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05/11/2024 | FRANCE | N°24MA00105

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 05 novembre 2024, 24MA00105


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 26 octobre 2020 par laquelle le ministre des armées a refusé de l'habiliter " Confidentiel-Défense ", ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au ministre de lui délivrer l'habilitation requise et, subsidiairement, de lui ordonner de préciser les motifs ayant justifié ce refus.



Par un jugement n° 2100945 du 29 décembre 2023, le tr

ibunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 26 octobre 2020 par laquelle le ministre des armées a refusé de l'habiliter " Confidentiel-Défense ", ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au ministre de lui délivrer l'habilitation requise et, subsidiairement, de lui ordonner de préciser les motifs ayant justifié ce refus.

Par un jugement n° 2100945 du 29 décembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Heulin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 26 octobre 2020, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui délivrer l'habilitation requise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions sont dépourvues de toute motivation ;

- les faits et le positionnement que lui impute le ministre ne sont pas établis et il les conteste formellement ; il ne peut apporter la preuve d'un " fait négatif " ;

- le refus est lié à son engagement syndical et politique ; il est discriminatoire et méconnaît l'article L. 131-1 du code général de la fonction publique ;

- il est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code pénal ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Heulin, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ouvrier d'Etat du ministère des armées, est mis à disposition de la société Naval Group sur son site de Toulon où il exerce les fonctions d'" intégrateur mainteneur installation plateforme " des bâtiments de surface et sous-marins. Par décision du 26 octobre 2020, le renouvellement de son habilitation " Confidentiel-Défense " lui a été refusé par le délégué général à l'armement. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et de celle née du silence gardé sur son recours gracieux.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2311-1 du code de la défense : " Les règles relatives à la définition des informations concernées par les dispositions du présent chapitre sont définies par l'article 413-9 du code pénal ". Aux termes de l'article 413-9 du code pénal : " Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès./ Peuvent faire l'objet de telles mesures les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers dont la divulgation ou auxquels l'accès est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d'un secret de la défense nationale./ Les niveaux de classification des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d'Etat ".

3. Aux termes de l'article R. 2311-6 du code de la défense, dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans les conditions fixées par le Premier ministre, les informations et supports classifiés au niveau Secret-Défense ou Confidentiel-Défense, ainsi que les modalités d'organisation de leur protection, sont déterminés par chaque ministre pour les administrations et les organismes relevant de son département ministériel ". Selon l'article R. 2311-7 du même code, dans sa version applicable : " Nul n'est qualifié pour connaître d'informations et supports classifiés s'il n'a fait au préalable l'objet d'une décision d'habilitation et s'il n'a besoin (...) de les connaître pour l'exercice de sa fonction ou l'accomplissement de sa mission ".

4. Aux termes de l'article 23 de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, approuvée par l'arrêté du 30 novembre 2011 alors en vigueur : " (...) / La demande d'habilitation déclenche une procédure destinée à vérifier qu'une personne peut, sans risque pour la défense et la sécurité nationale ou pour sa propre sécurité, connaître des informations ou supports classifiés dans l'exercice de ses fonctions. La procédure comprend une enquête de sécurité permettant à l'autorité d'habilitation de prendre sa décision en toute connaissance de cause. / (...) ". Aux termes du 3 de l'article 31 de la même instruction générale : " La décision d'habilitation ne confère pas à son bénéficiaire de droit acquis à son maintien. L'habilitation peut être retirée en cours de validité ou à l'occasion d'une demande de renouvellement si l'intéressé ne remplit plus les conditions nécessaires à sa délivrance, ce qui peut être le cas lorsque des éléments de vulnérabilité apparaissent, signalés par exemple par : / - le service enquêteur ; / - le supérieur hiérarchique ou l'officier de sécurité concerné, à la suite d'un changement de situation ou de comportement révélant un risque pour la défense et la sécurité nationale. / (...) ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 (...) ". En particulier, le b du 2° de cet article L. 311-5 protège le " secret de la défense nationale ".

6. Les décisions qui refusent le renouvellement de l'habilitation " Confidentiel-Défense " sont au nombre de celles dont la communication des motifs est de nature à porter atteinte au secret de la défense nationale. Par suite, la décision du 26 octobre 2020 par laquelle le délégué général à l'armement a refusé d'habiliter M. B..., de même que celle portant rejet implicite de son recours gracieux, n'avait pas à être motivée.

7. En deuxième lieu, en se bornant à contester " formellement " les faits évoqués dans la " note blanche " versée au dossier par le ministre sans apporter la moindre précision, M. B..., à qui il n'est pas demandé d'apporter la preuve d'un " fait négatif ", n'en critique pas utilement le contenu. Or, il ressort suffisamment précisément de cette note que l'intéressé a participé à des rassemblements anti-nucléaires ou contre la présence française en Afrique, notamment au Sahel et en Lybie. Dans ces circonstances, eu égard au militantisme de M. B..., et à la vulnérabilité de l'intéressé aux influences étrangères qui en résulte, le délégué général à l'armement a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que la connaissance d'informations ou supports classifiés par ce dernier générait un risque pour la défense et la sécurité nationale. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la décision litigieuse, fondée sur des considérations objectives en vue de protéger la défense et la sécurité nationale, présenterait un caractère discriminatoire en raison d'un engagement syndical et politique du requérant, prohibé par l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, devenu l'article L. 131-1 du code général de la fonction publique.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée, en ce comprises ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2024.

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N° 24MA00105

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00105
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-10 Armées et défense.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : HEULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;24ma00105 ?
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