Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2306709 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2024, M. A..., représenté par Me Dalançon, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à défaut, la mention " étudiant ", subsidiairement de réexaminer sa situation en le plaçant sous autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- l'arrêté ne fait pas état de la promesse d'embauche qu'il détient ; la décision portant refus de droit au séjour est par suite insuffisamment motivée ;
- outre qu'il ne fait pas référence à cette promesse, l'arrêté mentionne une demande sur le fondement de la vie privée et familiale ; aucune référence n'est faite à sa demande de titre portant la mention " salarié " ou " étudiant " ; celle-ci n'a dès lors pas fait l'objet d'un examen sérieux et la décision portant refus de droit au séjour est entachée d'erreur de droit ;
- cette décision et celle portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; il est présent en France depuis l'âge de 17 ans et plus de cinq ans ; il est sérieux dans ses études et ses stages et obtient de bons résultats ; il a noué de véritables liens personnels ; il est parti de son pays suite au décès de son père et aux menaces qui pesaient sur lui ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de droit au séjour ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la scolarité qu'il poursuit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les observations de Me Dalançon, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né en 1999, relève appel du jugement du 7 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 30 décembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'autre part à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
3. En l'espèce, M. A..., présent en France depuis presque six ans à la date de la décision attaquée, est arrivé sur le territoire à l'âge de 17 ans, dans un état de grand dénuement et sans solliciter le bénéfice de l'aide sociale à l'enfance. Plusieurs personnes l'ont tour à tour hébergé et pris en charge, et toutes saluent son comportement respectueux et très volontaire. Inscrit dès l'année 2018 dans un lycée professionnel privé, d'abord dans des dispositifs en amont de la qualification, il a obtenu un certificat de formation générale au mois de juin 2019, et un diplôme d'études en langue française niveau A2 au mois de septembre 2019. Après avoir effectué une première année en certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " employé vente spécialisé ", il s'est dirigé vers le diplôme d'" installateur en froid et conditionnement d'air " qu'il a obtenu au mois de juillet 2022. Son savoir-être et son implication ont été unanimement félicités par l'équipe éducative et il a donné toute satisfaction au cours de ses séquences éducatives en milieu professionnel. Au cours de l'année scolaire 2022-2023, il était inscrit en classe de 1ère bac professionnel technicien du froid et du conditionnement de l'air, et l'entreprise qui l'avait accueilli en stage durant ses années de CAP souhaitait le recruter en contrat d'apprentissage. Dès lors, en estimant que ces circonstances très particulières n'étaient pas de nature à caractériser des motifs exceptionnels justifiant que soit délivré à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 décembre 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté du 30 décembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône implique nécessairement, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " soit délivré à M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer ce titre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le placer, dans cette attente, sous autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat, Me Dalançon, peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dalançon de la somme de 1 500 euros à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 7 novembre 2023 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 30 décembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le placer, dans cette attente, sous autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Dalançon une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Clément Dalançon et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2024.
2
N° 24MA00999
fa