet ouvrage. Des travaux complémentaires d'amélioration de confort thermique ont donc été envisagés, dont la prise en charge a conduit à la naissance d'un différend entre la commune de Nice et la société URD. Une médiation a été organisée sur ce point, à l'initiative des parties, conformément aux dispositions de l'article L. 213-5 du code de justice administrative, laquelle a abouti à un accord de médiation, dénommé " protocole d'accord ", le 18 janvier 2021. Il résulte de ses stipulations, en particulier de son point 3, que les parties ont entendu donner un caractère transactionnel à l'accord auquel elles sont parvenues. Dans ces conditions, l'homologation de cet accord de médiation doit être examinée selon les conditions applicables en matière de transaction, rappelées aux points 3 et 4 du présent arrêt.

6. Par suite, la commune de Nice et la société Urban Renaissance Développement sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'appartenait pas au juge administratif de statuer sur la demande d'homologation d'un tel accord au motif que la transaction en cause n'avait pour but ni de mettre fin à une contestation précédemment portée devant lui ni à remédier à une situation telle que celle créée par une annulation ou la constatation d'une illégalité qui ne peuvent donner lieu à régularisation et enfin que son exécution ne se heurtait pas à des difficultés particulières. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de régularité invoqué, il y a lieu d'annuler le jugement du 9 janvier 2024, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Nice devant le tribunal administratif de Nice et la Cour.

Sur les conclusions tendant à l'homologation du protocole d'accord transactionnel du 18 janvier 2021 :

7. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis : " (...) 2. Le montant total des aides de minimis octroyées par État membre à une entreprise unique ne peut excéder 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux. (...).

8. Il résulte de l'instruction que les parties ont effectivement consenti à la transaction. Par une délibération du 14 décembre 2020, le conseil municipal de la commune de Nice a approuvé le protocole transactionnel en cause et a autorisé sa signature. Cette délibération a été transmise aux services chargés du contrôle de légalité de la préfecture des Alpes-Maritimes, le 17 décembre 2020. En outre, le protocole d'accord conclu le 18 janvier 2021 entre la commune de Nice et la société URD n'a d'autre objet que de prévenir une contestation à naître, dans le cadre de l'exécution du bail emphytéotique administratif conclu le 6 juin 2018. Son objet, qui tend au partage entre les parties de la prise en charge des travaux complémentaires d'amélioration du confort thermique de la halle, notamment en raison de la nécessité pour la commune de Nice de s'assurer d'une bonne affectation de la halle à l'intérêt général, et en particulier de la pérennité des activités commerciales qui s'y déroulent, dans un cadre plus global de redynamisation du quartier de la Libération, est licite. L'article 2 de ce protocole prévoit le versement par la commune de Nice d'une somme forfaitaire et définitive de 200 000 euros au titre de sa participation au financement des travaux nécessaires à la bonne utilisation de la halle, sur un montant total de travaux évalué a mimima à 781 193, 53 euros HT. Il ne résulte pas de l'instruction que le versement de cette somme, laquelle peut être regardée comme constitutive d'une aide d'Etat, serait intervenu en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3 du règlement de la Commission du 18 décembre 2013. Et il ne résulte pas davantage de l'instruction que cette transaction, qui témoigne de concessions réciproques et équilibrées, constituerait une libéralité ni qu'elle méconnaîtrait une règle d'ordre public. Ainsi, rien ne s'oppose à son homologation.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : Le protocole d'accord signé le 18 janvier 2021 entre la commune de Nice et la société Urban Renaissance Développement est homologué.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nice et à la société Urban Renaissance Développement.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024 où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2024.

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N° 24MA00434

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00434
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE NEUILLY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;24ma00434 ?
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