La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2024 | FRANCE | N°23MA02357

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 15 octobre 2024, 23MA02357


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Cendrillon Chausseur a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 61 627 euros en réparation des préjudices que lui ont causé les travaux d'aménagement et de restructuration des places des Prêcheurs, de la Madeleine et de Verdun, et ce au titre de la période de janvier à mai 2019.



Par un jugement n° 2206434 du 7 juillet 2023, le tribunal

administratif de Marseille a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :



Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Cendrillon Chausseur a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 61 627 euros en réparation des préjudices que lui ont causé les travaux d'aménagement et de restructuration des places des Prêcheurs, de la Madeleine et de Verdun, et ce au titre de la période de janvier à mai 2019.

Par un jugement n° 2206434 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 septembre 2023, 23 mai 2024 et

16 juin 2024, la SARL Cendrillon Chausseur, représentée par Me Boulan, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206434 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 61 627 euros en réparation du préjudice subi entre le 1er janvier 2019 et le 31 mai 2019 du fait des travaux dits du " chantier des Trois Places ", somme assortie des intérêts valant capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence, outre les dépens, le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 2 000 euros, sur ce même fondement, au titre de la procédure de première instance.

Elle soutient que :

- la responsabilité sans faute de la commune est engagée au titre de la période de janvier à mai 2019 en raison de nuisances multiples et graves, et des difficultés d'accès ;

- la matérialité des travaux est établie entre janvier et mai 2019 ; ils sont à l'origine de d'une perte de clientèle qui explique la baisse de son chiffre d'affaires ;

- la commune a reconnu le lien de causalité entre les travaux en litige et le préjudice dans la mesure où elle lui a accordé une indemnisation pour la période allant du début des travaux au 31 décembre 2018 ;

- sur la période du 1er janvier au 31 mai 2019, elle a connu une baisse de 42,4 % du chiffre d'affaires réalisé par le magasin situé au 17 rue Thiers, et de 33,6 % de celui réalisé par le magasin situé au 19 de cette même rue ; une telle perte révèle un préjudice anormal et spécial indemnisable pour toute perte au-delà de 20 % ; elle est dès lors fondée à demander la condamnation de la commune à lui verser la somme de 61 627 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 avril et 6 juin 2024, la commune

d'Aix-en-Provence, représentée par Me Morabito, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Un courrier du 29 avril 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article

R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613 1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- les observations de Me Boulan, représentant la SARL Cendrillon Chausseur,

- et les observations de Me Morabito, représentant la commune d'Aix-en-Provence.

Une note en délibéré, présentée par Me Boulan, pour la SARL Cendrillon Chausseur a été enregistrée le 3 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibérations des 18 novembre 2013 et 9 février 2015, le conseil municipal de la commune d'Aix-en-Provence a décidé la réalisation d'un programme d'aménagement et de restructuration des places Prêcheurs, Madeleine et Verdun. Estimant que ces travaux, qui ont débuté le 29 août 2016 pour être réceptionnés le 25 juin 2020, avaient préjudicié au bon exercice de son activité commerciale, la SARL Cendrillon Chausseur, qui exploitait trois magasins aux numéros 17, 19 et 21 de la rue Thiers, a saisi la commune d'Aix-en-Provence d'une première demande tendant à l'indemnisation de son préjudice économique pour la période du

1er septembre 2016 au 31 décembre 2018, à laquelle il a été fait droit, après avis favorable de la commission d'indemnisation amiable des préjudices économiques créée par délibération du

12 mars 2018, à hauteur d'un montant de 100 000 euros. Cette société a ensuite déposé une seconde demande indemnitaire, portant sur la période du 1er janvier au 31 mai 2019. A la suite de l'avis défavorable formulé par la commission d'indemnisation amiable, la commune

d'Aix-en-Provence a rejeté cette demande par lettre du 11 février 2020. Enfin, par courrier du

11 avril 2022, la SARL Cendrillon Chausseur a saisi la commune d'Aix-en-Provence d'une troisième demande indemnitaire, laquelle a été implicitement rejetée par l'effet du silence gardé sur celle-ci par la commune d'Aix-en-Provence. La société a alors saisi le tribunal administratif de Marseille lequel, par un jugement du 7 juillet 2023, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 61 627 euros en réparation de son préjudice économique pour la période du 1er janvier au 31 mai 2019. Il s'agit du jugement dont la SARL Cendrillon Chausseur relève appel dans la présente instance.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère grave et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

3. Par suite, et en premier lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'indemnisation qui lui a été accordée par la commune d'Aix-en-Provence pour la période du

1er septembre 2016 au 31 décembre 2018, laquelle ne saurait valoir, par elle-même, reconnaissance de sa responsabilité par la collectivité pour la période postérieure du

1er janvier au 31 mai 2019.

4. En second lieu et d'une part, il résulte de l'instruction que la commune

d'Aix-en-Provence a engagé des travaux d'aménagement et de restructuration des places Prêcheurs, Madeleine et Verdun qui ont débuté à la fin du mois d'août 2016 pour être réceptionnés le 25 juin 2020. Cette opération d'aménagement a également porté sur des rues voisines de ces places, parmi lesquelles la rue Thiers, où la SARL Cendrillon Chausseur, spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de détail de la chaussure, exploitait deux magasins au cours de la période en litige du 1er janvier au 31 mai 2019. De tels travaux de voirie ont constitué une opération de travaux publics à l'égard de laquelle la société intimée avait la qualité de tiers.

5. D'autre part, si la société Cendrillon Chausseur fait état d'une baisse significative de son chiffre d'affaires entre les mois de janvier à mai 2019, par rapport au chiffre d'affaires moyen qu'elle a réalisé au cours des mois de janvier à mai des exercices 2013 à 2015, elle ne justifie pas que l'accès à son commerce aurait été rendu excessivement difficile, ni même la persistance de travaux rue Thiers aux droits des magasins qu'elle exploite entre janvier et

mai 2019. S'il est établi, en revanche, que des travaux étaient toujours en cours sur les places situées aux extrémités de cette rue, et que de tels travaux ont nécessairement occasionné une gêne pour l'accès à ses magasins, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas établi par les seules pièces produites que cette gêne aurait excédé les sujétions normales qui peuvent être normalement imposées aux riverains de la voirie publique dans un but d'intérêt général, les magasins étant demeurés ouverts pendant toute la durée des travaux, y compris d'ailleurs pendant la période antérieure, notamment en 2018, année au cours de laquelle la rue Thiers a été plus directement concernée par des travaux notamment sur les réseaux et trottoirs.

Au demeurant, la société n'établit pas davantage que sur l'ensemble de la période de travaux dans le secteur, englobant la période antérieure d'août 2016 à décembre 2018, ses boutiques, qui ne sont desservies que par la rue Thiers, auraient vu leur accès empêché, ni même, à plus forte raison, qu'elles auraient été fermées ne serait-ce que pendant quelques jours. Par ailleurs, les nuisances alléguées, constituées par du bruit, des poussières, vibrations et gaz d'échappement, ne sont nullement documentées pour la période de responsabilité en cause dans la présente instance au niveau de la rue Thiers. De même, en ce qui concerne la baisse de clientèle alléguée, outre que l'appelante n'établit nullement que sa clientèle proviendrait pour une part significative de Toulon et Manosque ainsi que du tourisme, elle n'établit pas davantage l'existence d'un impact significatif de la fermeture des nombreux marchés sur les trois places objets des travaux en litige. A cet égard, il résulte de l'article de la revue d'Aix-en-Provence " Le Mag " de juin 2016 produit au dossier que ces marchés ont pour l'essentiel été déplacés à proximité immédiate, autour de la rotonde située à l'Ouest du Cours Mirabeau et le long de cette même avenue, dans un secteur qui reste proche de la rue Thiers. Dans ces conditions, le lien de causalité entre cette opération de travaux public et les dommages invoqués n'est pas établi.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Cendrillon Chausseur n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande indemnitaire pour la période du 1er janvier au 31 mai 2019. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement et à la condamnation de la commune

d'Aix-en-Provence à l'indemniser de son préjudice économique doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune d'Aix-en-Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Aix-en-Provence au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Cendrillon Chausseur est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Aix-en-Provence en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cendrillon Chausseur et à la commune

d'Aix-en-Provence.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 15 octobre 2024.

N° 23MA02357 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02357
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SELARL LEXAVOUÉ AIX-EN-PROVENCE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;23ma02357 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award