Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2401106 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2024, sous le n° 24MA01355, M. A..., représenté par Me Sekly Livrati, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2024 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me Sekly Livrati.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle méconnait les dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle viole l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée compte tenu de son droit au séjour en France ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour d'une durée de deux ans :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle viole l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juillet 2024.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité guinéenne, né le 9 mars 2003, est entré en France le 21 septembre 2019 à l'âge de 16 ans. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance à compter du 29 octobre 2019. Le requérant a déposé, le 9 mars 2023, une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 11 décembre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 11 décembre 2023.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. M. A... soutient résider en France depuis le 21 septembre 2019 et s'y être maintenu depuis cette date. Il ressort des pièces du dossier qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance par un jugement en assistance éducative du 29 octobre 2019, soit une durée de séjour d'un peu plus de quatre ans. Il a suivi une formation en langue française en 2019, ainsi que deux autres formations de CAP de peinture en 2020/2021 et d'un CAP opérateur logistique, en 2022/2023. Dans ce cadre, il a réalisé des stages d'apprenti peintre du 13 juillet au 28 septembre 2020, d'opérateur logistique du 2 juillet au 21 août 2021 et du 23 janvier au 11 février 2023. M. A... est titulaire d'une bourse nationale à compter du 4 septembre 2023 d'un montant de 331 euros par trimestre et d'une promesse d'embauche du 7 février 2022 pour occuper un poste d'opérateur d'atelier au sein de la Sarl Maison Mathieu. Une ressortissante française atteste l'héberger depuis le 1er juillet 2021. Toutefois, le requérant, célibataire et sans enfant, ne démontre ni même n'allègue être dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans et résident ses parents. Il a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 28 avril 2021 qu'il n'a pas exécutée. Par ailleurs, il a été condamné le 27 février 2023, par la chambre correctionnelle de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence à une peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de rébellion, de port d'arme blanche et de menace de crime ou délit contre une personne dépositaire de l'autorité publique. Dans ces conditions et alors même qu'il serait investi dans ses études, eu égard à la durée de la présence en France de M. A... et à ses conditions de séjour, la décision en litige n'a pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni violé les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
5. Compte tenu notamment des circonstances mentionnées aux points 3, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de son pouvoir de régularisation.
6. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. " Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative peut accorder une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " sans que la condition de visa de long séjour soit exigée, en cas de nécessité liée au déroulement des études, ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures.
7. Il ressort des pièces du dossier que le 21 septembre 2019, M. A... est entré irrégulièrement en France à l'âge de seize ans. Il a suivi une formation en langue française en 2019, ainsi que deux autres formations de CAP de peinture en 2020/2021 et d'un CAP opérateur logistique en 2022/2023. Par ailleurs, il est inscrit depuis le mois de septembre 2022 en seconde dans le cadre d'un CAP " métiers de la transition numérique " au lycée professionnel Saint-Henri à Marseille. Toutefois, M. A... qui est titulaire d'une bourse nationale à compter du 4 septembre 2023 d'un montant de 331 euros par trimestre, ne justifie pas de moyens d'existence suffisants alors même qu'il serait hébergé par une ressortissante française. Dès lors, il ne remplit pas une des conditions pour pouvoir bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
8. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 7, M. A... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
9. M. A... ne démontrant pas qu'il pourrait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait illégale pour ce motif.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans :
10. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Et selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11".
11. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 3 et 5, l'interdiction de retour d'une durée de deux ans prononcée à l'encontre de M. A... ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. En fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour de l'intéressé sur le territoire français en tenant compte de l'entrée et des conditions de séjour, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de circonstances tenant à sa vie privée et familiale et des faits à l'origine de la condamnation pénale dont il a fait l'objet, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Dorine Sekly Livrati et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024.
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N° 24MA01355
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