Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'enjoindre sous astreinte au centre hospitalier de Cannes de communiquer la lettre de démission de Mme C... pour en connaître les motivations, d'enjoindre à la " médecine du travail " de lui communiquer son rapport médical à la suite de son entretien, de suspendre les effets des mises en demeure pour paiement de la somme de 66 095,99 euros correspondant au remboursement de ses frais de formation et d'en prononcer l'annulation en cas d'annulation de sa " démission forcée ", d'annuler la décision n° 2018/1700080663 du 10 décembre 2018 portant démission de son poste d'infirmière, d'ordonner sa réintégration à mi-temps, à titre subsidiaire, de requalifier la démission forcée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'ordonner le règlement des indemnités de licenciement, de retenir la responsabilité du centre hospitalier de Cannes pour l'ensemble des fautes commises dans la gestion de ce dossier et de condamner ce dernier à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et à prendre en charge les frais de remboursement de son engagement de servir ainsi que la perte de revenu résultant de son départ forcé de son poste évaluée à 10 000 euros à titre provisionnel.
Par un jugement n° 1904785 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Gimalac, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1904785 du 29 avril 2022 ;
2°) d'enjoindre sous astreinte au centre hospitalier de Cannes de communiquer la lettre de démission de Mme C... pour en connaître les motivations ;
3°) d'enjoindre à la " médecine du travail " de lui communiquer son rapport médical à la suite de son entretien ;
4°) de suspendre les effets des mises en demeure pour paiement de la somme de 66 095,99 euros correspondant au remboursement de ses frais de formation et d'en prononcer l'annulation en cas d'annulation de sa démission forcée ;
5°) d'annuler la décision n°2018/1700080663 du 10 décembre 2018 portant démission de son poste d'infirmière ;
6°) d'ordonner sa réintégration à mi-temps ;
7°) à titre subsidiaire, de requalifier la démission forcée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'ordonner le règlement des indemnités de licenciement ;
8°) de retenir la responsabilité du centre hospitalier de Cannes pour l'ensemble des fautes commises dans la gestion de ce dossier et de le condamner à payer la somme de 10 000 euros pour préjudice moral et à prendre en charge les frais de remboursement de son engagement de servir ainsi que la perte de revenu résultant de son départ forcé de son poste évaluée à 10 000 euros à titre provisionnel ;
9°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Cannes la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle ne peut être regardée comme ayant donné sa démission de manière libre et éclairée ;
- en acceptant sa démission ne remplissant pas les conditions légales, le centre hospitalier de Cannes a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- qu'en retenant l'absence de preuve d'une absence totale de discernement, les premiers juges ont ajouté une condition supplémentaire qui n'est pas requise pour montrer que sa démission était viciée par la contrainte ou un état dépressif ;
- le centre hospitalier doit indemniser son préjudice matériel et son préjudice moral ;
- il appartient ainsi au centre hospitalier de prendre en charge les frais de remboursement de son engagement ; elle doit donc être déchargée de l'obligation de payer la somme de 66 095,99 euros mise à sa charge à ce titre ;
- le centre hospitalier doit également l'indemniser de sa perte de revenu d'un montant de 10 000 euros ;
- le centre hospitalier doit lui payer la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- les titres émis par la direction générale des finances publiques doivent être suspendus conformément à l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.
Les parties ont été informées le 25 septembre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office, tirés de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de la contestation d'actes de poursuite délivrés en vue du recouvrement d'une créance non fiscale d'un établissement public de santé et de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'injonction au centre hospitalier de Cannes de communiquer la lettre de démission de Mme C... et à fin d'injonction à la " médecine du travail " de communiquer son rapport médical, en l'absence de saisine de la commission d'accès aux documents administratifs préalablement au dépôt de ces conclusions, conformément aux dispositions de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration.
Une réponse aux moyens d'ordre public a été présentée par Mme A... le 26 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud ;
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Une note en délibéré, présentée pour le centre hospitalier de Cannes, a été enregistrée le 15 octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., infirmière diplômée d'Etat au sein du centre hospitalier de Cannes depuis le 13 juillet 2017, a présenté sa démission le 21 novembre 2018. Par décision du 10 décembre 2018, le directeur du centre hospitalier a accepté cette démission et rayé l'intéressée des effectifs de l'établissement à compter de cette même date. Mme A... interjette appel du jugement du 29 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 ainsi qu'à la réparation des préjudices en résultant.
Sur le bienfondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 87 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors applicable : " La démission ne peut résulter que d'une demande écrite du fonctionnaire marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions. / Elle n'a d'effet qu'autant qu'elle est acceptée par l'autorité investie du pouvoir de nomination et prend effet à la date fixée par cette autorité. /La décision de l'autorité compétente doit intervenir dans le délai d'un mois. L'acceptation de la démission rend celle-ci irrévocable (...). ".
3. Il résulte de ces dispositions que la démission ne peut résulter que d'une demande écrite de l'agent marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions. Par suite, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, le moyen tiré de ce que sa demande de démission est irrégulière faute d'avoir été signée, doit être écarté comme inopérant, Mme A... ayant au surplus fait mention dans sa lettre de démission de ses nom et prénom.
4. Il n'est pas contesté que Mme A..., qui exerçait les fonctions d'infirmière diplômée d'Etat au sein du centre hospitalier de Cannes depuis le 13 juillet 2017, a souhaité être mutée vers le centre hospitalier de Grasse. Après en avoir informé les services de son établissement, elle a reçu, le 16 octobre 2017, une simulation du montant de la somme à rembourser au centre hospitalier de Cannes en cas de rupture de son contrat d'engagement de servir au titre des frais de la formation dont elle a bénéficié dans le cadre d'études promotionnelles, initialement pris en charge par cet établissement. Elle a, le 31 octobre 2017, annulé sa demande de mutation et sollicité une affectation dans un service de nuit, demande refusée par l'établissement le 23 novembre 2017. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a ensuite immédiatement été placée en congés de maladie, jusqu'à la date de la décision du 10 décembre 2018. Il en ressort en outre que le courrier du 21 novembre 2018 par lequel elle a présenté sa démission est rédigé en des termes clairs et explicites, manifestant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions au sein du centre hospitalier de Cannes. Elle n'a manifesté la volonté de se rétracter que par courrier du 16 juillet 2019, par la voix de son conseil, soit plus de sept mois après, dans lequel elle affirmait qu'elle souffrait d'une sévère dépression et qu'elle était dans une situation de contrainte en raison de conditions de travail difficiles au sein du centre hospitalier de Cannes et de l'inertie de l'établissement face à son souhait de reprendre son travail à mi-temps thérapeutique.
5. La requérante soutient devant la cour que sa démission ne résulte pas de sa volonté manifestée explicitement et émise librement et qu'elle ne peut pas être regardée comme ayant donné sa démission de manière libre et éclairée en raison de la dépression sévère dont elle souffre dans un contexte de souffrances au travail. Si le certificat médical établi par le médecin psychiatre de la requérante le 5 juin 2018, soit plus de cinq mois avant le courrier par lequel Mme A... a informé le centre hospitalier de sa volonté de démissionner, fait état d'un syndrome anxiodépressif sévère qui s'est développé dans un contexte de souffrance au travail, stabilisé avec un arrêt de travail et un traitement adapté, et si le certificat établi le 12 avril 2022 par un médecin généraliste affirme, plus de trois ans après, que l'état dépressif sévère de l'intéressée l'empêchait de prendre conscience de son acte de démission, ces seules pièces, qui ne mentionnent pas de troubles sévères de discernement de l'agent, ne sont pas de nature à établir que son état de santé ne lui permettait pas de prendre de manière libre et éclairée la décision de démissionner de ses fonctions. C'est donc à bon droit que les premiers juges, qui n'ont, contrairement à ce que soutient Mme A..., pas illégalement ajouté de condition pour l'application des dispositions de l'article 87 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, ont écarté le moyen tiré de ce que la démission présentée par Mme A... serait entachée d'un vice de consentement. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018. Elle n'est, par suite, pas non plus fondée à demander qu'il soit enjoint au centre hospitalier de la réintégrer dans ses fonctions à mi-temps.
6. En l'absence d'acceptation fautive par le centre hospitalier de Cannes de la démission de Mme A..., l'ensemble de ses conclusions indemnitaires fondées sur cette faute, constituées par le préjudice matériel résultant de l'obligation de rembourser les frais de la formation dont elle a bénéficié dans le cadre d'études promotionnelles, initialement pris en charge par l'établissement, d'un montant de 66 095,99 euros et d'un préjudice moral d'un montant de 10 000 euros ne peuvent qu'être rejetées.
7. Si Mme A... demande à la cour d'enjoindre au centre hospitalier de Cannes de communiquer la lettre de démission d'une ancienne collègue de travail, Mme C..., et d'enjoindre à la " médecine du travail " de communiquer son rapport médical à la suite de l'entretien dont elle a fait l'objet, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait, en tout état de cause, saisi la commission d'accès aux documents administratifs préalablement au dépôt de ses conclusions, conformément aux dispositions de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Ses conclusions tendant à ce que ces documents lui soient communiqués, qui ne sont dirigées contre aucune décision administrative, doivent donc être rejetées comme irrecevables.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme A... doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les conclusions tendant à la suspension des effets des mises en demeure pour paiement de la somme de 66 095,99 euros et à leur l'annulation ainsi qu'au règlement des indemnités de licenciement, qui n'ont été présentées qu'à titre subsidiaire dans l'hypothèse où la cour annulerait la démission.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Cannes, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier de Cannes.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Cécile Fedi, présidente de chambre,
- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure,
- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
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N° 22MA01398