Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission au séjour en qualité de " jeune majeur ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'autre part, d'enjoindre audit préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " et, à titre subsidiaire, portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinée des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2300972 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Cohen, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 13 juillet 2023 ;
2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 12 décembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer soit un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement de l'article 7 quater ou 11 de l'accord franco-tunisien, ou, sur celui de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit un titre de séjour pour " considérations humanitaires ou motifs exceptionnels ", sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code, dans un délai de dix jours à compter de la " signification " de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a soulevé des moyens de légalité externe et interne devant le tribunal administratif de Nice ;
- l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'une erreur de fait ;
- il est entaché d'une erreur de droit ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision du tribunal administratif de Nice sera réformée pour erreur de fait, erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté préfectoral contesté, qui porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il aurait dû être régularisé sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 2 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 juillet 2024, à 12 heures.
Par une décision du 27 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a refusé d'admettre M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Né le 20 août 2004 et de nationalité tunisienne, M. B... a sollicité, le 27 septembre 2022, son admission au séjour en qualité de " jeune majeur ". Par un arrêté du 12 décembre 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à cette demande. Il a également fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de fait, de droit et une erreur manifeste d'appréciation sont inopérants.
3. En deuxième lieu, l'appelant ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors, d'une part, que celle-ci ne revêt pas un caractère réglementaire et, d'autre part, que les critères de régularisation y figurant ne présentent pas le caractère de lignes directrices susceptibles d'être invoquées mais constituent de simples orientations pour l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. "
5. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans charge de famille, est entré sur le territoire français alors qu'il était mineur. Il a été placé auprès du service d'aide sociale à l'enfance (ASE) du département des Alpes-Maritimes, à compter du 8 décembre 2020. Après avoir été scolarisé en 4ème et en 3ème dans un collège, il s'est orienté vers une formation professionnelle et a commencé à suivre une formation pour préparation d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " intervention en maintenance technique des bâtiments " et il a pu bénéficier d'un contrat d'apprentissage. Il ressort cependant des pièces du dossier que, comme l'ont relevé à raison les premiers juges, à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté, M. B... n'avait pas obtenu des résultats suffisants dans le cadre de sa formation et faisait montre, outre ses nombreuses absences et les punitions dont il avait fait l'objet, de manque de sérieux et d'assiduité dans ses études. Par ailleurs, il ressort des pièces produites par l'appelant, et notamment d'un rapport social du 22 avril 2022 établi par l'association Paje, que M. B... a continué à entretenir des liens réguliers avec ses parents, ainsi qu'avec son frère et ses sœurs, qui vivent toujours en Tunisie. En outre, l'appelant ne conteste pas être défavorablement connu des services de police pour usage de stupéfiants et faits de violence. Enfin, si M. B... soutient avoir poursuivi sa scolarité en 2023 et qu'il bénéficie toujours de son contrat d'apprentissage, ces éléments étant en tout état de cause postérieurs à l'édiction de l'arrêté en litige, ils sont sans incidence sur la légalité de celui-ci. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu ces dispositions, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ou encore d'une erreur de fait. Ces moyens doivent être écartés.
7. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
8. M. B... déclare être entré sur le territoire français le 7 mars 2020, à l'âge de quinze ans. Ainsi qu'il a été déjà dit, il est célibataire et sans charge de famille. Il a conservé des liens avec ses parents ainsi que son frère et ses sœurs qui demeurent en Tunisie. Alors qu'il indique lui-même que son grand-père l'a " chassé " de son domicile, l'appelant ne se prévaut de la présence d'aucun autre membre de sa famille en France. Par suite, eu égard à la durée de la présence dans ce pays de M. B... et à ses conditions de séjour, en refusant d'admettre M. B... au séjour, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris son arrêté litigieux.
Le représentant de l'Etat n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché son arrêté d'une erreur de fait ou d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'appelant. L'ensemble de ces moyens doit donc être écarté.
9. En cinquième et dernier lieu, à la troisième page de sa requête, M. B... se borne à lister les moyens qu'il avait soulevés devant le tribunal administratif de Nice, sans fournir les précisions indispensables à l'appréciation de leur bien-fondé et sans joindre à cette requête une copie de ses écritures de première instance contenant ces précisions. Il n'y a, par suite, pas lieu, pour la Cour, de répondre à ces moyens.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
11. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de
M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
2
No 23MA02830
fm