Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 février 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, ainsi que les décisions par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2306493, 2401417 du 4 juin 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juin et le 3 septembre 2024, Mme B... A..., représentée par Me Salles, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 4 juin 2024 ;
2°) d'annuler les décisions par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission exceptionnelle au séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle au séjour à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi en raison des troubles causés par l'administration dans ses conditions d'existence ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa vie personnelle ;
- ces décisions méconnaissent les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2024, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel et la demande de première instance sont irrecevables dès lors qu'elles ne sont pas accompagnées de la décision attaquée, en méconnaissance de l'article R. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une lettre du 2 octobre 2024, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'indemnisation de Mme A... en raison des troubles subis dans ses conditions d'existence, qui n'ont pas été soumises au juge de première instance et sont ainsi nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- et les observations de Me Salles, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité Albanaise, demande l'annulation du jugement du 4 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite et l'arrêté du 28 février 2024 par lesquels le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
2. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français et des décisions par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour. Ses conclusions tendant à l'indemnisation des troubles subis dans ses conditions d'existence constituent des conclusions nouvelles en appel, et sont, par suite, irrecevables.
Sur les fins de non-recevoir opposée par le préfet des Alpes-Maritimes :
3. Si le préfet des Alpes-Maritimes soutient que la requête serait irrecevable en application fondement des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative faute de produire la décision attaquée, il n'assortit pas cette fin de non-recevoir des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé alors que ces dispositions sont relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort et que le jugement attaqué comme la demande de Mme A... tendant à la délivrance d'un titre de séjour ainsi que l'arrêté du 28 février 2024 sont produits à l'appui de la requête. Au demeurant, Mme A... avait produit en première instance l'arrêté en litige portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français et avait clairement indiqué qu'elle entendait demander l'annulation de cet arrêté. Dans ces conditions, les fins de non-recevoir opposées par le préfet tant à la demande de première instance qu'à la requête d'appel ne peuvent qu'être écartées.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée sur le territoire français en octobre 2015, à l'âge de 12 ans accompagnée de sa mère et de sa sœur cadette, et s'y est maintenue continuellement depuis. Elle a été scolarisée dès le 23 novembre 2015 puis, après avoir obtenu le brevet des collèges avec mention assez bien en juillet 2019, a été scolarisée en lycée et a obtenu le baccalauréat, puis a été inscrite dès septembre 2022 à l'université Côte d'Azur. Outre son parcours scolaire et universitaire exemplaire dont témoigne également une attestation d'une attachée temporaire d'enseignement dans cette université, elle justifie de son intégration dans la société française en produisant notamment nombre d'attestations de voisins et de connaissances, mais également du frère et des deux sœurs de sa mère, tous de nationalité française, qui attestent soutenir financièrement la cellule familiale depuis son arrivée en France Dans ces circonstances particulières, alors que le préfet des Alpes-Maritimes ne peut sérieusement faire valoir que Mme A... peut établir sa vie privée et familiale en Albanie où elle n'a jamais vécu, Mme A... est fondée à soutenir qu'en prenant l'arrêté, celui-ci a commis une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa vie personnelle et à demander son annulation, ainsi que celle du jugement du tribunal administratif de Nice du 4 juin 2024.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, et en l'absence de modification des circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 1 000 euros.
D É C I D E
Article 1er : Le jugement du 4 juin 2024 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 28 février 2024 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président de la chambre,
- Mme Courbon, président-assesseur,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2024.
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N° 24MA01462