Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Trans Blinter a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 26 février 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a prononcé à son encontre une amende d'un montant de 1 800 euros pour non-respect de son obligation d'attestation préalable de détachement d'un salarié et de désignation d'un représentant en France et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1902027 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 juin 2023, la société Trans Blinter, représentée par Me Frahi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler la décision portant sanction administrative en date du 26 février 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a fondé sa décision sur l'article R. 1331-1 du code du travail qui n'existe pas ;
- la sanction litigieuse est insuffisamment motivée ;
- les conventions signées entre la France et Monaco les 28 février 1952 et 9 juillet 1968 font obstacle à l'application de la législation française ;
- un gel des verbalisations a été décidé à l'issue d'une réunion de la Commission de la coopération franco-monégasque qui s'est tenue le 1er avril 2019 ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 novembre 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention générale du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco sur la sécurité sociale ;
- l'accord du 9 juillet 1968 entre la Principauté de Monaco et la France relatif aux transports routiers ;
- le code du travail ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un contrôle opéré le 13 juin 2017 sur le port de Nice, les services de l'inspection du travail ont relevé, s'agissant de trois salariés employés par la société de droit monégasque Trans Blinter, qu'aucune attestation de détachement relative à ces salariés n'avait été établie par cette dernière et qu'aucun représentant en France n'avait été désigné. Par une décision du 26 février 2019, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a prononcé une amende d'un montant de 1 800 euros à l'encontre de la société Trans Blinter pour manquement à son obligation de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant en France. La société requérante interjette appel du jugement du 6 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cette sanction administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la procédure :
2. La société Trans Blinter reprend en appel les moyens tirés de ce que l'administration a fondé sa décision sur l'article R. 1331-1 du code du travail qui n'existe pas et de ce que la sanction litigieuse serait insuffisamment motivée. Toutefois, il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges aux points 3 et 5 du jugement attaqué.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'amende :
3. En premier lieu, d'une part, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des stipulations de la convention générale du 28 février 1952 entre la France et la Principauté de Monaco qui ont pour seul objectif, au sens de l'article 2 de ladite convention, de coordonner les régimes de sécurité sociale des deux pays, la législation générale fixant le régime des assurances sociales applicables aux assurés des professions non agricoles, aux salariés et assimilés des professions agricoles concernant l'assurance des risques maladie, invalidité, vieillesse, décès et la couverture des charges de la maternité, aux prestations familiales, à la prévention et la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles et aux régimes spéciaux de sécurité sociale. D'autre part, s'il résulte de l'article 2 de l'accord précité du 9 juillet 1968 relatif aux transports routiers que : " Les transports franco-monégasques sont soumis à une réglementation unique qu'ils soient assurés par des entreprises ayant leur siège dans la Principauté ou en France. A cette fin, la législation et la réglementation monégasque concernant les transports routiers seront identiques à la législation et à la réglementation française en la matière ", ces stipulations ne sauraient être regardées comme portant sur la législation et la réglementation sociale applicable aux salariés travaillant dans les entreprises de transports routiers. Par suite, elles ne dispensent pas les sociétés monégasques de leur obligation de déclaration des salariés détachés en France et de désignation d'un représentant en France en application des dispositions de l'article L. 1262-2-1 du code du travail.
4. En deuxième lieu, si la société Trans Blinter fait valoir qu'un gel des verbalisations a été décidé à l'issue d'une réunion de la Commission de la coopération franco-monégasque qui s'est tenue le 1er avril 2019, cette décision est postérieure à la décision attaquée et, en tout état de cause, il ne ressort pas des termes du courrier produit par la société requérante que cette décision s'appliquerait aux procédures déjà engagées.
En ce qui concerne la proportionnalité de l'amende :
5. Aux termes de l'article L. 1264-3 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : " Le montant de l'amende est d'au plus 4 000 euros par salarié détaché et d'au plus 8 000 euros en cas de réitération dans un délai de deux ans à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l'amende ne peut être supérieur à 500 000 euros / Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ".
6. Par la décision contestée, une amende de 1 800 euros pour trois salariés a été infligée à la société Trans Blinter. Il ressort de ladite décision que l'administration, pour évaluer le montant de la sanction et la moduler, a tenu compte, d'une part, des difficultés d'interprétation des deux conventions internationales susvisées et de l'analyse juridique du gouvernement de la Principauté de Monaco telle que rappelée dans un courrier électronique du 8 février 2017, de la circonstance qu'aucune sanction administrative de cette nature n'avait auparavant été notifiée à la société requérante et de ses réponses diligentes dans le cadre de la procédure de sanction initiée à son encontre. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration a appliqué une forte minoration par rapport au montant total de l'amende encourue pour tenir compte des éléments précités. Par suite, et alors même qu'elle ne pratique pas de dumping social, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le principe de proportionnalité aurait été méconnu.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la sanction du 26 février 2019. Il y a lieu également, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées au titre des frais d'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Trans Blinter est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Trans Blinter et à la ministre du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024.
N° 23MA01549 2
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