Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Traitement Eco Compost a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le maire de la commune de Ventabren s'est opposé à la déclaration préalable de travaux qu'elle a déposée le 2 avril 2019 en vue de la création d'une plateforme de compostage.
Par un jugement n° 1905579 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté et enjoint au maire de la commune de Ventabren de délivrer à la société Traitement Eco Compost, dans le délai d'un mois, une décision de non-opposition à sa déclaration préalable.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juin 2023, la commune de Ventabren, représentée par Me Passet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 avril 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Traitement Eco Compost devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la société Traitement Eco Compost la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les installations classées pour la protection de l'environnement doivent respecter le plan local d'urbanisme de la commune d'implantation ;
- l'installation d'une plateforme de compostage est incompatible avec la réglementation applicable à la zone N du plan local d'urbanisme révisé le 11 décembre 2017, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un équipement d'intérêt général autorisé dans cette zone, mais d'une installation à vocation commerciale ;
- en tout état de cause, l'installation en litige porte atteinte à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysagers et compromet l'activité et les sols agricoles en violation de l'article N2 du plan local d'urbanisme ; ce sont les travaux réalisés sans autorisation par la société qui ont modifié la nature du terrain, qui est un terrain boisé, qui s'inscrit dans un secteur de terrains cultivés et dans le périmètre de l'aqueduc de Roquefavour, classé au titre des monuments historiques.
La société Traitement Eco Compost, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté de la ministre du logement et de l'habitat durable du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Passet, représentant la commune de Ventabren.
Considérant ce qui suit :
1. La société Traitement Eco Compost a déposé, le 2 avril 2019, une déclaration préalable en vue de réaliser des travaux d'affouillement et d'exhaussements nécessaires à l'aménagement d'une plateforme de compostage sur la parcelle cadastrée BL n° 70 située lieudit Château Noir sur le territoire de la commune de Ventabren. Cette demande a fait l'objet d'un arrêté d'opposition du maire de la commune le 26 avril 2019. La commune de Ventabren relève appel du jugement du 11 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à la société Traitement Eco Compost une décision de non-opposition à sa déclaration préalable.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.
3. Pour faire droit à la demande de la société Traitement Eco Compost tendant à l'annulation de la décision d'opposition à déclaration préalable du 26 avril 2019, le tribunal administratif a accueilli trois moyens soulevés devant lui par la société, à savoir que son dossier de demande n'était pas incomplet, que le maire de Ventabren ne pouvait lui opposer une incompatibilité de son projet avec le plan local d'urbanisme et que le projet ne méconnaissait pas le règlement applicable à la zone N du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune alors en vigueur.
4. En premier lieu, en vertu du premier alinéa de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme alors applicable, devenu son article L. 152-1, le règlement et les documents graphiques du plan d'occupation des sols ou du plan local d'urbanisme qui lui a succédé sont opposables à l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan. Par ailleurs, en vertu du I de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, les décisions prises en matière de police des installations classées pour la protection de l'environnement à la suite d'une demande d'autorisation ou d'enregistrement ou d'une déclaration préalable sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Le deuxième alinéa de ce I dispose que : " Par exception, la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions (...) d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'une carte communale est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le 9 novembre 2015, le préfet des Bouches du Rhône a délivré à la société Traitement Eco Compost un récépissé de la déclaration déposée au titre des installations classées pour la protection de l'environnement en vue de la création d'une installation de broyage et de compostage sur la parcelle cadastrée BL n° 70 situé lieudit Château Noir sur le territoire de la commune de Ventabren. La délivrance de ce récépissé, quand bien même le préfet est réputé avoir procédé à l'examen de la déclaration au regard du PLU alors applicable, n'a ni pour objet, ni pour effet, de faire obstacle à ce que l'autorité administrative compétente en matière d'urbanisme vérifie, dans le cadre de l'examen d'une demande d'autorisation d'urbanisme déposée pour le même projet, le respect, par celui-ci, du règlement et des documents graphiques du PLU applicable à la date à laquelle il statue, s'agissant de deux législations distinctes. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le maire de Ventabren ne pouvait, en raison de la délivrance antérieure de ce récépissé, opposer à la société Traitement Eco Compost " l'incompatibilité " de son projet avec le PLU de la commune.
6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme : " Les destinations de constructions sont : (...) / 4° Equipements d'intérêts collectif et services publics ". Aux termes de l'article R. 151-28 du même code : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : (...) / 4° Pour la destination " équipements d'intérêt collectif et services publics " : locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et de spectacles, équipements sportifs, lieux de culte, autres équipements recevant du public ; ". Enfin, selon l'article 4 de l'arrêté du 10 novembre 2016 de la ministre du logement et de l'habitat durable : " La destination de construction " équipements d'intérêt collectif et services publics " prévue au 4° de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme comprend les six sous-destinations suivantes : locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et de spectacles, équipements sportifs, autres équipements recevant du public. (...) La sous-destination " locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés " recouvre les constructions des équipements collectifs de nature technique ou industrielle. Cette sous-destination comprend notamment les constructions techniques nécessaires au fonctionnement des services publics, les constructions techniques conçues spécialement pour le fonctionnement de réseaux ou de services urbains, les constructions industrielles concourant à la production d'énergie. ".
7. D'autre part, aux termes de l'article N.1 du règlement du PLU de la commune de Ventabren : " Sont interdites les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article N.2. ". Aux termes de l'article N.2 : " Sont autorisés dans l'ensemble de la zone N et à condition de ne pas porter atteinte à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysagers, ainsi que de ne pas compromettre l'activité et les sols agricoles : (...) - Les constructions et installations d'intérêt général, conformément aux dispositions du présent chapitre, / - les ouvrages techniques à condition qu'ils soient d'intérêt général, (...). ".
8. Les dispositions relatives aux constructions autorisées en zone N du PLU de la commune de Ventabren, dans laquelle se situent les aménagements objets de la déclaration préalable déposée par la société Traitement Eco Compost, dans leur version issue de la révision approuvée le 11 décembre 2017, lues à la lumière des dispositions du code de l'urbanisme énoncées au point 6, ne peuvent être regardées comme autorisant la création de plateformes de compostage par une société commerciale ayant pour objet la transformation de déchets verts en compost en vue de la vente de ce compost, un tel équipement ne constituant pas une installation ou un ouvrage technique d'intérêt général ou collectif. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que le projet de la société Traitement Eco Compost ne méconnaissait pas les articles N.1 et N.2 du PLU de Ventabren.
9. En troisième lieu, la commune de Ventabren ne conteste pas, en appel, le motif d'annulation retenu, à juste titre, par le tribunal administratif, tiré de ce que le maire ne pouvait légalement, pour s'opposer à la déclaration préalable de la société Traitement Eco Compost, se fonder sur l'absence au dossier de demande du récépissé préfectoral de la déclaration relative à l'exploitation de l'installation classée, d'information sur les moyens de lutte contre l'incendie, de l'arrêté préfectoral d'autorisation de défrichement ainsi que du plan détaillé sur les conditions d'accès des engins sur la parcelle et l'évolution du trafic induit par cette activité, alors que ces documents ne sont pas au nombre de ceux exigés par l'article R. 441-10 du code de l'urbanisme. Toutefois, il résulte de l'instruction que le maire de Ventabren aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur l'autre motif de la décision du 26 avril 2019, tiré de la méconnaissance du règlement de la zone N du PLU.
10. Il y a donc lieu pour la Cour de se prononcer, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur l'autre moyen soulevé en première instance par la société Traitement Eco Compost.
11. Aux termes de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : (...) f) A moins qu'ils ne soient nécessaires à l'exécution d'un permis de construire, les affouillements et exhaussements du sol dont la hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou la profondeur dans le cas d'un affouillement, excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés ; ". Aux termes de l'article R. 425-25 du même code : " Lorsqu'un affouillement ou un exhaussement du sol est soumis à déclaration, enregistrement ou à autorisation en application des chapitres Ier et II du titre Ier du livre V ou du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l'environnement, cette déclaration, cet enregistrement ou cette autorisation dispense de la déclaration préalable ou du permis d'aménager. ".
12. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Ventabren s'est opposé à la déclaration préalable de la société Traitement Eco Compost, présentée sur le fondement du f) de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme, en vue de la réalisation de travaux d'affouillement et d'exhaussement nécessaires à la création de plateformes de compostage, d'une hauteur maximale de 2,70 m s'agissant des exhaussements, sur une surface de 18 625 m², ainsi que d'aménagements accessoires à ces plateformes. Si la société Traitement Eco Compost a obtenu, le 9 novembre 2015, un récépissé de déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement pour la création d'une installation de broyage et de compostage de déchets non dangereux ou de matières végétales, il ne ressort pas des termes de ce récépissé que celui-ci aurait autorisé les travaux d'affouillement et d'exhaussement nécessaires à la création des plateformes de compostage objet de la déclaration déposée en mairie le 2 avril 2019 au titre de la législation en matière d'urbanisme. Par suite, la société Traitement Eco Compost n'est pas fondée à soutenir qu'elle était dispensée, en vertu de l'article R. 425-25 du code de l'urbanisme, de déclaration préalable au titre de la législation en matière d'urbanisme et que le maire de Ventabren ne pouvait légalement, pour ce motif, s'opposer à ces travaux.
13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Ventabren est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel son maire s'est opposé à la déclaration préalable de travaux de la société Traitement Eco Compost.
Sur les frais liés au litige :
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Traitement Eco Compost une somme à verser à la commune de Ventabren en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1905579 du tribunal administratif de Marseille du 11 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Traitement Eco Compost devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Ventabren présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt notifié à la commune de Ventabren et à la société Traitement Eco Compost.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2024.
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N° 23MA01414