La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2024 | FRANCE | N°23MA01325

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 08 novembre 2024, 23MA01325


Vu la procédure suivante :









Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Brignoles à lui verser une indemnité d'un montant total de 430 663,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'intervention chirurgicale réalisée le 15 décembre 2015.



Par un jugement n° 2002920 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, condamné le CHI de

Brignoles à payer à Mme A... la somme totale de 221 668,02 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Brignoles à lui verser une indemnité d'un montant total de 430 663,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'intervention chirurgicale réalisée le 15 décembre 2015.

Par un jugement n° 2002920 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, condamné le CHI de Brignoles à payer à Mme A... la somme totale de 221 668,02 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2020, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 51 541,14 euros au titre des débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2020 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 décembre 2021, et la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 30 mai 2023, 29 juin 2023, 8 janvier 2024 et 24 janvier 2024, le CHI de Brignoles, représenté par la SARL Le Prado - Gilbert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de ramener les sommes allouées à Mme A... et à la CPAM du Var à de plus justes proportions ;

3°) de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par Mme A....

Il soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- le jugement est insuffisamment motivé au regard des moyens dont le tribunal était saisi ;

- l'indemnisation accordée à Mme A... au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs et des pertes de droits à la retraite est infondée ;

- l'indemnisation demandée au titre du déficit fonctionnel, des souffrances endurées, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel, de l'assistance par une tierce personne doit être ramenée à de plus justes proportions ;

- le remboursement des frais médicaux et d'appareillage à la CPAM du Var n'est pas en lien avec la faute médicale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2023, la CPAM du Var, représentée par Me Vergeloni, demande à la cour :

1°) de condamner le CHI de Brignoles au remboursement des prestations qu'elle a versées à Mme A..., pour un montant total de 51 541,14 euros, et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge du CHI de Brignoles l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, d'un montant de 1 162 euros ;

3°) de mettre à la charge du CHI de Brignoles la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'elle est fondée à obtenir le remboursement des prestations versées à son assurée et le paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 19 septembre 2023 et 5 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Dorn, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête du CHI de Brignoles comme étant irrecevable et de mettre à la charge du CHI de Brignoles la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire et par la voie de l'appel incident, de majorer les sommes allouées en première instance en condamnant le CHI de Brignoles à lui payer les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2020 :

- 3 906 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- 8 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- 7 000 euros au titre des préjudices esthétiques temporaire et définitif ;

- 13 120 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- 10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

- 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- 650 euros au titre des frais divers ;

- 5 080 euros au titre des besoins en assistance par une tierce personne ;

- 16 180,50 euros au titre de la perte de salaire jusqu'au 15 décembre 2016 ;

- 306 726,80 euros au titre des pertes de salaire net pour la période postérieure jusqu'à l'âge de la retraite, ou, à titre subsidiaire, 153 363,40 euros dans l'éventualité d'une perte de chance ;

- 50 000 euros au titre de la moins-value sur la retraite.

3°) de mettre à la charge du CHI de Brignoles la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête présentée par le CHI de Brignoles est irrecevable, la requête sommaire étant dépourvue de moyens et le mémoire complémentaire annoncé, exposant les différents moyens soulevés, ayant été enregistré après l'expiration du délai d'appel ;

- l'établissement hospitalier, qui ne conteste pas sa responsabilité, a commis une faute lors de l'intervention chirurgicale du 15 décembre 2015 ;

- elle est fondée à obtenir la réparation de l'intégralité de ses préjudices, incluant ses préjudices professionnels et celui concernant ses droits à la retraite.

Le 16 septembre 2024, Mme A... a produit une copie de ses avis d'imposition établis au titre des années 2017 à 2023 et une attestation de France Travail du 11 septembre 2024, en réponse à une mesure d'instruction qui lui a été adressée par la Cour, le 29 août 2024, par application des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Ces pièces ont été communiquées aux parties le 16 septembre 2024, et ont donné lieu à des observations du CHI de Brignoles et de Mme A... enregistrées respectivement les 7 octobre 2024 et 9 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 13 octobre 1965, a subi le 15 décembre 2015 au centre hospitalier intercommunal (CHI) de Brignoles une opération pour une lésion ovarienne infectieuse gauche par voie coelioscopique. Les suites opératoires ont été immédiatement marquées par une plaie accidentelle de la vessie ainsi qu'une nécrose iléale qui ont rendu nécessaires de nombreuses autres interventions. L'assureur du CHI de Brignoles a désigné un expert qui a rendu ses conclusions le 5 mars 2018, concluant à une faute commise par le centre hospitalier. Par un jugement du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Toulon a condamné le CHI de Brignoles à payer à Mme A... la somme totale de 221 668,02 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var la somme de 51 541,14 euros au titre des débours et la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le CHI de Brignoles relève appel de ce jugement. Mme A... conclut au rejet de la requête en ce qu'elle est irrecevable et, par la voie de l'appel incident et à titre subsidiaire, sollicite une meilleure indemnisation de ses préjudices.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ". Aux termes de l'article R. 612-5 du même code : " Devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pas produit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi ou, dans les cas mentionnés au second alinéa de l'article R. 611-6, n'a pas rétabli le dossier, il est réputé s'être désisté. ".

3. Le CHI de Brignoles a présenté le 30 mai 2023 une requête qui, bien qu'étant sommaire, contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge, et répond aux exigences de motivation posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. En outre, le mémoire ampliatif du CHI de Brignoles a été enregistré le 29 juin 2023, dans le délai d'un mois suivant la mise en demeure qui lui a été faite le 31 mai 2023. Ainsi, la requête remplit les conditions posées par l'article R. 612-5 du code de justice administrative, sans qu'ait d'incidence le fait que ce mémoire ampliatif a été enregistré au-delà du délai d'appel. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme A... doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué, soulevé par le CHI de Brignoles dans son mémoire introductif d'instance et non repris dans ses écritures ultérieures, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, pour ce motif, être écarté.

Sur la responsabilité :

5. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise diligenté par l'assureur du CHI de Brignoles, que Mme A... a été victime, au cours de l'intervention chirurgicale du 15 décembre 2015 destinée à pratiquer l'ablation d'une lésion tumorale de l'ovaire gauche, d'une " maladresse technique " ayant entraîné une plaie de la vessie au niveau du dôme vésical. Cette plaie, dont l'expert indique qu'elle a été causée par un instrument chirurgical de coelioscopie, a entraîné un uropéritoine avec plastron adhérentiel, incluant le colon sigmoïde nécessitant, outre la fermeture de la plaie vésicale, une résection sigmoïdienne avec iléostomie de décharge qui s'est sténosée et a justifié une dilatation suivie d'un rétablissement de la continuité digestive le 26 avril 2016. Ces éléments sont de nature à établir l'existence d'une faute médicale commise par le CHI de Brignoles, qui ne le conteste pas, de nature à engager sa responsabilité, comme l'a retenu à bon droit le tribunal.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

6. Il résulte du rapport d'expertise que Mme A... a subi, en lien avec la faute commise lors de l'intervention chirurgicale litigieuse, un déficit fonctionnel temporaire total du 20 décembre 2015 au 21 janvier 2016 et du 26 avril 2016 au 3 mai 2016, puis un déficit fonctionnel partiel à hauteur de 50 % du 22 janvier 2016 au 25 avril 2016 et du 4 mai 2016 au 4 juin 2016, de 25 % du 5 juin 2016 au 26 août 2016 et de 10 % du 27 août 2016 au 15 décembre 2016, date de consolidation de son état de santé. Il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 2 250 euros.

7. Les souffrances physiques et morales endurées par Mme A... ont été évaluées par l'expert à 3,5 sur 7, compte tenu des douleurs ressenties suite aux interventions et à l'infection dont elle a souffert. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de l'indemnité due en réparation de ce préjudice en le fixant à 6 000 euros.

8. L'expert a retenu un préjudice esthétique temporaire subi par Mme A..., estimé à 3,5 sur 7, du fait de l'iléostomie qu'elle a subie du 20 décembre 2015 jusqu'au 26 avril 2016, dont il est résulté une altération majeure et temporaire de son apparence physique. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à Mme A... la somme de 2 500 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :

9. Il résulte de l'instruction que Mme A... présente un taux de déficit fonctionnel permanent de 8 % en lien avec des douleurs abdominales persistantes ainsi que des contraintes diététiques nécessitant un suivi médical et une prise de médicaments. Compte tenu de ce taux et de ce que la date de consolidation est intervenue alors que Mme A... était âgée de 51 ans, les premiers juges ont fait une juste appréciation de la réparation due au titre de ce préjudice en l'évaluant à 12 000 euros.

10. Il résulte de l'instruction que les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation du préjudice d'agrément de Mme A..., en lien avec la faute commise par le CHI de Brignoles, et résultant de la pratique de la gymnastique et de la pêche au gros rendue plus difficile, en en fixant la réparation à la somme de 2 000 euros.

11. Le préjudice esthétique permanent de Mme A... a été évalué à 2 sur 7 par l'expert, du fait de la présence d'une cicatrice qualifiée de disgracieuse, suite à l'iléostomie subie, mesurant au niveau du flanc droit sept centimètres de long. Les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante de ce préjudice en lui allouant la somme de 2 000 euros à ce titre.

12. Il ressort du rapport d'expertise que l'expert a relevé que Mme A... souffrait de troubles sexuels résultant d'une dyspareunie profonde consécutive à l'iléostomie qu'elle a subie. Dans ses conditions, les premiers juges ont procédé à une juste évaluation du préjudice sexuel de l'intéressée en l'évaluant à 5 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :

13. Comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Toulon, Mme A... ne justifie pas de frais relatifs à l'assistance d'un médecin conseil au cours de l'expertise médicale, estimés à 650 euros. Par suite, sa demande présentée au titre de ce chef de préjudice doit être rejetée.

14. Mme A... sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'assistance par une tierce personne temporaire sur les périodes du 22 janvier 2016 au 25 avril 2016 et du 4 mai 2016 au 4 juin 2016, correspondant au déficit fonctionnel temporaire de 50 % présenté par elle du fait de la laparatomie subie en lien avec l'intervention chirurgicale litigieuse. Il résulte du rapport d'expertise qu'un besoin d'assistance par une tierce personne a été retenu par l'expert à hauteur de deux heures par jour sur ces périodes. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... aurait perçu, au cours de celles-ci, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation de handicap ou même le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Sur la base d'un taux horaire moyen évalué à partir du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui s'établissait alors à 13 euros, et d'une année de 412 jours comprenant les congés payés et jours fériés, les frais au titre de l'aide d'une tierce personne sur cette période s'élèvent ainsi à la somme de 3 727 euros.

15. Il résulte de l'instruction que Mme A... était sans emploi au moment de l'intervention chirurgicale. Toutefois, celle-ci se prévaut d'une promesse d'embauche datée du 11 décembre 2015, établie par la société des transports Jean-Louis pour un poste d'assistante de chef de dépôt, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée qui devait débuter sans période d'essai à compter du 4 janvier 2016, et pour un salaire mensuel brut de 2 000 euros, soit 1 541 euros net. Cette offre d'embauche demeurait ferme en dépit des complications de l'intervention chirurgicale, l'employeur lui ayant précisé, par courrier du 24 décembre 2015, qu'il était disposé à attendre et à prévoir une prise de fonction au 1er février 2016, ses compétences correspondant parfaitement au profil recherché. Dans ces conditions, Mme A... établit avoir perdu une chance sérieuse d'être recrutée par cet employeur. Il résulte toutefois du rapport d'expertise que l'intervention chirurgicale du 15 décembre 2015 aurait, même en l'absence de faute, justifié un arrêt de travail d'un mois et que l'arrêt de travail imputable à l'évènement litigieux est retenu par l'expert pour la période du 15 janvier 2016 au 26 août 2016. Dès lors, compte tenu du salaire mensuel net de 1 541 euros, au demeurant non contesté par le CHI de Brignoles, le montant que Mme A... aurait dû percevoir au cours de cette période du fait de cette activité salariée, si elle n'avait pas été victime de la faute commise par l'établissement hospitalier, sera justement évalué à la somme arrondie de 6 051 euros, déduction faite des indemnités journalières d'un montant de 5 332,50 euros versées par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var. Il y a lieu, par suite, de mettre à la charge du CHI de Brignoles une somme de 6 051 euros à payer à Mme A... en réparation des pertes de gains professionnels actuels.

S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

16. Mme A... demande le paiement de la somme de 306 726,80 euros, ou subsidiairement, 153 363,40 euros au titre de la perte de revenus future subie du 15 décembre 2016 jusqu'à sa mise à la retraite et la somme de 50 000 euros au titre de la perte de droits à la retraite.

Quant aux pertes de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle :

17. Il résulte de l'instruction que l'expert n'a pas retenu de pertes de gains professionnels après la consolidation de l'état de santé de Mme A... fixée au 15 décembre 2016, et que celle-ci présente un taux de déficit fonctionnel permanent de 8 % en lien avec des douleurs abdominales persistantes ainsi que des contraintes diététiques nécessitant un suivi médical et une prise de médicaments. Il résulte en outre de l'instruction que celle-ci justifie de 85 796 euros de revenus au titre de la période de 2016 à 2020, l'intéressée ayant été notamment recrutée à plusieurs reprises par contrats à durée déterminée. Mme A... a enfin été engagée, à compter du 1er juin 2021, par l'entreprise La Boutique du hameau pour une durée indéterminée en qualité de vendeuse. Ces éléments sont de nature à démontrer que Mme A..., atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 8 %, n'est, du fait de ce déficit, ni inapte à l'exercice d'une activité professionnelle, ni limitée dans l'exercice d'une telle activité ou dans l'éventualité d'une reconversion. En tout état de cause, l'intéressée n'établit pas quelle serait, en raison des complications subies suite à la faute médicale commise par le CHI de Brignoles, dans lincapacité de trouver un emploi avec un salaire équivalent à celui ayant donné lieu à la promesse dembauche précitée du 11 décembre 2015. Il ne résulte pas davantage de linstruction quelle ne pourrait, eu égard à ces complications, exercer cet emploi que dans des conditions plus difficiles. Par suite, Mme A... nest pas fondée à demander l'indemnisation par le centre hospitalier de pertes de gains professionnels futurs et d'une incidence professionnelle.

Quant à la perte des droits à la retraite :

18. Si Mme A..., qui est toujours en activité et n'a pas encore été admise à faire valoir ses droits à la retraite, soutient que la perte de revenu à laquelle elle doit faire face aura une incidence sur le montant de sa pension de retraite compte tenu de la réduction du nombre d'années de cotisation, un tel préjudice présente un caractère seulement éventuel et ne saurait donc donner lieu à réparation. Par suite, la demande d'indemnisation présentée à ce titre, au demeurant estimée sans explication et forfaitairement par Mme A... à 50 000 euros, doit être rejetée.

19. Il résulte de ce qui précède que le CHI de Brignoles est seulement fondé à demander que l'indemnité globale qu'il est condamné à payer à Mme A... soit ramenée à la somme de 41 528 euros, cette somme devant être majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2020, date de la réception de la demande indemnitaire préalable de Mme A....

Sur les droits de la CPAM du Var :

En ce qui concerne les débours :

20. La CPAM du Var produit un relevé des débours exposés et une attestation d'imputabilité du médecin conseil du service médical du Var. Les frais hospitaliers exposés pour un montant total de 44 208,40 euros, correspondant à des périodes d'hospitalisation du 23 décembre 2015 au 21 janvier 2016 et du 26 avril 2016 au 3 mai 2016 ne sont pas contestés par le CHI de Brignoles et sont justifiés par le rapport d'expertise qui détaille les différentes hospitalisations subies par Mme A... en lien avec son accident médical. Les frais de transport d'un montant de 394,50 euros ne sont pas davantage contestés et correspondent au transfert de Mme A... au centre hospitalier universitaire de Marseille à compter du 12 janvier 2016. Eu égard aux éléments exposés au point 15, la CPAM du Var justifie également avoir versé des indemnités journalières d'un montant de 5 332,50 euros destinées à réparer les pertes de revenus subies par Mme A... suite à la faute commise par le CHI de Brignoles. Par ailleurs, l'attestation d'imputabilité du médecin conseil indique que Mme A... a bénéficié de soins infirmiers et ambulatoires, d'un examen paraclinique le 19 mars 2016 pour un lavement baryté, d'un suivi par un stomathérapeute et un psychologue, de soins kinésithérapeutiques pour douleurs abdominales et de prescriptions pharmaceutiques. L'ensemble de ces éléments se retrouve dans le rapport d'expertise qui corrobore ces soins dispensés à Mme A... et le suivi dont elle a bénéficié. Dans ces conditions, la CPAM du Var doit être regardée comme justifiant suffisamment les frais médicaux et pharmaceutiques qu'elle expose sur la période allant du 21 janvier 2016 au 10 janvier 2017, pour un montant total de 1 350,84 euros. En revanche, la CPAM du Var ne justifie pas que des frais d'appareillage d'un montant de 335,40 euros, dont le rapport d'expertise ne fait d'ailleurs pas état, auraient été engagés du 24 décembre 2015 au 17 novembre 2016 pour le compte de son assurée en raison des conséquences dommageables de l'accident en cause. Ainsi, le CHI de Brignoles est seulement fondé à soutenir que ces frais d'appareillage doivent être déduits du montant global sollicité par la CPAM du Var. Par suite, la CPAM du Var est fondée à obtenir le remboursement par le CHI de Brignoles de ses débours à hauteur de 51 205,74 euros.

21. La CPAM du Var a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 51 205,74 euros à compter du 10 décembre 2020, date d'enregistrement de sa demande par le greffe du tribunal administratif de Toulon. Les intérêts, qui, à cette date, étaient dus depuis au moins une année, seront donc capitalisés au 10 décembre 2021 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

22. Il résulte des éléments exposés au point 20 que la somme due par le CHI de Brignoles à la CPAM du Var au titre des débours a été ramenée à la somme de 51 205,74 euros. Par suite, il n'y a pas lieu de majorer le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion qui lui a été allouée en première instance à hauteur de 1 162 euros.

Sur les frais liés au litige :

23. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme A... et de la CPAM du Var présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 221 668,02 euros mise à la charge du CHI de Brignoles par l'article 1er du jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Toulon est ramenée à la somme de 41 528 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2020.

Article 2 : La somme de 51 541,14 euros que le CHI de Brignoles a été condamnée à verser au titre des débours à la CPAM du Var par l'article 2 du jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Toulon est ramenée à la somme de 51 205,74 euros. La somme de 51 205,74 euros portera intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2020, ces intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts à compter du 10 décembre 2021.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 30 mars 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Madame B... A..., au centre hospitalier intercommunal de Brignoles et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 novembre 2024.

N° 23MA01325 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01325
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : VERGELONI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23ma01325 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award