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18/10/2024 | FRANCE | N°23MA01487

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 18 octobre 2024, 23MA01487


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2019, confirmé par la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 octobre 2020, par lequel le préfet de police des Bouches-du-Rhône lui a ordonné de se dessaisir des armes et des munitions dont il est en possession dans le délai de trois mois, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie, l'a inscrit au fichier national des interdits d'acquisit

ion et de détention d'armes (FINIADA) et lui a retiré la validation de son permis de c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2019, confirmé par la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 octobre 2020, par lequel le préfet de police des Bouches-du-Rhône lui a ordonné de se dessaisir des armes et des munitions dont il est en possession dans le délai de trois mois, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie, l'a inscrit au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA) et lui a retiré la validation de son permis de chasser en lui faisant obligation de remettre son document de validation.

Par un jugement n° 2100189 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2023, M. B..., représenté par Me Crisanti, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2019 pris par le préfet de police des Bouches-du-Rhône, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 6 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police des Bouches-du-Rhône d'effacer son nom du FINIADA, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a considéré à tort que le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision attaquée était inopérant ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2023, la préfète de police des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., titulaire d'un permis de chasser, est détenteur de neuf armes de catégorie C. À la suite d'une enquête administrative diligentée par ses services, le préfet de police des Bouches-du-Rhône a, par un arrêté du 17 octobre 2019, ordonné à M. B... de se dessaisir des armes, des munitions et de leurs éléments de toute catégorie dont il est en possession dans un délai de trois mois, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments de catégories A, B et C, a procédé à son inscription au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes et retiré la validation de son permis de chasser. M. B... relève appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal, au point 5 de son jugement, a écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté du 17 octobre 2019, en considérant de manière détaillée qu'il comportait les considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement. Ce faisant et contrairement à ce que soutient M. B..., le tribunal n'a pas écarté ce moyen comme inopérant. Par ailleurs, et à supposer qu'un tel moyen soit soulevé, le tribunal n'a pas commis d'irrégularité en écartant comme inopérant le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la lettre de notification de l'arrêté attaqué. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Il y a lieu d'écarter, à supposer qu'il soit soulevé, le moyen tiré de ce que la lettre de notification de l'arrêté du 17 octobre 2019 ordonnant le dessaisissement des armes serait insuffisamment motivée, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille, au point 5 du jugement attaqué.

4. L'arrêté en litige du 17 octobre 2019, dont il ressort des pièces du dossier qu'il a été porté à la connaissance de M. B..., comporte une motivation en droit précise rappelant les fondements légaux de la décision de dessaisissement d'armes et la procédure suivie. Il mentionne également que l'enquête administrative diligentée a fait apparaître que M. B..., qui détient neuf armes de catégorie C telles qu'elles sont décrites, s'est signalé le 23 juillet 2016 pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité. Sur la base de ces éléments, l'arrêté du préfet de police des Bouches-du-Rhône en conclut que le comportement de l'intéressé laisse craindre une utilisation dangereuse pour lui-même ou pour autrui des armes qu'il détient et s'avère donc incompatible avec la détention de celles-ci. L'arrêté du 17 octobre 2019, qui précise les raisons pour lesquelles l'interdiction de détenir des armes et munitions de catégorie A, B et C est enregistrée dans le fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA), est donc suffisamment motivé et ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

5. Les circonstances que M. B... n'ait pu retirer, en raison de la période estivale, le courrier recommandé du 19 juillet 2019 l'informant de la mise en œuvre de la procédure contradictoire de dessaisissement des armes et que trois ans se soient écoulés entre la date des faits reprochés et celle de l'engagement de cette procédure, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux.

6. Aux termes de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention des armes, munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation de ces armes dangereuses pour elles-mêmes ou pour autrui ". Aux termes de l'article L. 312-11 de ce même code : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir. (...) ". Aux termes de l'article R. 314-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales détentrices d'armes à feu sont tenues de prendre toute disposition de nature à éviter l'usage de ces armes par un tiers ". Aux termes de l'article R. 314-4 du même code : " Les personnes physiques ou morales détentrices d'armes à feu, de leurs éléments de catégorie C doivent les conserver : / 1° Soit dans des coffres-forts ou des armoires fortes adaptés au type et au nombre de matériels détenus ; / 2° Soit par démontage d'un élément d'arme la rendant immédiatement inutilisable, lequel est conservé à part ; / 3° Soit par tout autre dispositif empêchant l'enlèvement de l'arme (...) ". Aux termes de l'article R. 312-67 du même code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : / (...) 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 17 octobre 2019 portant dessaisissement des armes de M. B... sur le fondement de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure est fondé sur le fait que ce dernier a été mis en cause pour des faits de complicité de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité totale de travail commis le 23 juillet 2016, son épouse s'étant emparée de l'une de ses armes de catégorie C et l'ayant exhibée à l'occasion d'une querelle de voisinage.

8. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

9. Il ressort des termes de l'arrêté du 17 octobre 2019 que pour ordonner à M. B... le dessaisissement des armes dont il est détenteur, le préfet de police des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur la circonstance que ce dernier s'était signalé pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme avec violence le 23 juillet 2016. Pour rejeter la demande d'annulation de l'arrêté en litige, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande de substitution de motifs présentée devant lui par le préfet de police fondée sur la circonstance que l'intéressé a méconnu son obligation de prendre toute disposition de nature à éviter l'usage de ses armes à feu par un tiers et à conserver ces dernières de manière sécurisée.

10. En l'espèce, le requérant n'apporte aucun commencement de démonstration de nature à contester le bien-fondé de ce nouveau motif, alors qu'il est constant que celui-ci était présent lorsque son épouse a menacé son voisin avec l'une des neuf armes de catégorie C qu'il détenait. Il n'apporte pas non plus d'éléments de nature à établir qu'il respectait ses obligations règlementaires relatives à la conservation des armes dans des conditions sécurisées, telles que prévues par l'article R. 314-4 précité du code de la sécurité intérieure. Dans ces conditions, le nouveau motif invoqué par la préfète de police en cours d'instance, lequel n'a privé le requérant d'aucune garantie procédurale, était de nature à fonder la décision litigieuse. L'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif. Par ailleurs, si M. B... soutient que la plainte déposée suite aux faits litigieux a été classée sans suite, une mesure de dessaisissement ou d'interdiction d'acquisition et de détention d'armes de toute catégorie peut toutefois être prononcée, alors même qu'il n'y a pas eu de condamnation pénale, si les faits sont établis et qu'ils sont incompatibles avec une détention d'armes en raison du risque pour la sécurité des personnes, ce qui résulte de ce qui vient d'être dit. Par suite, et quelle que soit par ailleurs l'ancienneté des faits à l'origine de l'arrêté litigieux, la préfète de police n'a, en application des dispositions précitées du code de la sécurité intérieure, pas commis d'erreur d'appréciation en prenant à l'encontre de M. B... une mesure d'interdiction d'acquisition et de détention d'armes de catégories A, B et C et de dessaisissement de ses armes, ainsi qu'en procédant, par voie de conséquence, à son inscription au FINIADA.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 octobre 2024.

N°23MA01487 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01487
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-05 Police. - Polices spéciales. - Police du port et de la détention d'armes.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CRISANTI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-18;23ma01487 ?
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