Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision implicite du 26 novembre 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2200408 du 12 mars 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2024, M. A..., représenté par Me Guigui, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 mars 2024 ;
2°) d'annuler la décision implicite du 26 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il vit en France depuis plus de trois ans et demi, où il est pris en charge par sa tutrice légale, de nationalité française ; il y poursuit sa scolarité ; il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ;
- la décision contestée méconnait les articles 7 quater et 11 de l'accord franco-tunisien, les articles L. 421-35, L. 423-15, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les articles 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation.
La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 15 juin 2004, est entré en France au cours de l'année 2020 muni d'un visa court séjour et y a poursuivi sa scolarité au lycée. Il a été recueilli par sa tante, de nationalité française, au terme d'un acte de Kafala homologué par un jugement du tribunal cantonal de Ben Arous du 4 mars 2021. Par un courrier, réceptionné en préfecture le 26 juillet 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il relève appel du jugement du 12 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de refus opposé à cette sollicitation, née du silence gardé sur celle-ci durant quatre mois par le préfet des Alpes-Maritimes, d'autre part à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " sans préjudice des dispositions de l'article 7, le ressortissant tunisien mineur ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, et dont l'un des parents au moins est titulaire d'un titre de séjour valable un an, obtient de plein droit un titre de séjour valable un an, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial. / Ce titre de séjour lui donne droit à exercer une activité professionnelle ". Aux termes de son article 7 ter : " b) Les ressortissants tunisiens âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, de plein droit, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "vie privée et familiale" ou un titre de séjour d'une durée de dix ans, s'ils remplissent les conditions prévues aux articles 7 bis ou 10 du présent Accord / Ils peuvent, dans les autres cas, solliciter un titre de séjour valable un an. / (...) ". Aux termes de l'article 7 quater : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de l'article 11 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-35 : " Les étrangers âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle se voient délivrer l'un des titres de séjour suivants : / 1° Une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " s'ils remplissent les conditions prévues aux articles (...), L. 423-15, (...), L. 423-23, (...) ". Aux termes de l'article L. 423-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au chapitre IV du titre III et dont l'un des parents au moins est titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident se voit délivrer, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre ses seize et dix-huit ans s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
4. Dès lors que M. A... n'a pas été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial, il ne saurait prétendre au bénéfice d'un titre séjour sur le fondement des articles 7 bis et 7 ter de l'accord franco-tunisien. Il ne saurait par ailleurs se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 421-35 et L. 423-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non applicables aux ressortissants tunisiens dont la situation est en la matière régie par les stipulations de l'accord franco-tunisien, et aux conditions desquels il ne satisfait en tout état de cause pas.
5. Par ailleurs, si M. A... s'est inscrit au lycée dès son arrivée en France et s'il a vraisemblablement tissé des liens étroits avec sa tante qui le prend en charge, son séjour sur le territoire et sa scolarité demeuraient récents à la date de la décision attaquée, tandis que ses parents résident toujours en Tunisie. La venue en France de son petit frère, au demeurant pris en charge, non par sa tante, mais par l'aide sociale à l'enfance du Var, est postérieure à la décision attaquée. Il ne résulte ainsi pas des circonstances dont M. A... se prévaut qu'il aurait fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux de telle sorte que le refus d'autoriser son séjour aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il ne saurait prétendre au bénéfice d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 421-35 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Son admission au séjour ne répond par ailleurs pas à des considérations humanitaires ni ne se justifie au regard de motifs exceptionnels, de telle sorte que le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ".
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 ci-dessus, la décision litigieuse ne méconnait ni les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite du préfet des Alpes-Maritimes ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel présentées par M. A..., en ce comprises les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2024.
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N° 24MA01164
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