Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 22 février 2021 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2102845 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Traversini, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 octobre 2023 ;
2°) d'annuler cette décision préfectorale du 22 février 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour à compter de cette même notification et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil qui renonce, dans ce cas, et par avance, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision préfectorale contestée n'est pas suffisamment motivée en fait et en droit, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour comme l'exigeaient les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 8 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 août 2024, à 12 heures.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 26 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Née le 4 mars 1983 et de nationalité marocaine, Mme A... a déposé, le 1er février 2021, auprès des services de la préfecture des Alpes-Maritimes, une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée, sur le fondement des dispositions de l'ancien article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Par une décision du 22 février 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à cette demande. Mme A... relève appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
3. Mme A... soutient être entrée en France le 5 janvier 2004 et donc y résider habituellement depuis plus de dix ans à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté. Pour en justifier, elle produit, pour chaque année entre 2011 et 2021, de nombreuses pièces constituées notamment de documents médicaux, d'attestations relatives à l'aide médicale de l'Etat qu'elle s'est vue accorder, et des avis de situation déclarative à l'impôt sur le revenu à compter de l'année 2017. L'ensemble de ces éléments, complété par la circonstance qu'il ressort des pièces du dossier qu'en 2015, le préfet des Alpes-Maritimes avait considéré qu'elle justifiait d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans et avait en conséquence saisi la commission du titre de séjour, constitue un faisceau d'indices suffisamment probant pour justifier de la continuité de sa résidence habituelle en France jusqu'à la date d'édiction de la décision préfectorale contestée dans la présente instance. Ainsi, Mme A... est fondée à soutenir qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Alpes-Maritimes était tenu, avant de statuer sur sa demande d'admission au séjour, de saisir, une nouvelle fois, la commission du titre de séjour.
En s'abstenant d'accomplir cette formalité, le représentant de l'Etat a privé Mme A... du bénéfice effectif de cette garantie et a méconnu ces dispositions. Pour ce motif, aucun des autres moyens de la requête n'étant mieux à même de régler le litige, l'appelante est fondée à demander l'annulation non seulement du jugement attaqué mais encore de la décision en litige portant refus de titre de séjour.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
4. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. (...) ". Selon l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
5. L'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet des Alpes-Maritimes statue à nouveau sur la demande de titre de séjour présentée par Mme A..., après l'avoir soumise pour avis à la commission du titre de séjour. Il y a donc lieu d'enjoindre au représentant de l'Etat de procéder à cette consultation et à ce réexamen, et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Traversini, conseil de Mme A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2102845 du tribunal administratif de Nice du 19 octobre 2023 et la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 22 février 2021 portant refus de délivrer à Mme A... un titre de séjour sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A..., après avoir saisi la commission du titre de séjour, et de prendre une nouvelle décision, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Traversini, avocate de Mme A..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Magali Traversini et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
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No 23MA02699
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