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05/11/2024 | FRANCE | N°23MA02382

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 05 novembre 2024, 23MA02382


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par ordonnance du 2 mai 2022, la présidente du tribunal administratif de Marseille a transmis au tribunal administratif de Toulon la demande de M. A... B... tendant à obtenir l'annulation de la décision du 27 janvier 2022 par laquelle le colonel commandant le groupement de gendarmerie départementale du Var lui a infligé une sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêt assortis d'une dispense d'exécution.



Par un jugement n° 2201207 du 11 juillet 2023, le magi

strat désigné près le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 27 janvier 2022...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par ordonnance du 2 mai 2022, la présidente du tribunal administratif de Marseille a transmis au tribunal administratif de Toulon la demande de M. A... B... tendant à obtenir l'annulation de la décision du 27 janvier 2022 par laquelle le colonel commandant le groupement de gendarmerie départementale du Var lui a infligé une sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêt assortis d'une dispense d'exécution.

Par un jugement n° 2201207 du 11 juillet 2023, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 27 janvier 2022.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2023, le ministre des armées demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....

Il soutient que :

- la circonstance que la visite médicale périodique à laquelle le gendarme B... a dû se soumettre serait illégale est sans incidence sur sa situation vaccinale et la sanction prononcée pour refus de se soumettre à l'obligation vaccinale ; en tout état de cause cette visite a eu lieu conformément au cadre fixé par l'instruction du 31 juillet 2014 ;

- l'instruction ministérielle du 29 juillet 2021 et la " note-express " du major général de la gendarmerie nationale du 17 août 2021 ont été dûment publiées et signées par les autorités compétentes ;

- la circonstance que ces textes aient été visés au lieu des textes qui les ont abrogés et remplacés, à savoir l'instruction du 7 décembre 2021 et la " note-express " du 27 décembre 2021, est sans incidence ;

- aucune discrimination ou rupture d'égalité n'est constituée au regard des fonctionnaires de la police nationale qui ne se trouvent pas dans la même situation ;

- la décision attaquée n'est entachée d'aucune erreur de fait, particulièrement quant à son refus de se faire vacciner ;

- elle est justifiée au regard de l'obligation de vaccination qui résulte notamment de l'article D. 4122-13 du code de la défense, et des contraintes que le refus de M. B... a fait peser sur le service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Marcel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- le ministre a acquiescé aux faits ;

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'instruction n° 1700/DEF/DCSSA/PC/MA du 31 juillet 2014 relative à la détermination et au contrôle de l'aptitude médicale à servir du personnel militaire ;

- les instructions n° 509040/ARM/DCSSA/ESSD du 29 juillet 2021 et n° 514510/ARM/DCSSA/SDD du 7 décembre 2021, relatives à la vaccination contre la COVID-19 dans les armées ;

- les " note-express " n° 050481 du 17 août 2021 et n° 074777 du 27 décembre 2021, relatives à la vaccination des militaires de la gendarmerie contre la COVID-19 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Marcel, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre des armées relève appel du jugement du 11 juillet 2023 par lequel le magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon a annulé la sanction disciplinaire de 10 jours d'arrêt assortis d'une dispense d'exécution, prononcée le 27 janvier 2022 par le colonel commandant le groupement de gendarmerie départementale du Var à l'encontre du gendarme A... B..., exerçant les fonctions d'enquêteur au sein de la brigade territoriale autonome de Fréjus.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation vaccinale :

2. Aux termes de l'article D. 4122-13 du code de la défense : " Les obligations en matière de vaccinations applicables aux militaires sont fixées par instruction du ministre de la défense ". Par instructions du 29 juillet 2021, puis du 7 décembre 2021, relatives à la vaccination contre la COVID-19 dans les armées, le ministre a prévu que la vaccination contre la COVID-19 était obligatoire notamment pour tout militaire participant à des missions de service public et servant, à compter du 15 septembre 2021, sur le territoire métropolitain au titre d'un engagement opérationnel. Il a renvoyé, s'agissant de ce dernier service, à une liste plus précise définie par l'état-major des armées et la direction générale de la gendarmerie nationale. Par " note-express " du 17 août 2021, puis du 27 décembre 2021, le major général de la gendarmerie nationale a précisé que l'obligation s'imposait aux personnels militaires de la gendarmerie, d'active et de réserve, en mission de police judiciaire et d'accueil notamment.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. (...) ". Aux termes de l'article R. 312-3-1 du même code : " Les documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2 émanant des administrations centrales de l'Etat sont, (...), publiés dans des bulletins ayant une périodicité au moins trimestrielle et comportant dans leur titre la mention " Bulletin officiel " ". Il résulte de ces dispositions que l'obligation de publication au bulletin officiel ne s'applique pas aux documents comportant des dispositions à caractère réglementaire. Or, les instructions et " note-express " mentionnées au point précédent ont été prises par le ministre des armées et le major général de la gendarmerie nationale en leur qualité de chef de service, afin d'imposer une obligation de vaccination à certains personnels. Elles revêtent ainsi un caractère réglementaire et n'entrent pas dans le champ d'application des articles L. 312-2 et R. 312-3-1 du code des relations entre le public et l'administration. M. B... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que ces textes, faute d'avoir été publiés dans un bulletin officiel, ne seraient pas applicables. Au demeurant, si les " note-express " des 17 août et 27 décembre 2021 ont seulement été diffusées de façon générale jusqu'à l'échelon brigade et sur le site Intranet de la gendarmerie nationale, les instructions des 29 juillet et 7 décembre 2021 ont été publiées au bulletin officiel des armées, n° 57 du 30 juillet 2021 et n° 92 du 17 décembre 2021.

4. Le gendarme A... B..., affecté sur les missions de police judiciaire, était dès lors, durant la période du 15 septembre 2021 au 27 janvier 2022, soumis à une obligation vaccinale contre la COVID-19 sur le fondement de ces différents textes alors même que la décision portant sanction ne vise que les premières instruction et " note-express " abrogées ensuite par les secondes.

5. Si l'intéressé soutient que cette obligation méconnaîtrait le principe d'égalité de traitement, notamment garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le personnel de la police nationale n'a pas été soumis à pareille obligation, ce dernier ne relève pas de l'état militaire et des sujétions particulières que cet état induit, notamment en termes de disponibilité en toute circonstance. Il se trouve ainsi dans une situation objectivement différente justifiant une différence de traitement.

En ce qui concerne les faits de l'espèce :

6. A titre liminaire, la circonstance que le ministre n'a pas produit d'observations en temps utile à la suite de la mise en demeure que lui avait adressé le tribunal n'est pas de nature à lui interdire de contester en appel la matérialité des faits auxquels il est réputé avoir acquiescé en première instance par application des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative.

7. En l'espèce, le 14 octobre 2021, le médecin du centre médical des armées, assisté de deux témoins, a constaté, à l'occasion d'une visite médicale périodique, le refus du gendarme B... de se " soumettre aux immunisations réglementaires dans les armées ". Il a établi en conséquence un certificat d'inaptitude aux opérations extérieures principalement, en précisant que la restriction portait sur les " missions de service public " et les " engagements opérationnels ". Par courrier du 4 janvier 2022, alors qu'il lui était demandé de confirmer son refus de vaccination, le gendarme B... indiquait au colonel commandant le groupement qu'il ne souhaitait pas communiquer sur son état vaccinal, qui relevait du secret médical.

8. Si M. B... soutient qu'au regard de sa dernière visite médicale périodique du 19 octobre 2020 le déclarant apte au service, aucune nouvelle visite n'aurait dû lui être imposée avant le mois d'octobre 2022, la propagation comme l'évolution de l'épidémie de COVID-19, la mise au point de vaccins et l'institution d'une obligation vaccinale constituaient des faits médicaux pouvant influer sur l'aptitude médicale. Ces circonstances justifiaient ainsi, en tout état de cause, qu'une nouvelle visite ait lieu à la demande de l'autorité d'emploi, ainsi que l'instruction du 31 juillet 2014, dont se prévaut M. B..., relative à la détermination et au contrôle de l'aptitude médicale à servir du personnel militaire, en ouvre la possibilité.

9. Si M. B... prétend que contrairement à ce qui est indiqué dans la demande de sanction du 20 octobre 2021, il n'a pas eu communication de la note n° 55088 CEND/DPMGN/SDAP du 15 septembre 2021, cette circonstance, à la supposer exacte, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que M. B... ne conteste pas avoir été dûment informé de l'obligation vaccinale qui s'imposait à lui.

10. La demande de sanction du 20 octobre 2021 comporte une erreur matérielle sur la date de l'entretien hiérarchique dont a bénéficié M. B... le 15 octobre 2021. Elle fait également référence, de façon ambigüe, à une déclaration de l'intéressé portant refus de se soumettre aux vaccinations réglementaires signée en présence du médecin des armées alors que, dans la mesure où M. B... refusait de signer une telle déclaration, c'est, ainsi qu'il a été dit précédemment au point 7, le médecin lui-même qui a signé un document constatant le refus opposé. Elle comporte également une erreur sur la date de ce document. Toutefois, ces circonstances ne sont pas susceptibles d'avoir influé sur le sens de la décision du 27 janvier 2022 dès lors que celle-ci est fondée sur le fait que M. B... n'a pas satisfait à son obligation vaccinale en temps utile, ce qui a nécessairement obéré la capacité opérationnelle du service en en imposant une réorganisation, et suffit à la justifier. Elles sont dès lors sans incidence sur sa légalité.

11. La circonstance que M. B... aurait, depuis le 3 août 2022, retrouvé sa totale aptitude au service et réintégré l'ensemble de ses fonctions est également inopérante.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, alors même que le jugement du 11 juillet 2023 ne serait entaché d'aucune irrégularité, le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par cette décision, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon a annulé la sanction disciplinaire prononcée le 27 janvier 2022.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné près le tribunal administratif de Toulon du 11 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. A... B....

Copie en sera adressée au groupement de gendarmerie du Var.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2024.

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N° 23MA02382

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02382
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Discipline.

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;23ma02382 ?
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