Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2400461 du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Rossler, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès notification de l'arrêt à intervenir dans l'attente du réexamen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en subordonnant l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à une condition non requise par la loi ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il procède d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 28 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations du public avec l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- et les observations de Me Rossler, représentant M. A..., et de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité philippine est né le 22 janvier 1976. Il a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 12 janvier 2024 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Par jugement du 11 avril 2024 le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré dans l'espace Schengen le 27 mai 2011 via les Pays-Bas avec un visa de type C. Par une demande du 28 mars 2023, il a sollicité du préfet des Alpes-Maritimes son admission exceptionnelle au séjour. Le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour. Par arrêté du 12 janvier 2024, le préfet lui a opposé un refus au motif qu'il ne justifiait pas de manière probante l'ancienneté et le caractère habituel de son séjour en France. Si l'appelant ne justifie pas d'une date précise d'entrée sur le territoire français, des documents à valeur probante, dont un relevé de compte faisant état d'opérations, des courriers bancaires ainsi que des factures à son nom, attestent de sa présence en France à tout le moins à compter du mois d'octobre 2011. Pour la période de 2012 à 2023, il produit de nombreuses pièces et particulièrement des relevés de compte, des quittances de loyer, des factures EDF, des ordonnances médicales, des attestations d'assurances, des courriers de l'administration fiscale faisant apparaître son nom et une même adresse à Nice. Ces pièces sont afférentes, pour chaque année, à plusieurs mois non consécutifs. En outre, si le préfet soutient devant le tribunal que la durée alléguée de résidence sur le territoire français serait contredite par le renouvellement du passeport que l'appelant a obtenu en Italie le 27 août 2020, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à exclure une résidence habituelle en France, dès lors qu'un séjour de courte durée à l'étranger est sans conséquence sur le décompte de la durée de résidence. Au demeurant, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il produit pour l'année 2023 non pas une mais quatre factures EDF à son nom. Dans ces conditions, et compte tenu de la multiplicité et de la nature des pièces versées au dossier, M. A... établit résider habituellement en France depuis plus de dix ans, à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, il est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir préalablement saisi la commission du titre de séjour, en méconnaissance des dispositions législatives citées au point 2.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de son jugement du 11 avril 2024 ainsi que celle de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 12 janvier 2024.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet des Alpes-Maritimes statue à nouveau sur la demande de titre de séjour présentée par M. A..., après l'avoir soumise pour avis à la commission du titre de séjour. Il y a donc lieu d'enjoindre au représentant de l'Etat de procéder à cette consultation et à ce réexamen, et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer, dans l'attente, à
M. A..., une autorisation provisoire de séjour. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rossler, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rossler de la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 11 avril 2024 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 12 janvier 2024 du préfet des Alpes-Maritimes est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes, après avoir consulté la commission du titre de séjour, de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Rossler, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Rossler et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
N° 24MA020082