Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2100050 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Bastia a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 avril 2023 et le 3 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Créty, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 février 2023 ;
2°) de prononcer la réduction des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les frais de blanchissage étaient déductibles à hauteur de 6 250 euros pour chacune des années 2014 et 2015 ;
- l'administration a formellement pris position sur la déductibilité des frais de blanchissage dans sa réponse aux observations du contribuable du 21 mars 2017 ;
- la doctrine administrative référencée BOI-BNC-BASE-40-60-30 permet l'évaluation forfaitaire des dépenses de blanchissage du linge professionnel lorsque les travaux sont effectués à domicile ;
- ses frais kilométriques étaient déductibles à hauteur de 7 112 euros pour l'année 2014 et de 7 036 euros pour l'année 2015 ;
- l'administration a formellement pris position quant à la déduction des frais kilométriques dans la réponse aux observations du contribuable du 21 mars 2017 ;
- ses frais de repas étaient déductibles à hauteur de 732 euros pour l'année 2014 et de 640,50 euros pour l'année 2015 ;
- son quotient familial doit être augmenté d'une part.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 octobre 2023 et le 12 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité d'infirmière libérale portant sur les années 2013, 2014 et 2015. Elle relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des années 2014 et 2015, et des pénalités correspondantes.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les dépenses déductibles du bénéfice non commercial :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 93 du code général des impôts, applicable aux bénéfices des professions non commerciales : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ". Quelle que soit la procédure d'imposition suivie à l'encontre du contribuable, il lui appartient de justifier que les sommes qu'il a déduites de son bénéfice non commercial ont constitué des dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession.
3. En premier lieu, Mme A..., qui soutient avoir exposé des dépenses de blanchissage dans l'intérêt de son activité d'infirmière à hauteur de 6 250 euros par an, n'en justifie pas par la seule production de relevés d'honoraires et de tarifs pratiqués par des blanchisseries, et ne peut, par suite, demander aucune déduction à ce titre sur le fondement de l'article 93 du code général des impôts.
4. En deuxième lieu, Mme A... a déduit de ses bénéfices des années 2014 et 2015 des sommes de 28 175 euros et 22 776 euros correspondant à des frais kilométriques calculés forfaitairement. Le vérificateur, en l'absence de justification de ces dépenses, a déterminé les frais déductibles au regard des factures d'entretien du véhicule de marque BMW pris en leasing par Mme A..., obtenues dans le cadre de l'exercice du droit de communication, dont il résulte que le nombre de kilomètres parcourus par le véhicule au cours de l'année 2013 s'élève à 7 668, en retenant un prorata d'utilisation professionnelle estimé à 70 %. Il n'a ainsi admis la déduction de ces frais qu'à hauteur de 2 710 euros pour l'année 2014 et de 2 695 euros pour l'année 2015. La requérante ne démontre pas avoir exposé des frais de déplacement nécessités par l'exercice de sa profession pour des montants supérieurs à ceux ainsi admis en se bornant à produire des documents relatifs à ses véhicules personnels et à revendiquer l'application d'un prorata d'utilisation professionnelle du véhicule pris en leasing déterminé en fonction du montant des honoraires rétrocédés, qui est sans rapport avec le mode d'utilisation du véhicule. Par conséquent, elle n'est pas fondée à soutenir que ses frais kilométriques seraient déductibles à hauteur de 7 112 euros pour l'année 2014 et de 7 036 euros pour l'année 2015.
5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le vérificateur a remis en cause la déduction de frais de déplacement correspondant à des frais de repas comptabilisés à hauteur de 3 391,74 euros pour l'année 2014 et de 1 997 euros pour l'année 2015. Mme A..., qui ne conteste pas avoir présenté des pièces justificatives constituées de notes de restaurants et de traiteurs situés à Bastia, où se situe également son domicile, ne démontre pas avoir exposé des frais de repas nécessités par l'exercice de sa profession, quand bien même ces frais seraient modiques. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que ses frais de repas étaient déductibles à hauteur de 732 euros pour l'année 2014 et de 640,50 euros pour l'année 2015.
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
7. La situation de Mme A... n'entre pas dans les prévisions de la doctrine administrative référencée BOI-BNC-BASE-40-60-30 n° 370, selon laquelle les frais de blanchissage du linge professionnel effectués à domicile peuvent être évalués " par référence au tarif pratiqué par les blanchisseurs, à la condition qu'il soit conservé trace (par une mention mensuelle dans le livre-journal) des calculs effectués ", dès lors que le ministre fait valoir sans être contredit que les écritures comptables relatives aux frais de blanchissage étaient globalisées, sans aucune mention explicative en comptabilité. Mme A... n'est dès lors pas fondée à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-BNC-BASE-40-60-30 n° 370.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A ou de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures, que des interprétations ou des appréciations antérieures à l'imposition primitive. Par suite, et en tout état de cause, Mme A... ne peut valablement se prévaloir de la circonstance que l'administration fiscale l'a informée, par une réponse aux observations du contribuable du 21 mars 2017, de l'abandon partiel des rectifications proposées au titre de l'année 2013 et relatives aux frais de blanchissage et aux frais kilométriques.
En ce qui concerne le quotient familial :
9. Aux termes de l'article 193 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 196 B, le revenu imposable est pour le calcul de l'impôt sur le revenu, divisé en un certain nombre de parts, fixé conformément à l'article 194, d'après la situation et les charges de famille du contribuable (...) ". Aux termes de l'article 194 du même code : " (...) / II. Pour l'imposition des contribuables célibataires ou divorcés qui vivent seuls, le nombre de parts prévu au I est augmenté de 0,5 lorsqu'ils supportent à titre exclusif ou principal la charge d'au moins un enfant (...) ". Aux termes de l'article 156 de ce code : " (...) / Un contribuable ne peut, au titre d'une même année et pour un même enfant, bénéficier à la fois de la déduction d'une pension alimentaire et du rattachement. L'année où l'enfant atteint sa majorité, le contribuable ne peut à la fois déduire une pension pour cet enfant et le considérer à charge pour le calcul de l'impôt (...) ".
10. Il résulte de la proposition de rectification du 9 février 2017 que l'administration fiscale a retenu, pour le calcul de l'impôt dû par Mme A... au titre des années 2014 et 2015, une part de quotient familial. Il est constant que la requérante a deux enfants dont le dernier est devenu majeur en 2014, que ces derniers n'ont pas demandé le rattachement à son foyer fiscal, et que l'intéressée, qui a d'ailleurs déduit de ses revenus des pensions alimentaires versées à ces enfants, n'a pas fait mention dans ses déclarations de revenus au titre des années considérées de sa qualité de parent isolé. L'administration était dès lors fondée à retenir une part de quotient familial pour le calcul des impositions en litige. Est sans incidence à cet égard la circonstance que Mme A..., qui, au demeurant, avait bénéficié au titre de l'année 2013 de deux parts de quotient familial pour avoir déclaré être parent isolé avec un enfant à charge né en 1996 en cochant la case " T " de la déclaration de revenus, aurait commis une erreur en s'abstenant de cocher les cases " T " dans ses déclarations de revenu des années 2014 et 2015. Mme A... n'est ainsi pas fondée à soutenir que son quotient familial devrait être augmenté d'une part.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme A... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2024.
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N° 23MA01024