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24/10/2024 | FRANCE | N°23MA02864

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 24 octobre 2024, 23MA02864


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.



Par un jugement n° 2306665 du 30 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédur

e devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 30 novembre 2023, Mme A... épouse C..., représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 22 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 2306665 du 30 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2023, Mme A... épouse C..., représentée par Me Gonidec, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 30 octobre 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

3°) d'annuler l'arrêté du 22 mai 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

4°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation, et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de qualification juridique des faits et d'une erreur d'appréciation au regard des moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refus de séjour ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration ; elle est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination sont illégales, par la voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

Mme A... épouse C... a été admise à l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 23 février 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Un mémoire enregistré le 4 octobre 2024, présenté pour A... épouse C..., n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le décret n° 2023-340 du 4 mai 2023 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail, président ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse C..., de nationalité algérienne, demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par décision du 23 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par la requérante et a admis celle-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle pour la présente instance d'appel. Dès lors, les conclusions présentées par Mme C... tendant à ce que la Cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet à la date du présent arrêt.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. (...) ". Selon l'article L. 233-1 de ce même code : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : (...) 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Il résulte de ces dispositions que le ressortissant d'un Etat tiers dispose d'un droit au séjour en France en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne dans la mesure où son conjoint remplit lui-même les conditions fixées au 1° ou au 2° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont alternatives et non cumulatives.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles. / La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 233-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2023-340 du 4 mai 2023 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active : " Le montant forfaitaire mensuel du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, applicable à un foyer bénéficiaire composé d'une personne seule, est fixé à 607,75 euros à compter du 1er avril 2023. (...) ". Enfin, selon l'article R. 233-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne mentionnés au 1° de l'article L. 233-1 conservent leur droit au séjour en qualité de travailleur salarié ou de non-salarié dans les situations suivantes : / 1° Ils ont été frappés d'une incapacité de travail temporaire résultant d'une maladie ou d'un accident (...) ". Il résulte par ailleurs de la fiche sur le revenu de solidarité active (RSA) en 2023 établie par la Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques (DREES), librement accessible tant au juge qu'aux parties, que le montant du RSA pour un foyer composé d'un couple avec deux enfants, au 1er avril 2023, s'élevait à 1 276,28 euros.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse C... est mariée à M. D... C..., ressortissant espagnol, depuis le 28 avril 2009, les époux vivant en France avec leurs deux enfants mineurs. Suite à un accident du travail survenu le 10 décembre 2021, celui-ci a perçu des indemnités journalières, à hauteur de 852,88 euros entre le 14 décembre 2021 et le 10 janvier 2022, 1 196,32 euros par mois entre le 11 janvier 2022 et le 3 janvier 2023, puis 1 100,52 euros par mois entre le 1er janvier 2023 et le 4 septembre 2023. L'intéressé percevait en outre une allocation d'Aide au Retour à l'Emploi, à hauteur de 776,16 euros pour le mois de novembre 2022, puis de 831,60 euros par mois à compter du mois de décembre 2022, pour une durée maximale de 216 jours, soit un peu plus de 7 mois. Ainsi, à la date de la décision contestée, le revenu de M. C..., composé de deux prestations sociales contributives, s'élevait à 1 932,12 euros mensuels, soit un montant supérieur au montant du RSA pour un foyer composé d'un couple avec deux enfants. Dans ces conditions, Mme A... épouse C... est fondée à soutenir qu'elle était, à la date de l'arrêté contesté, en situation de bénéficier d'un titre de séjour comme membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne au titre des dispositions citées aux points précédents.

6. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de séjour, invoqué contre les décisions du même jour obligeant Mme A... épouse C... à quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination, doit être accueilli.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, que Mme A... épouse C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Eu égard au motif d'annulation retenu, et en l'absence de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, l'annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... épouse C... implique nécessairement l'édiction d'une telle mesure. Il y a lieu d'ordonner cette édiction dans un délai de deux mois. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme A... épouse C....

Sur les frais liés au litige :

9. L'appelante a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gonidec de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par Mme A... épouse C....

Article 2 : Le jugement n° 2306665 du 30 octobre 2023 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 22 mai 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... épouse C... un titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Gonidec en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve au bénéfice de la contribution au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C..., à Me Gonidec et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président de chambre,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024

2

N° 23MA02864

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02864
Date de la décision : 24/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : GONIDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-24;23ma02864 ?
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