Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 27 octobre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 72 400 euros, d'annuler le titre de perception émis le 23 novembre 2020 pour le recouvrement de cette somme, de décharger la société B... du paiement de cette somme et d'ordonner le remboursement des éventuels prélèvements déjà effectués, ainsi que la mainlevée de la saisie à tiers détenteur réalisée le 10 août 2021.
Par une ordonnance du 18 octobre 2021, le dossier a été transmis, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, au tribunal administratif de Marseille, qui, par un jugement n° 2109108 du 1er février 2024, a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 2 avril 2024, sous le n° 24MA00788, M. B..., représenté par Me Grimaldi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er février 2024 ;
A titre principal :
2°) d'annuler la décision du 27 octobre 2020 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
3°) d'annuler la créance correspondant à la contribution spéciale de 72 400 euros et ses intérêts ;
4°) d'annuler le titre de perception émis le 23 novembre 2020 ;
5°) d'ordonner la mainlevée de la saisie à tiers détenteur réalisée le 10 août 2021 ;
6°) d'ordonner le remboursement intégral des éventuels prélèvements déjà effectués ;
7°) à titre subsidiaire, de ramener le montant de la contribution spéciale à de plus justes proportions ;
8°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société P.P. Calcagni à payer solidairement la contribution spéciale ;
9°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de l'OFII la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il s'est fondé sur des faits matériellement inexacts ;
- il est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas exercé leur plein office concernant la proportionnalité de la sanction et se sont estimés liés par les montants multiplicatifs fixés par l'article L. 8253-1 du code du travail ;
- l'OFII a violé la procédure contradictoire préalable ;
- le délai de quinze jours prévu par les dispositions de l'article R. 8253-3 du code du travail n'a pas été respecté ;
- le tribunal a retenu des faits matériellement inexacts en confondant les salariés de la société C... B..., liés avec cette dernière par des contrats de travail et les travailleurs en situation irrégulière contrôlés sur le chantier de la société P.P. Calcagni ;
- il n'existe aucun lien de subordination entre lui et les travailleurs étrangers, qui répondent des ordres de M. A..., gérant de la société P.P. Calcagni ;
- la société C... B... n'est intervenue que comme simple sous-traitant, sous les ordres de la société P.P. Calcagni ;
- le montant de la contribution spéciale contestée devra être ramené à de plus justes proportions, notamment en considération de la qualité de personne physique de M. B... ;
- la société P.P. Calcagni étant le donneur d'ordres et le maître d'œuvre, il sera ordonné la solidarité du paiement de la contribution avec M. B....
La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'intérieur et des outre-mer qui n'ont pas produit de mémoire.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté des conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 27 octobre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 72 400 euros dès lors que cette décision qui mentionnait les voies et délais de recours lui a été notifiée le 18 novembre 2020 et que le délai de recours, augmenté du délai de distance de deux mois prévu par les dispositions de l'article R. 421-7 du code de justice administrative était nécessairement échu lorsque l'intéressé a formé un recours gracieux le 15 juillet 2021.
Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été produites le 30 septembre 2024 par Me Grimaldi pour M. B..., et communiquées le même jour.
II. Par une requête, enregistrée le 30 avril 2024, sous le n° 24MA01117, M. B..., représenté par Me Grimaldi, demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er février 2024.
Il soutient que les moyens énoncés dans sa requête n° 24MA00788 sont sérieux.
La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas produit de mémoire.
Des observations en réponse au moyen d'ordre public, produites le 30 septembre 2024 par Me Grimaldi pour M. B..., n'ont pas été communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Bouakfa, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Les deux requêtes n° 24MA000788 et 24MA01117, qui sont présentées par le même requérant, sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. A la suite d'un contrôle opéré le 1er octobre 2019 sur un chantier situé 17 rue Charles Cerrato à Marseille, les services de police, accompagnés des services de l'URSSAF, ont constaté l'emploi de quatre ressortissants étrangers dépourvus d'autorisation de travail. Par une décision du 27 octobre 2020, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de M. B... la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 72 400 euros. La direction départementale des finances publiques de l'Essonne a émis, le 23 novembre 2020, un titre de perception de ce montant puis, le 10 août 2021, prononcé une saisine administrative à tiers détenteur (SATD) pour un montant de 79 640 euros, comprenant une majoration de 7 240 euros. M. B... relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 octobre 2020 et du titre de perception émis le 23 novembre 2020, ainsi qu'à la décharge du paiement de la somme réclamée, à ce qu'il soit ordonné la mainlevée de la saisie à tiers détenteur réalisée le 10 août 2021 et demande à la Cour de sursoir à l'exécution de ce jugement.
Sur la requête n° 24MA00788 :
En ce qui concerne les conclusions tendant à la main levée de l'avis à tiers détenteur :
3. Les conclusions aux fins de mainlevée de l'avis à tiers détenteur du 10 août 2021 doivent être regardées comme tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes notifiées par l'avis à tiers détenteur, pour un montant total de 79 640 euros.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article L. 8271-17 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du même code, " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ".
5. D'une part, si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus.
6. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
7. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 17 septembre 2020, le directeur général de l'OFII a informé le requérant de ce qu'un procès-verbal, dressé par les services de police des Bouches-du-Rhône à la suite d'un contrôle effectué le 1er octobre 2019, avait permis d'établir qu'il avait employé quatre travailleurs démunis d'un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France. Ce courrier lui faisait connaître qu'il était susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, qu'il disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations et qu'à l'expiration de ce délai, après avoir pris en compte ses éventuelles observations, l'application de la contribution spéciale pourrait être mise en œuvre à son encontre. L'OFII produit une copie de l'enveloppe de ce courrier qui a été adressé à M. B..., en Pologne, portant la mention " non réclamé " et une date de retour le 19 octobre 2020, ainsi qu'un courriel du 22 octobre 2020 de l'assistante principale du service juridique et contentieux de l'OFII adressant, au requérant ledit courrier et un autre courriel du même jour mentionnant que ce courriel avait été remis à son destinataire. Or, la décision contestée par laquelle l'OFII a mis œuvre la contribution spéciale a été prise dès le 27 octobre 2020, soit 5 jours après la notification du 22 octobre 2020. Par suite et ainsi que le soutient M. B... pour la première fois devant la Cour, le délai de quinze jours prévu par les dispositions de l'article R. 8253-3 du code du travail n'a pas été respecté par l'OFII, lequel a dès lors entaché la procédure d'irrégularité et privé, en l'espèce, M. B... d'une garantie.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête et d'ordonner la solidarité de la créance, que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement du 1er février 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 octobre 2020 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par voie de conséquence, M. B... est également fondé à demander l'annulation du titre de perception émis le 23 novembre 2020 et la décharge du paiement de la somme totale de 79 640 euros. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement, la décision du 27 octobre 2020, le titre de perception du 23 novembre 2020 et de décharger M. B... de l'obligation de payer la somme de 79 640 euros.
Sur la requête n° 24MA01117 tendant au sursis à exécution du jugement contesté :
9. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué, enregistrée sous le n° 24MA01117.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24MA01117.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er février 2024, la décision du 27 octobre 2020 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le titre de perception émis le 23 novembre 2020 sont annulés.
Article 3 : M. B... est déchargé de l'obligation de payer la somme de 79 640 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024.
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N° 24MA00788, 24MA01117