Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 7 mars 2019 par laquelle le maire de Six-Fours-les-Plages a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre et d'enjoindre à la commune de reconnaître cette pathologie comme maladie professionnelle imputable au service depuis le 13 juin 2014.
Par un jugement n° 1901189 du 27 mai 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 7 mars 2019 du maire de Six-Fours-les-Plages refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée par M. E... et a enjoint au maire de la commune de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée par M. E... avec toutes les conséquences qui s'y attachent, dans un délai de trois mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 juin 2022, le 25 juillet 2022 et le 5 septembre 2022, la commune de Six-Fours-les-Plages, représentée par la SELARL Grimaldi et associés, agissant par Me Grimaldi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1901189 du 27 mai 2022 ;
2°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de première instance était irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- la pathologie dont souffre M. E... n'est pas imputable au service.
Par un mémoire, enregistré le 10 août 2022, M. E..., représenté par Me Coureau, demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du maire de Six-Fours-les-Plages du 7 mars 2019 ;
2°) d'enjoindre au maire de Six-Fours-les-Plages de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie depuis le 13 juin 2014 et en tirer toutes les conséquences ;
3°) d'enjoindre au maire de Six-Fours-les-Plages de le placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité ;
4°) d'enjoindre à la commune de Six-Fours-les-Plages de lui verser de manière rétroactive l'intégralité de la rémunération qui aurait dû lui être versée depuis le début de son arrêt de travail en date du 13 juin 2014 ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- sa requête en première instance était recevable ;
- l'attitude de sa hiérarchie à son égard constitue une sanction déguisée illégale ;
- il est victime de harcèlement moral ;
- les problèmes rencontrés dans l'exercice de sa profession sont à l'origine de ses troubles dépressifs.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud ;
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bouarfa, représentant la commune de Six-Fours-les-Plages.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Six-Fours-les Plages interjette appel du jugement du 27 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 ainsi qu'à la réparation des préjudices en résultant.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. ".
3. La demande présentée par M. E... devant le tribunal, qui tendait, d'une part, à l'annulation de la décision du 7 mars 2019 par laquelle le maire de Six-Fours-les-Plages a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de reconnaître cette pathologie comme maladie professionnelle imputable au service depuis le 13 juin 2014, était assortie d'un exposé des faits et de moyens suffisamment précis, à l'appui de ces conclusions. En particulier, M. E... a fait valoir que la pathologie dont il souffre était imputable au service. La commune de Six-Fours-les-Plages n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir opposée selon laquelle la demande ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
Sur le bienfondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires et de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 qu'un fonctionnaire qui souffre d'une maladie contractée ou aggravée en service a droit à un congé de maladie à plein traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite.
5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. E... souffre de troubles dépressifs en raison desquels il a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 13 juin 2014, puis en congé de longue maladie. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, le maire de Six-Fours-les-Plages a retenu l'absence de lien direct et certain entre cette dernière et l'activité professionnelle, suivant ainsi l'avis émis par la commission de réforme le 21 février 2019. La commune de Six-Fours-les-Plages se prévaut du rapport d'expertise du Dr D..., médecin psychiatre, en date du 19 septembre 2017, qui conclut à l'absence d'imputabilité au service de la pathologie de M. E..., et des avis émis par la commission de réforme le 24 mai 2018 et le 7 mars 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de l'expertise médicale réalisée par le Dr C..., médecin psychiatre agréé et chef de service au centre hospitalier Sainte-Marie à Nice, dont la valeur probante n'est pas remise en cause par la circonstance qu'elle a été réalisée à la demande de M. E..., que les conditions de survenue de la décompensation psychopathologique de l'intéressé permettent de retenir l'existence d'un lien direct avec les conditions de travail. Ces conclusions sont corroborées d'une part par les témoignages de collègues de travail de M. E... et d'autre part par le signalement effectué par le Dr B..., médecin du travail, auprès du service d'aide au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés au mois de juin 2014, après avoir constaté l'existence d'un risque psycho-social affectant l'agent, particulièrement suite à son isolement physique dans un bureau individuel de la mairie à compter de 2012. Si, par ailleurs, la commune de Six-Fours-les-Plages invoque l'existence de circonstances permettant selon elle de détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service, tenant aux difficultés induites par la gestion, par M. E..., de la mise sous-tutelle de ses deux parents, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que ces difficultés aient entraîné de troubles psychologiques chez l'agent, qui, par ailleurs, ne présente aucun antécédent de cette nature. Dans ces conditions, les premiers juges ont pu, à bon droit, rattacher les troubles dépressifs subis par l'agent à son activité professionnelle, qui ne s'expliquent, dans leur gravité, par aucun antécédent ou cause extérieure à l'exercice de la profession.
7. La commune de Six-Fours-les-Plages n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 7 mars 2019 par laquelle le maire de Six-Fours-les-Plages a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. E....
Sur l'injonction :
8. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 sont applicables, s'agissant des agents relevant du statut de la fonction publique territoriale, depuis le 13 avril 2019, date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la fonction publique territoriale. Les droits des agents en matière d'accident de service ou de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée.
9. En l'espèce, les troubles dépressifs dont souffre M. E... sont apparus en 2014, soit antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. Il n'est donc pas fondé à demander à la cour qu'il soit enjoint à la commune de Six-Fours-les-Plages de le placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité.
10. L'exécution du présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celles que les premiers juges ont déjà enjoint à la commune de Six-Fours-les-Plages de prendre. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. E... dans la présente instance.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Six-Fours-les-Plages au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages la somme de 1 500 euros à verser à M. E....
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Six-Fours-les-Plages est rejetée.
Article 2 : La commune de Six-Fours-les-Plages versera à M. E... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les surplus des conclusions de M. E... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la commune de Six-Fours-les-Plages.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Cécile Fedi, présidente de chambre,
- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure,
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
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N° 22MA01822