Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2301895 du 18 septembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Dhib, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 septembre 2023 ;
2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 17 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un certificat de résidence, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, et sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de " la présente " et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application des dispositions de l'article L. 911-3 du même code ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté préfectoral contesté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 25 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 juillet 2024, à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 24 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Né le 10 septembre 1962 et de nationalité algérienne, M. B... déclare être entré sur le territoire français le 24 octobre 2011. Il a, en dernier lieu, sollicité, le 28 septembre 2021, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 17 mai 2023, le préfet du Var a refusé de faire droit à cette demande. Il a également fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et il a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 18 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...) ".
3. Au cas particulier, les pièces produites par M. B... devant les premiers juges, complétées par celles nouvellement versées aux débats devant la Cour, sont, prises dans leur ensemble, de nature à établir sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté du 17 mai 2023. En effet, s'agissant plus particulièrement des années 2013 et 2014, l'appelant produit en cause d'appel, outre les premières pages d'avis d'impôt sur les revenus des années 2013 et 2014, un procès-verbal de déclaration de perte de son passeport dressé le 6 juillet 2013 par le consulat d'Algérie à Nice, le récépissé d'une demande de délivrance d'un certificat de résidence valable du 19 avril 2014 au 18 avril 2015, mais aussi de nombreux courriers, attestations et ordonnances médicales.
Par ailleurs, les pièces produites par l'appelant, et, notamment, les relevés de comptes édités les 13 septembre et 15 octobre 2018, les bulletins de paie pour les mois d'août, septembre, novembre et décembre 2018, et les certificats de travail du 3 au 31 août 2018, du 10 au 11 septembre 2018, du 22 novembre 2018, du 27 au 29 novembre 2018 et du 8 au 19 décembre 2018, suffisent à établir sa résidence sur le territoire français au second semestre 2018. M. B... est dès lors fondé à soutenir que l'arrêté préfectoral contesté en tant qu'il porte refus de lui délivrer un certificat de résidence a été pris en méconnaissance des stipulations précitées du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé et, par suite, à demander l'annulation de cette décision de refus ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, qui en procèdent.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Var du 17 mai 2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". Selon l'article L. 911-3 du même code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".
6. Eu égard aux motifs de l'annulation prononcée par le présent arrêt, et sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressé, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Var de délivrer à M. B... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", valable un an, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. D'une part, M. B... n'établit pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 24 novembre 2023. D'autre part, le conseil de M. B... n'a pas demandé, sur le fondement de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la mise à la charge de l'Etat de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à l'appelant si ce dernier n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2301895 du tribunal administratif de Toulon du 18 septembre 2023 et l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet du Var a refusé de délivrer à M. B... un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Var de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", valable un an, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Donia Dhib et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulon.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.
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No 23MA02547