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07/11/2024 | FRANCE | N°22MA02094

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 07 novembre 2024, 22MA02094


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par l'article 1er du jugement n° 1905307 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge des majorations pour manquement délibéré mises à la charge de M. B.

.., par son article 2 a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1905307 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge des majorations pour manquement délibéré mises à la charge de M. B..., par son article 2 a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et par son article 3 a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juillet 2022 et le 24 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Ciaudo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 juin 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions à fin de décharge de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités demeurant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas été invité à participer au débat oral et contradictoire dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Miami Beach ;

- c'est à tort que le vérificateur a regardé la comptabilité de la SARL ...comme irrégulière et non probante ;

- la doctrine administrative référencée 4 G-3341, n°s 9 à 12, relative à la régularité de la comptabilité, est opposable à l'administration ;

- la méthode de reconstitution des recettes de la SARL ... est sommaire et radicalement viciée ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL ... est affectée d'erreurs qui démontrent que la méthode est déloyale ;

- l'administration, dans la mise en œuvre de la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL ..., a méconnu les principes de confiance légitime et les droits de la défense ;

- l'administration ne démontre pas qu'il aurait appréhendé les revenus réputés distribués par la SARL ... ;

- l'administration n'était pas fondée à faire application du coefficient de 1,25 prévu par l'article 158-7,2° du code général des impôts, dès lors que ses dispositions méconnaissent l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2022 et le 19 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce qu'il soit constaté qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, et au rejet du surplus des conclusions de la requête. Il demande également, par la voie de l'appel incident, que la Cour annule l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 10 juin 2022 et remette à la charge de M. B... les majorations pour manquement délibéré dont ont été assortis les suppléments d'impôt en litige.

Il fait valoir que :

- un dégrèvement correspondant à l'application à l'assiette des prélèvements sociaux du coefficient de 1,25 prévu par l'article 158-7,2° est prononcé dans le cadre de la présente instance ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

- l'application de la majoration pour manquement délibéré était fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. À l'issue d'une vérification de comptabilité de la SARL ..., qui exerçait une activité de restauration et de plagiste à Nice, et dont M. B... était le gérant et l'unique associé jusqu'en 2012, l'administration fiscale a procédé à une reconstitution des chiffres d'affaires des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. À l'issue d'un contrôle sur pièces des déclarations de M. B..., l'administration fiscale l'a assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2010 et 2011, à raison des recettes omises par la SARL ..., regardées comme des revenus distribués au bénéfice de l'intéressé. Par un jugement du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a prononcé par l'article 1er de son jugement la décharge des majorations pour manquement délibéré mises à la charge de M. B..., par son article 2 a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et par son article 3 a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'intéressé. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt auxquels il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de réformer le jugement du 10 juin 2022 et de remettre à la charge de M. B... les majorations pour manquement délibéré dont ont été assortis ces suppléments d'impôt.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 21 mai 2014, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux en litige à concurrence de 6 389 euros. Les conclusions de la requête de M. B... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur l'appel principal de M. B... :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Si M. B... soutient que, contrairement à ce qui est indiqué dans la réponse aux observations du contribuable du 14 avril 2014 adressée à la SARL ..., il n'a pas été invité à participer au débat oral et contradictoire dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société, au cours de laquelle cette dernière était représentée par son nouveau gérant, les irrégularités de la procédure de rectification suivie à l'encontre de la SARL ..., à les supposer même établies, sont sans incidence sur l'imposition personnelle de M. B..., en raison du principe d'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre de la société, d'une part, et de ses associés, d'autre part.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant du fondement légal des impositions :

4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) " Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

5. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une imposition en en modifiant le fondement juridique, à la condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi.

6. Les impositions demeurant en litige procèdent de l'inclusion dans les revenus imposables entre les mains de M. B... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts, de sommes correspondant aux rehaussements des bénéfices de la SARL ... au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et regardées comme des revenus distribués par cette société à l'intéressé, que l'administration a considéré comme l'unique maître de l'affaire.

7. Le ministre demande que, par voie de substitution de base légale, les rectifications initialement fondées sur le c) de l'article 111 du code général des impôts, soient désormais fondées sur l'article 109,1-1°du même code. Il résulte de l'instruction que les bénéfices correspondant aux recettes omises par la SARL ..., qui n'ont ni été mis en réserve, ni incorporés au capital, ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés et entrent, par suite, dans le champ d'application de l'article 109,1-1°du code général des impôts. Par conséquent, dès lors que M. B... n'a été privé d'aucune garantie, il y a lieu d'admettre la substitution de base légale sollicitée par l'administration.

S'agissant de l'évaluation des revenus distribués :

8. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, (...) s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) ". Il est constant que M. B... n'a pas répondu dans le délai légal à la proposition de rectification du 16 décembre 2013, qui lui a été régulièrement notifiée. Par suite, il supporte, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de démontrer le caractère exagéré des impositions supplémentaires, sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'il a été associé à la réponse formulée par le gérant de la SARL ... à la proposition de rectification adressée à la société.

9. En premier lieu, le vérificateur a notamment relevé, s'agissant des données informatiques de la caisse enregistreuse qui lui ont été transmises par la SARL ..., d'une part, l'absence de clé commune entre les fichiers du journal des ventes et du journal des règlements, de " table des articles " permettant de définir la référence unique d'un article, et d'historique chronologique des commandes, et, d'autre part, la remise à zéro quotidienne de la numérotation des tickets de caisse. En l'absence de production par la société de la documentation relative à la caisse enregistreuse, malgré plusieurs demandes, le vérificateur a estimé qu'il était impossible de s'assurer que les recettes avaient été enregistrées de façon exhaustive. Si le requérant, qui n'explique pas sérieusement le défaut de présentation de la documentation par une prétendue réticence des éditeurs des progiciels, verse aux débats un rapport d'expertise daté du 30 avril 2015, ce rapport, qui reconnaît d'ailleurs que les fichiers retraçant les ventes et les règlements ne reprennent pas l'ensemble des données, ne permet de contredire ni l'absence de clé commune entre les fichiers retraçant les ventes et ceux retraçant les règlements, ni l'absence de table des articles, alors que la SARL ... disposait des tables dès lors qu'elle avait transmis des copies d'écran reproduisant des extraits de ces tables. De même, les allégations selon lesquelles l'absence d'historique des commandes s'expliquerait par le fait que la note ne serait numérotée que lorsqu'elle est validée ne sont appuyées d'aucune justification suffisante, en l'absence de documentation. S'agissant de la remise à zéro quotidienne des numéros des tickets, les seules mentions du rapport d'expertise selon lesquelles les corrections ou annulations seraient retracées dans les fichiers sont invérifiables, en l'absence de la documentation. Il en va de même de l'explication relative aux discordances entre les données extraites des fichiers et les notes papier correspondantes, selon laquelle l'édition des duplicatas ne pourrait être basée sur les fichiers antérieurs à la modification de la carte intervenue en 2012. Par ailleurs, il est constant que le gérant de la société n'a pas produit d'inventaire des stocks au titre de la clôture des exercices 2010 et 2011. Eu égard à ces éléments, et alors que le vérificateur a également relevé que les enregistrements en compte caisse ne sont pas réguliers, les régularisations comptables étant opérées en fin d'exercice, le vérificateur a pu à bon droit tenir la comptabilité présentée par la SARL ... au titre des exercices clos en 2010 et 2011 comme non probante et procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires.

10. En deuxième lieu, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 9 à 12 de la documentation administrative référencée 4 G-3341, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

11. En troisième lieu, la méthode retenue pour reconstituer les recettes de la SARL ... a consisté à déterminer, dans un premier temps, le coefficient des ventes de boissons froides par rapport au chiffre d'affaires total, à partir des données figurant sur les notes et des recettes globales journalières. Dans un deuxième temps, le vérificateur a reconstitué les recettes théoriques des ventes de ces boissons à partir des factures d'achats présentées. Enfin, l'application à ces recettes du coefficient des liquides vendus par rapport au chiffre d'affaires déclaré a permis de déterminer le chiffre d'affaires global réalisé. Le vérificateur, qui a retenu une contenance de 15 cl pour un verre de vin, a appliqué des abattements notamment au titre des pertes, de la consommation du personnel, et de l'utilisation du vin blanc en cuisine. Si M. B... fait valoir qu'une partie de son stock de boissons a été détruit au cours de la tempête du 4 mai 2010, il n'en justifie pas par la seule production d'articles de la presse locale et d'une lettre de l'assureur AXA du 22 juillet 2010, qui indique d'ailleurs que la demande d'indemnisation n'a pas reçu de suite favorable. De même, il ne justifie pas que le dosage des verres de vin retenu devrait être porté de 15 à 20 cl par la production d'une carte qui n'avait pas été fournie au cours du contrôle, alors que les cartes qui avaient été présentées au vérificateur mentionnaient une contenance de 12,5 cl. M. B... ne démontre pas que l'abattement de 18 % retenu au titre de la bière pression devrait être porté à 27 % en se bornant à produire un constat d'huissier établi postérieurement à la période vérifiée, sur la base de constatations réalisées au cours d'une seule matinée. En ce qui concerne les pertes et offerts, au titre desquelles l'administration a appliqué des abattements de 2 %, à l'exception du vin en cubis (1 %) et des bières pression, ainsi qu'il a été dit précédemment, le requérant, en se bornant à faire état de la présence des galets couvrant la plage, ne produit aucun élément justifiant de retenir un taux de perte supérieur, alors qu'il n'est pas contesté que l'établissement disposait d'une terrasse en bois aménagée et d'une allée permettant de circuler sur la plage. S'il fait par ailleurs valoir que des boissons incluses dans des menus et formules n'auraient pas dû être retenues, il s'abstient de produire le moindre élément de justification à cet égard, et notamment les devis relatifs aux soirées " divers suggestions " et aux forfaits vendus à l'hôpital Lenval, ainsi que les cartes détaillant les menus et tout document permettant de connaître le détail des articles libellés " divers salade ", " divers poissons " et " divers viandes ", se bornant à produire une carte mentionnant un menu enfant comprenant une boisson dont le ministre fait valoir qu'elle n'a pas été produite au cours du contrôle. De même, M. B... ne produit aucun élément à l'appui de ses affirmations selon lesquelles des boissons utilisées dans la composition des cocktails et en cuisine auraient été insuffisamment prises en compte. Si le requérant fait également valoir que la consommation du personnel et du dirigeant n'a pas été suffisamment prise en compte, il ne justifie pas que ces consommations seraient supérieures à celles qui ont été retenues, correspondant aux bouteilles de contenances supérieures à 1 litre, en se prévalant d'écritures comptables relatives aux avantages en nature correspondant. Enfin, la circonstance que l'établissement a été vendu en 2012 est sans incidence sur la pertinence de la méthode de reconstitution, dès lors que le vérificateur s'est fondé sur les données propres de l'entreprise au titre de la période considérée, et notamment ses factures d'achats enregistrées en 2010 et 2011, ainsi que le détail de ses ventes, et que l'établissement a continué à exploiter en 2012 une activité identique au même endroit. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas justifié de la nécessité d'exclure pour la reconstitution le chiffre d'affaires de la plage, qui est nécessairement en corrélation avec le chiffre d'affaires global, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la méthode de reconstitution retenue par l'administration serait excessivement sommaire ou radicalement viciée.

12. En quatrième lieu, si le ministre admet que des erreurs favorables au contribuable ont été commises, résultant principalement de l'absence de valorisation des achats de vin au titre de l'année 2010, le requérant, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, n'est pas fondé à soutenir que la méthode de reconstitution aurait été sciemment affectée d'erreurs afin de refuser la prise en compte des conditions réelles d'activité. Par conséquent, doit être écarté le moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution des recettes de la SARL ... serait déloyale.

13. En cinquième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 11, M. B... n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les principes de confiance légitime et les droits de la défense.

S'agissant de l'appréhension des revenus distribués :

14. Le ministre fait valoir sans être aucunement contredit que M. B..., gérant et unique associé de la SARL ... au cours de la période en litige, était le seul détenteur de la signature bancaire et représentant des intérêts de la société. M. B... doit donc être regardé comme ayant été le maître de l'affaire, et ainsi comme ayant appréhendé les revenus réputés distribués par la SARL .... Le requérant, qui ne conteste pas cette maitrise de l'affaire, n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne démontre pas qu'il aurait appréhendé les revenus réputés distribués par la SARL ....

S'agissant de l'application du coefficient de 1,25 prévu par l'article 158-7,2° du code général des impôts :

15. Aux termes de l'article 158 du code général des impôts : " (...) 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt (...), est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / (...) 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice (...) ".

16. Le requérant soutient que c'est à tort que le service fait application de la majoration de 25 % prévue par les dispositions précitées de l'article 158-7,2° du code général des impôts, en ce qu'elle entraîne une surcharge financière disproportionnée qui méconnaît l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019 déclarant conformes à la Constitution les mots " et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice " figurant à l'article 158-7-2° du code général des impôts, le législateur a entendu, en adoptant ces dispositions, soumettre à une imposition plus forte certains revenus de capitaux mobiliers distribués dans des conditions irrégulières ou occultes, afin de dissuader de telles opérations, et a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. La majoration en cause repose dès lors suffisamment sur une base raisonnable. Cette majoration, qui porte sur des revenus de capitaux mobiliers dissimulés, non spontanément déclarés par le contribuable, ne conduit pas à une charge excessive au regard des facultés contributives des contribuables et n'entraîne donc pas une surcharge financière disproportionnée à l'encontre du contribuable. Dans ces conditions, la méthode retenue par le législateur, pour les revenus réputés distribués en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, n'a pas rompu le juste équilibre qui doit exister entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'article 158-7,2° du code général des impôts est contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

Sur l'appel incident du ministre :

17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

18. Le ministre relève sans être contredit que M. B... détenait la totalité du capital de la SARL ..., dont il était le gérant statutaire. Ainsi, alors même qu'il était novice, il ne pouvait ignorer que la comptabilité de la société était entachée de graves insuffisances et que des recettes n'avaient pas été comptabilisées pour des montants particulièrement importants et de façon répétée au cours des années 2010 et 2011. Dans ces conditions, l'administration établit l'intention délibérée de M. B... d'éluder l'impôt. Par suite, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour décharger M. B... des majorations pour manquement délibéré aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2010 et 2011, les premiers juges ont estimé que la preuve de l'intention délibérée de l'intéressé d'éluder l'impôt n'était pas apportée.

19. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens, non repris en appel, soulevés par M. B... devant le tribunal administratif à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des majorations pour manquement délibéré.

20. En premier lieu, les constatations relatives aux insuffisances de la comptabilité de la SARL ... et à la perception de recettes non comptabilisées mentionnées au point 18 traduisent une volonté délibérée d'éluder l'impôt sanctionnée par l'article 1729 du code général des impôts, dont les dispositions prévoient des taux de majoration différents selon que les inexactitudes ou omissions constituent un manquement délibéré, des manœuvres frauduleuses ou un abus de droit, et visent à sanctionner des manquements différents, proportionnés avec la gravité des agissements du contribuable dans la dissimulation des revenus et dans les omissions de déclarations constatés, sous le contrôle du juge de l'impôt. Ainsi, l'administration, qui ne s'est pas seulement bornée à relever l'importance des sommes éludées ou l'existence de simples irrégularités comptables, mais qui, en s'attachant à caractériser l'élément intentionnel du manquement constaté, établit l'intention délibérée de M. B... d'éluder l'impôt, n'a ni méconnu le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni manqué à son devoir de loyauté.

21. En second lieu, les moyens tirés de ce que la position du service en ce qui concerne l'application de la majoration pour manquement délibéré serait contraire aux principes de confiance légitime et de respect des droits de la défense ne sont assortis d'aucune précision permettant à la Cour de statuer sur leur bien-fondé.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge des majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. B... demeure assujetti au titre des années 2010 et 2011.

Sur les frais liés au litige :

23. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes auxquelles M. B... a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, à hauteur de la somme de 6 389 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Les majorations pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. B... demeure assujetti au titre des années 2010 et 2011 sont remises à sa charge.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1905307 du 10 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.

2

N° 22MA02094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02094
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;22ma02094 ?
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