La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2024 | FRANCE | N°23MA01690

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 15 octobre 2024, 23MA01690


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Optique Hasbanian a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 247 262 euros en réparation de son préjudice économique résultant des travaux d'aménagement et de restructuration des places des Prêcheurs, de la Madeleine et de Verdun.



Par un jugement n° 2010065 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la S

AS Optique Hasbanian.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémoire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Optique Hasbanian a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 247 262 euros en réparation de son préjudice économique résultant des travaux d'aménagement et de restructuration des places des Prêcheurs, de la Madeleine et de Verdun.

Par un jugement n° 2010065 du 28 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la SAS Optique Hasbanian.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 juillet 2023 et 6 juin 2024, la SAS Optique Hasbanian, représentée par Me Boulan, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 2010065 du 28 avril 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 213 262 euros en réparation des préjudices résultant des travaux d'aménagement et de restructuration des places des Prêcheurs, de la Madeleine et de Verdun, somme assortie des intérêts à compter du 21 décembre 2020, intérêts valant capitalisation ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 34 000 euros, assortie des intérêts à compter du 21 décembre 2020, intérêts valant capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence, outre les dépens, le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que la somme de 2 000 euros, sur ce même fondement, au titre de la procédure de première instance.

Elle soutient que :

- la responsabilité sans faute de la commune d'Aix-en-Provence est engagée en raison de la répercussion des travaux sur son activité ;

- elle a subi un dommage anormal et spécial du fait de nuisances longues et matérielles, et d'une atteinte à son image ;

- elle justifie également l'existence d'un préjudice financier résultant d'une baisse de son chiffre d'affaires, d'un report de loyer accordé par son bailleur, et d'une perte de marge ;

- la commune a elle-même reconnu sa responsabilité puisqu'elle lui a proposé la conclusion d'un protocole transactionnel ; la commune a par ailleurs octroyé une indemnisation à un commerçant voisin ;

- si la Cour devait refuser l'indemnisation à hauteur du montant qu'elle sollicite, soit 213 262 euros, il y aura lieu de lui accorder le montant précédemment accepté par la commune à hauteur de 34 000 euros, proposition valant reconnaissance expresse de responsabilité.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 avril et 27 juin 2024, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Morabito, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Un courrier du 29 avril 2024, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613 1 du code de justice administrative.

Un mémoire, enregistré le 8 juillet 2024, présenté pour la SAS Optique Hasbanian, par Me Boulan, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- les observations de Me Boulan, représentant la SAS Optique Hasbanian,

- et les observations de Me Morabito, représentant la commune d'Aix-en-Provence.

Une note en délibéré, présentée par Me Boulan, pour la SAS Optique Hasbanian, a été enregistrée le 3 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibérations des 18 novembre 2013 et 9 février 2015, le conseil municipal de la commune d'Aix-en-Provence a décidé la réalisation d'un programme d'aménagement et de restructuration des places Prêcheurs, Madeleine et Verdun. Estimant que ces travaux, qui ont débuté le 29 août 2016 pour être réceptionnés le 25 juin 2020, avaient préjudicié au bon exercice de son activité commerciale, la SAS Optique Hasbanian qui exploite un magasin d'optique situé 11 rue Thiers, a saisi la commune d'Aix-en-Provence d'une demande tendant à l'indemnisation de son préjudice. Après avis de la commission d'indemnisation amiable des préjudices économiques créée par délibération du 12 mars 2018, la commune

d'Aix-en-Provence lui a proposé la conclusion d'un protocole transactionnel pour un montant de 34 000 euros, proposition rejetée par la société Optique Hasbanian, qui a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation de la commune d'Aix-en-Provence à l'indemniser de ses préjudices. Par un jugement du 28 avril 2023, dont la SAS Optique Hasbanian relève appel dans la présente instance, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère grave et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie, les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

3. Dès lors, et en premier lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la commission d'indemnisation amiable des préjudices économiques subis par les professionnels riverains des travaux a, dans le cadre de la procédure d'indemnisation amiable, indemnisé un commerçant voisin au titre de la même période.

4. En deuxième lieu, et d'une part, il résulte de l'instruction que la commune

d'Aix-en-Provence a engagé des travaux d'aménagement et de restructuration des places Prêcheurs, Madeleine et Verdun qui ont débuté à la fin du mois d'août 2016 pour être réceptionnés le 25 juin 2020. Cette opération d'aménagement a également porté sur des rues voisines de ces places, parmi lesquelles la rue Thiers, où la SAS Optique Hasbanian exerce une activité d'opticien. De tels travaux de voirie ont constitué une opération de travaux publics à l'égard de laquelle la société appelante avait la qualité de tiers.

5. D'autre part, si ces travaux ont nécessairement occasionné une gêne pour l'accès au commerce de la société appelante, il résulte de l'instruction que celui-ci est resté accessible et ouvert à la clientèle pendant toute la durée des travaux. S'il est certes exact que de potentiels clients ont été privés d'un parc de stationnement d'une capacité de 250 places à proximité de la rue Thiers, une telle circonstance n'a pu avoir qu'un impact très limité sur l'activité de la SAS Optique Hasbanian, dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que la commune d'Aix-en-Provence aurait été dépourvue de tout équipement permettant une solution alternative adaptée aux automobilistes. En outre, si la SAS Optique Hasbanian fait valoir qu'elle a également subi une perte de clientèle en raison de la suppression des nombreux marchés sur les trois places objets des travaux en litige, il résulte de l'article de la revue d'Aix-en-Provence " Le Mag " de juin 2016 produit au dossier que ces marchés ont pour l'essentiel été déplacés à proximité immédiate, autour de la rotonde située à l'Ouest du Cours Mirabeau et le long de cette même avenue, dans un secteur qui reste proche de la rue Thiers. Enfin, s'il résulte des constats d'huissiers dressés les 7 mai 2018 et 14 août 2018 que des travaux étaient en cours dans la rue Thiers à ces deux dates, ces documents n'établissent nullement que les travaux dont il s'agit auraient entravé l'activité de la société appelante, ni même qu'ils auraient été d'une durée excessive. Ces constats, et pas davantage ceux dressés les 19 novembre 2018, 6 mars 2019 et 4 octobre 2019 à l'initiative d'une société tiers exploitant un débit de boissons situé place Verdun, pas plus qu'aucune autre pièce du dossier, et notamment pas les clichés photographiques des 17 novembre 2017, 27 mars 2018, 25 mai 2018 et 11 septembre 2018, ne permettent d'établir que des nuisances liées au bruit,

à la poussière ou au gaz d'échappement, auraient affecté l'activité du magasin d'optique dans une mesure excédant les sujétions normales auxquelles la société pouvait être exposée.

Dans ces conditions, le lien de causalité entre cette opération de travaux public et les dommages invoqués n'est pas établi.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Optique Hasbanian n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aix-en-Provence à l'indemniser de ses préjudices. Par suite, sa requête d'appel tendant à l'annulation de ce jugement doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune

d'Aix-en-Provence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Aix-en-Provence au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Optique Hasbanian est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Aix-en-Provence en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Optique Hasbanian et à la commune

d'Aix-en-Provence.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 15 octobre 2024.

N° 23MA01690 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01690
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-03-04 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SELARL LEXAVOUÉ AIX-EN-PROVENCE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;23ma01690 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award