Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, à titre principal, d'annuler la délibération du 18 mars 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Neffes a approuvé le plan local d'urbanisme communal et, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant que, d'une part, elle a classé les parcelles 615, 209, 980, 605 et 889 en zone UE et la parcelle ZC4 en zone Aa et, d'autre part, elle a créé les emplacements réservés n° 12, 13, 14, 3, 50, 10 et 47.
Par un jugement n° 1907681 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 18 mars 2019 en tant que les parcelles 605 et 889 y sont classées en zone UE et en tant qu'elle crée les emplacements réservés n° 47 et n° 14.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2023, la commune de Neffes, représentée par Me Berguet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 février 2023 et de rejeter la requête de M. A... B... ;
2°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués en première instance par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2024, M. A... B..., représenté par Me Vallée, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du 13 février 2023 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la délibération litigieuse en tant qu'elle a classé les parcelles 615, 209 et 980 en zone Ue et la parcelle ZC 4 en zone Aa ;
3°) à ce qu'il soit enjoint à la commune de classer les parcelles 615, 209, 980, 605 et 889 en zone AUba et la parcelle ZC 4 en zone Uc ;
4°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Neffes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le classement des parcelles 605 et 889 en zone Ue au motif de la nécessité de créer des garages communaux et le classement des parcelles 615, 209 et 980 dans cette zone ne sont pas cohérents avec le parti d'urbanisme de la commune qui ressort notamment du plan d'aménagement et de développement durables (PADD) du plan local d'urbanisme (PLU) approuvé par la délibération litigieuse de densifier le cœur de village et les zones à urbaniser pour créer des logements en luttant contre l'étalement urbain et en préservant les terres agricoles, et est ainsi entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le classement de la parcelle cadastrée ZC4 en zone agricole est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a acquis cette parcelle pour améliorer la desserte et l'accueil au camping qu'il exploite sur le territoire de la commune, qui répond aux objectifs du PLU en matière de développement du tourisme, alors par ailleurs que le rapport de présentation fait le constat d'une zone agricole qui est vaste et d'un manque d'emplois dans la commune pour attirer les jeunes ménages et pérenniser leur installation ;
- l'emplacement réservé n° 47 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation alors que le PLU institue 3 emplacements, soit, outre cet emplacement réservé, les emplacements réservés n° 5 et 18, pour l'aménagement d'une place et d'un parc de stationnement desservant la mairie ;
- l'emplacement réservé n° 14 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que, d'une surface de 5 500 m², il est notamment institué pour la création d'une salle des fêtes alors que l'emplacement réservé n° 13, qui lui est contigu, est lui aussi institué pour une salle des fêtes, que la commune dispose de nombreux équipements et que l'intention de la commune de créer cette salle n'est pas établie dès lors que les mêmes emplacements réservés existaient dans le PLU approuvé en 2005.
Les parties ont été informées le 2 octobre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de M. B... tendant à l'annulation de la délibération du 18 mars 2019 approuvant le PLU de la commune de Neffes en tant qu'elle classe la parcelle ZC 4 en zone Aa dès lors que ces dispositions sont divisibles de celles du PLU mises en cause par l'appel principal de la commune de Neffes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Berguet, représentant la commune de Neffes, et celles de Me Vallée, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 18 mars 2019, le conseil municipal de la commune de Neffes (05000) a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, lequel a classé les parcelles appartenant à M. B... cadastrées section A n° 615, devenue n° 1015, n° 980 n° 605 et n° 889 et section ZB n° 209 en zone Ue spécifiquement dédiée à la réalisation d'équipements publics, et institué notamment deux emplacements réservés, l'un, n° 14, destiné à la création d'équipements de sports, loisirs et culture et salle des fêtes, l'autre, n° 47, destiné à l'aménagement du secteur de la Place / mairie / Eglise. La commune de Neffes relève appel du jugement du 13 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération en tant que le PLU litigieux classe les parcelles cadastrées section A n° 605 et 889 en zone Ue et crée les emplacements réservés n° 47 et n° 14. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la délibération litigieuse en tant qu'elle a classé les parcelles cadastrées section A n° 615 et 980 et section ZB n° 209 dans cette même zone, et la parcelle cadastrée section ZC 4 en zone Aa.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel incident de M. B... tendant à l'annulation de la délibération litigieuse en tant qu'elle a classé la parcelle cadastrée section ZC 4 en zone Aa :
2. Les dispositions du PLU de la commune de Neffes relatives au classement de la parcelle cadastrée section ZC 4 en zone Aa sont divisibles des dispositions de ce PLU objets de l'appel principal interjeté par la commune. Par suite, ces conclusions tendant à l'annulation du PLU en tant qu'il procède à ce classement soulèvent un litige distinct de celui soumis à la Cour par l'appel principal et ne sont pas recevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le classement des parcelles cadastrées section A n° 615, devenue n° 1015, n° 980, n° 605 et n° 889 et section ZB n° 209 en zone Ue :
3. En vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". L'article L. 151-8 du même code dispose : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols (...) " Aux termes de l'article L. 151-9 : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger./ Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire./ Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". L'article R. 151-18 de ce code dispose : " Les zones urbaines sont dites " zones U ". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter. ".
4. D'une part, il appartient à l'autorité locale de définir les partis d'urbanisme que traduit le plan local d'urbanisme, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. D'autre part, le règlement doit, de façon globale, être cohérent avec les objectifs et les orientations fixés par le projet d'aménagement et de développement durables. Dès lors, la légalité des prescriptions d'un PLU ayant pour effet d'interdire dans une zone U la plupart des constructions nouvelles s'apprécie au regard du parti d'urbanisme retenu, défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD).
5. Il ressort du règlement du PLU litigieux que la zone Ue est réservée à la réalisation d'équipements publics et d'intérêt collectif et qu'y sont interdits tous les autres types de constructions. Or, le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) dudit PLU comporte trois grands objectifs consistant à assurer un développement harmonieux et maîtrisé de la commune, maintenir et développer les activités créatrices d'emploi et préserver les richesses communales, éléments constitutifs du cadre de vie, chacun décliné en objectifs opérationnels, consistant notamment, au titre du premier de ces objectifs, à fixer de nouvelles familles jeunes, offrir du logement adapté et conforter une centralité au cœur du village, et, au titre du deuxième, développer le commerce et les services de proximité, auxquels le développement des équipements publics et d'intérêt collectif, qui ne figure pas davantage dans les orientations générales fixées par ce document, peut d'autant moins être rattaché que leur consistance n'est pas même précisée, seul le rapport de présentation du PLU évoquant la nécessité de créer des garages communaux, sans davantage de précision. Dans ces conditions, le classement des parcelles litigieuses dans une zone Ue dédiée exclusivement aux équipements publics et d'intérêt collectif, au centre de la commune, dont il n'est pas contesté qu'elle représente une surface de cinq hectares, n'est pas cohérent avec le parti d'urbanisme retenu, et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les emplacements réservés n° 14 et 47 :
6. Aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 151-34 du même code : " Dans les zones U, AU, A et N les documents graphiques du règlement font apparaître, s'il y a lieu : / (...) / 4° Les emplacements réservés aux équipements et installations d'intérêt général en précisant leur destination et les collectivités, services et organismes publics bénéficiaires ".
7. L'appréciation à laquelle se livrent les auteurs d'un plan local d'urbanisme lorsqu'ils décident de créer des emplacements réservés ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou si elle procède d'un détournement de pouvoir. En outre, l'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Toutefois, le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur le caractère réel de l'intention de la commune. Enfin, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'opportunité du choix de la localisation d'un emplacement réservé par rapport à d'autres localisations possibles.
S'agissant de l'emplacement réservé n° 14 :
8. Il ressort des pièces du dossier que l'emplacement réservé n° 14 était, à l'instar des emplacements réservés n° 12 et 13, déjà existant dans le PLU approuvé en 2005 par le conseil municipal de la commune, soit 14 ans avant l'approbation du PLU litigieux. Or, alors que ces emplacements réservés sont maintenus par ce document, aucun équipement n'a été réalisé en particulier sur l'emplacement réservé n° 14 qui grève notamment la parcelle cadastrée section A n° 980 appartenant à M. B.... Alors en outre que cet emplacement réservé n° 14 représente une surface de plus d'un demi hectare et est institué pour la création d'équipement de sports, loisirs, et culturels et la création d'une salle des fêtes, soit la même destination, pour partie, des deux emplacements réservés n° 12 et 13, sur lesquels aucun équipement public n'a été réalisé depuis l'approbation du précédent PLU de la commune, la réalité de l'intention de la commune de créer ces équipements collectifs n'est pas établie. L'institution de l'emplacement réservé n° 14 apparaît dès lors comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de l'emplacement réservé n° 47 :
9. Il ressort de la liste des emplacements réservés du règlement du PLU litigieux que l'emplacement réservé n° 47 est institué en vue de l'aménagement du secteur Place/mairie/église. La circonstance que le type d'aménagement prévu par la mairie ne soit pas précisé n'a, comme cela est rappelé au point 7, aucune incidence sur la légalité de l'institution de cet emplacement réservé. Le fait que deux autres emplacements réservés n° 5 et 18 auraient la même vocation, qui n'est au demeurant pas établi, et seraient plus proches du bâtiment de la mairie n'en a pas davantage. L'institution de cet emplacement réservé n'apparaît pas, dès lors, comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Neffes est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération litigieuse en tant qu'elle institue l'emplacement réservé n° 47. M. B... est quant à lui fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille n'a pas fait droit à sa demande tendant à ce que ladite délibération soit annulée en tant qu'elle approuve le classement en zone Ue des parcelles cadastrées section A n° 615, devenue n° 1015, et n° 980 et section ZB n° 209.
Sur les conclusions de l'appel incident de M. B... à fin d'injonction :
11. Il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité d'un classement retenu par les auteurs d'un document local d'urbanisme. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que les parcelles cadastrées section A n° 615, 209, 980, 605 et 889 auraient dû être classées en zone AUba, ni, a fortiori, qu'il soit enjoint à la commune de Neffes de procéder à ce classement.
Sur les frais liés au litige :
12. il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais.
D É C I D E
Article 1er : La délibération du 18 mars 2019 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Neffes est annulée en tant qu'elle classe en zone Ue les parcelles cadastrées section A n° 615, devenue n° 1015, n° 980, n° 605 et n° 889 et section ZB n° 209 et institue un emplacement réservé n° 14.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 février 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Neffes est rejeté.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Neffes et M. A... B....
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président de chambre,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2024.
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N° 23MA00934
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